Et cette année, le gagnant est... Guy Martin ! Ancien pizzaiolo, dont il est banal de dire qu'il a fort bien tourné, le chef du Grand Vefour a obtenu sa troisième étoile dans un restaurant chargé d'histoire, et a été marqué par la personnalité de Raymond Oliver.
Jean-François Mesplède
"La cuisine est un formidable moyen de s'exprimer. Il faut laisser parler son
cur, vivre sa passion avec poésie, être heureux et se sentir bien."
Lorsqu'en 1991, à 34 ans, il
se voit proposer d'exercer ses talents au Grand Vefour, Guy Martin n'hésite guère.
Certes, ce Savoyard, fou de montagne et épris de liberté, s'était un jour juré de ne
jamais travailler à Paris... mais l'aventure est trop belle pour ne pas la tenter. Quand
il pousse la porte du 17, rue de Beaujolais, il découvre un lieu magique chargé
d'histoire. Après Jean Vefour, ancien chef de cuisine de Louis-Philippe d'Orléans futur
roi de France, Louis Vaudable et surtout Raymond Oliver, Guy Martin va marquer ce lieu.
Raymond Oliver, devenu propriétaire en octobre 1948, y récolte 3 étoiles au Michelin
en 1953. Il restera au sommet jusqu'en mars 1983, date à laquelle Michelin choisit de lui
enlever sa troisième étoile. Déçu, fatigué, victime d'un exalté qui lance une bombe
dans la salle quelques jours avant Noël, Oliver décide de quitter des lieux où il vient
de passer trente-six ans.
Quelques années plus tard, Jean Taittinger rachète l'affaire et installe Guy Martin dans
la place. L'établissement en est à 2 étoiles. Guy Martin avait la même note à
Divonne-les-Bains. Remarquable pour un autodidacte qui avoue volontiers que son arrivée
en cuisine tient davantage au fait du hasard qu'à une solide vocation.
La gourmandise
"J'ai suivi des copains qui avaient choisi ce métier", dit-il
simplement. Et lui qui rêvait d'une carrière de musicien se retrouve au... piano par la
seule vertu de l'amitié. Son passage dans une pizzeria n'est pas définitif pour une
vocation qui se dessine. Ce sont davantage les rencontres qui suivent qui s'avèrent
décisives, celles avec Traversac, qui l'installe au Château de Divonne où il obtient 2
étoiles en 1988, et avec Taittinger, qui lui "offre" le Grand Vefour, où il
obtiendra la consécration en mars 2000.
"La gourmandise est à l'origine de mon parcours. Qui mieux qu'une mère savoyarde
peut éduquer le palais de son enfant, lui communiquer la différence entre le bon et le
fin, lui inculquer les plaisirs de la table ? C'est de cette initiation tendre et experte
que naquit en moi une évidence, j'aimais manger. Rien ne me paraissait plus simple et
naturel que la cuisine de ma mère. Pourtant, devant la poêle ou le sautoir vide, il ne
restait plus rien de l'acquis maternel, plus rien que ma propre incompétence : je
comprenais la cuisine, mais je ne savais pas la faire", confesse le chef en
prélude à ses Recettes gourmandes (Editions du Chêne).
Il a su rattraper le temps perdu, voyant dans son couronnement du printemps dernier un
"encouragement pour des jeunes qui sont courageux et aiment leur métier".
Pour cet autodidacte proclamé, qui ne revendique aucune filiation dans le métier, mais
clame son indépendance par rapport aux modes et aux courants, la cuisine est un "formidable
moyen de s'exprimer. Je me sens complètement libre et je pense que la cuisine n'a aucune
limite. Je cuisine donc sans tabou, mais avec une rigueur extrême dans le choix des
produits. En cuisine, il faut laisser parler son cur, vivre sa passion avec poésie,
être heureux et se sentir bien".
Il avoue avoir trouvé un juste équilibre entre le restaurant dont il est chef et p.-d.g.
et sa vie privée. "Ma philosophie vient de mon éducation : on subit sa vie ou
l'on essaie de la driver. Un certain équilibre est primordial et, lorsque je parle de vie
privée, cela veut bien dire vie à soi avec une nette séparation des choses. Je crois
profondément que, si l'on n'est pas heureux dans la vie, il y a forcément un
déséquilibre avec son métier. Il faut donc vivre en pleine harmonie avec soi-même...
et faire ce que l'on aime est le meilleur moyen d'y parvenir." * zzz18p zzz22i
Le Grand Vefour
17, rue de Beaujolais
75001 Paris
Tél. : 01 42 96 56 27
Fax : 01 42 86 80 71
E-mail : grand.vefour@wanadoo.fr
Parlons chiffresChiffre d'affaires 19 MF HT
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Ingrédients
(pour 5 personnes)
Fonds d'artichauts crus
Pièces de mini-carottes
Branche de céleri
250 g de fenouil
Prévoir un plat de 29 x 22 x 26 cm pour la cuisson de la crème et des moules
Demi-dôme de 3 cm de diamètre sur 2 pour le fenouil
Pâte
75 g de farine
1 g de poudre à lever
15 g de sucre glace
70 g de beurre
1 jaune d'uf
3 cl de rhum
15 g de poudre d'amandes
1 pincée de sel
3 g de fenouil
3 g de coriandre
Appareil crème brûlée
4 jaunes d'ufs
60 g de sucre
300 g de crème
100 cl de lait entier
Glace au lait d'amandes
125 cl de lait d'amandes
375 g de crème
125 cl de lait entier
35 g de sucre ion
Préparation
- Pour la pâte, travailler le beurre puis incorporer tous les éléments
sauf la farine. Une fois le tout bien mélangé, ajouter la farine, former une boule puis
réserver au frais sous film.
- Cuire les fonds d'artichauts 20 mn à l'eau citronnée. Couper 4 fonds en dés
et réserver le dernier. Dans une poêle, faire fondre 50 g de beurre avec 100 g de sucre,
colorer légèrement, jeter les artichauts et colorer. Débarrasser dans le plat de
cuisson.
- Blanchir les jaunes et le sucre, ajouter le lait et la crème, mixer le tout
avec le dernier fond puis verser sur les artichauts. Cuire au four à 90° C pendant 1 h
30 puis réserver au froid.
- Eplucher les mini-carottes, éplucher et émincer le céleri puis les pocher
dans un sirop (500 g de sucre et 50 cl d'eau) pendant 20 mn.
- Hacher le fenouil et le cuire dans un sirop (250 g de sucre et 25 cl d'eau)
pendant 2 h puis le mouler.
- Mélanger tous les éléments pour la glace puis turbiner.
- Etaler la pâte d'une épaisseur de 3 mm et tailler des carrés de 8 cm. Cuire
5 mn à 180° C.
- Tailler les tourtes d'artichauts en carrés de 7 cm, caraméliser le dessus
puis disposer chaque tourte sur un carré de biscuit. Dresser harmonieusement dans
l'assiette.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Hebdo 05 Octobre 2000