A l'image du duo fraternel des Troisgros hier, Jacques et Laurent Pourcel cuisinent à quatre mains en parfaite harmonie. Et trente ans après avoir reconnu celui des Roannais, le Guide Rouge s'est accordé sur le talent des Montpelliérains.
Jean-François Mesplède
Désormais reconnus, les frères Pourcel continuent à jouer la carte de la
complémentarité.
Jumeaux - ils sont nés le 13
septembre 1964 à Agde, dans l'Hérault -, ils ont fatalement fait le choix d'une voie
similaire, à l'école hôtelière de la Colline à Montpellier. Curieusement pourtant,
c'est Laurent qui franchit le pas le premier. Mais comme son frère ne peut rester
longtemps sans lui, il le rejoint un an après.
"Notre but était clair, nous voulions nous retrouver tous les deux en cuisine.
Notre père était viticulteur à Florensac et nous avons grandi dans ce petit village,
entre Agde et Pézenas. Je me souviens qu'à la maison nous mangions bien, ce qui explique
pas mal de choses. Notre mère avait le souci du bon produit et se donnait toujours du mal
pour trouver le meilleur de chaque chose. Nous étions très timides et très gourmands
alors, plutôt que de courir dans les rues avec les gamins du quartier, nous préférions
rester à la maison et faire de la pâtisserie." Un vilain jour de 1976, le
destin leur fait un clin d'il : leur mère tombe malade. Les gamins sont obligés
d'assumer, et s'emparent de la cuisine. "Plus question de loisirs ou de
passe-temps : on ne s'amusait plus à inventer des gâteaux. Nous nous sommes occupés de
tous les repas, de l'entrée au dessert. C'est dans ce désir de bien faire et ce besoin
de rendre notre entourage heureux, qu'est née notre passion de la cuisine et que s'est
structurée une collaboration qui n'a jamais pu s'interrompre."
Après l'école, leurs routes se séparent, de 1982 à 1988, année où ils s'installent
à Montpellier pour y créer le Jardin des Sens. Michel Trama à Puymirol, Marc Meneau à
Saint-Père-sous-Vézelay, et Pierre Gagnaire à Saint-Etienne pour Jacques, spécialiste
du sucré. Michel Bras à Laguiole, Alain Chapel à Mionnay, et Michel Bras encore pour
Laurent, adepte du salé. Chacun tire des enseignements de son parcours. "Chapel
était en avance sur son temps. C'était déjà une cuisine avec des cuissons et des jus
courts. Pierre Gagnaire abordait simplement une cuisine compliquée. Ses plats n'étaient
jamais figés, ni pensés trop à l'avance. Il évoluait avec le temps en fonction des
produits. C'est lui qui a donné l'idée qu'une carte doit être constamment changée.
Michel Bras avait une cuisine très technique, très réfléchie et il savait tirer le
meilleur parti de chaque produit. Il avait un amour profond des cuissons et des légumes.
Nous avons eu la chance de débuter dans ce métier au moment où ces chefs étaient en
pleine ascension."
Le secret de la simplicité
Celle des frères Pourcel débute dès leur installation, dans un quartier excentré de
Montpellier. En novembre 1988, avec un investissement de base de 1,6 MF, ils transforment
en restaurant une vieille maison : 35 places et un menu à 120 francs. Les deux sont
devenus... trois avec Olivier Château, associé dans l'affaire. Le succès est immédiat.
Michelin donne une première étoile en 1990, une seconde en 1992. Le secret de la
réussite ? "Une cuisine simple et dépouillée centrée sur les produits. En
fait, nous faisons ce que nous aimons manger. Pour nous, un plat est réussi lorsque tout
ce qui le compose est en osmose. Un cuisinier doit tenir compte du produit, de sa cuisson,
de l'accompagnement et de l'assiette dans laquelle il est servi. Nous sommes hostiles à
des cuissons agressives : aucun ingrédient ne doit exploser en bouche et un plat doit se
comprendre."
Désormais reconnus, les frères Pourcel continuent à jouer la carte de la
complémentarité et ça marche. Les récompenses pleuvent : l'entrée dans la chaîne des
Relais & Châteaux en 1995. Ils n'en resteront pourtant pas là. En ce début d'année
1998, ce sont les frères Pourcel qui, à 33 ans, décrochent la lune...
"Nous ne l'attendions pas si vite et nous ne la sentions pas vraiment venir.
Lorsque nous avons appris la nouvelle, nous en avons éprouvé une grande joie, bien sûr,
mais aussi une certaine angoisse. Une telle distinction doit se mériter et continuer à
se mériter."
"Nous avons pensé que ces étoiles, qui nous tombaient sur la tête, ne devaient
surtout pas la faire enfler. En France, trop de cuisiniers se regardent le nombril. Il
faut éviter la dérive et la course aux clients quand on évoque la gastronomie. Les gens
pensent à des repas à 800 ou 900 francs avec peu de mets dans l'assiette et beaucoup de
décoration autour. Or il ne faudrait pas que les restaurants étoilés découragent les
gens..."
Ce n'est pas le cas chez eux, avec une liste d'attente qui s'allonge et près de 40 000
couverts servis en 1999... * zzz18p
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Le Jardin des Sens
11, avenue Saint-Lazare
34000 Montpellier
Tél. : 04 99 58 38 38
Fax : 04 99 58 38 39
E-mail : jardinsens@relaischateaux.fr
Parlons chiffresChiffre d'affaires 27,4 MF
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Ingrédients
(pour 4 personnes)
400 g de foie gras de canard
50 g de farine
4 pommes de terre moyennes (BF 15)
50 cl de banyuls, sel, poivre
1 L d'huile d'arachide
150 g de mâche
50 g de vinaigrette à l'huile de noix
2 poires Williams
20 g de beurre
1 gousse de vanille
2 oignons
50 g de beurre
1 cuillerée de sucre
1 trait de vinaigre balsamique n
Préparation
- Faire réduire le banyuls jusqu'à l'obtention d'un sirop épais.
Réserver.
- Effectuer le confit d'oignons : émincer, tomber au beurre, sucrer
légèrement, faire cuire à feu doux jusqu'à réduction à sec. Ajouter ensuite le
vinaigre balsamique, réduire de nouveau à sec, assaisonner, réserver.
- Préparer le confit de poires : éplucher, tailler grossièrement les poires,
les faire suer au beurre, cuire longuement, ajouter la vanille, sucrer légèrement.
Réserver.
- Tailler dans le lobe du foie gras des morceaux d'environ 20 à 30 g. En
prévoir 4 par personnes. Les fariner.
- Eplucher les pommes de terre, les mettre dans la râpe et les tailler de
façon à obtenir de longues lanières. Les rouler tout autour des morceaux de foie gras.
Les mettre à frire dans l'huile bien chaude jusqu'à coloration de la pomme de terre.
Saler à la sortie de la friture.
- Assaisonner les feuilles de mâche à la vinaigrette de noix et les disposer
au centre des assiettes. Mettre autour
4 points de compotée d'oignons, poser dessus les croquettes. Disposer la compotée de
poires tiède en intercalant avec les croquettes, puis un cordon de sirop de banyuls.
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L'HÔTELLERIE n° 2686 Hebdo 05 Octobre 2000