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Emile Jung
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L'honnête homme

En plus de ses trois étoiles, Au Crocodile à Strasbourg, le restaurant de Monique et d'Emile Jung, possède une légende. Celle de cette drôle de bête qui a donné son nom à l'établissement.

Lydie Anastassion

 
Emile et Monique Jung célèbrent cette année
le 600e anniversaire de Johannes Gutemberg.

Il y a fort à parier que la petite fille n'avait jamais vu d'aussi près un si gros crocodile. Peut-être même était-ce une découverte. Et c'est les yeux en l'air, fixant l'animal, sa main dans celle de sa mère, qu'elle a traversé le hall d'entrée du restaurant Au Crocodile à Strasbourg. Arrimé au plafond, le reptile domine. Selon la légende, l'animal est un trophée rapporté par le capitaine Ackermann, aide de camp du général Kléber... De retour au pays, il rachète une vieille maison au 10, rue de l'Outre, la transforme en restaurant et y expose naturellement sa capture empaillée. L'endroit devient alors Au Crocodile. Telle est l'histoire, inventée de toutes pièces, que se plaît à raconter l'espiègle Emile... qui a ainsi su créer une légende pour son Crocodile ! "L'important, c'est le bonheur de l'autre", confiait, un peu avant le début du service, Emile Jung, le chef aux 3 étoiles. Il ne se doutait pas qu'il allait faire, ce jour-là avec sa brigade, le bonheur de la petite fille en rouge. Sortie tout droit d'un album Les triplés, avec sa barrette rouge sur son carré blond, la jeune convive n'est pas du tout impressionnée par les lieux. Rehaussée par un coussin, elle tourne les grandes pages du menu, entre sa mère et celle qui paraît être sa grand-mère. Puis, la cuillère dans la main gauche, elle s'attaque à sa crème de petits pois, du menu Gourmets en culottes courtes.
"J'ai commencé par une cuisine régionale. Aujourd'hui, je fais une cuisine plus travaillée, plus pensée, plus exigeante. Tout réside dans la finition et dans la régularité. Il existe trois éléments très importants : les produits qui doivent être les meilleurs, les techniques et le sens de l'harmonie pour la présentation", explique Emile Jung. "Les nuances : le dosage entre le violent et le doux est primordial. Il faut savoir mettre sa connaissance à la portée de l'autre", souffle encore le cuisinier dont la première recette, la Caille confite, créée en 1966, est toujours à la carte. "Elle est unique, souvent copiée, mais les proportions ne sont jamais respectées", s'amuse le chef.

A moitié Lyonnais
Sa cuisine, il la tient de son père, Pierre, qui lui a transmis "son meilleur héritage, son goût et son honnêteté foncière de cuisinier". Dans les années 50, ses parents tiennent une petite affaire à Masevaux dans les Vosges : l'Hostellerie Alsacienne. Pour son apprentissage, le jeune Emile entre à l'hôtel Maison Rouge, place Kléber à Strasbourg. Après le décès de son mari, sa mère, aidée de ses deux filles, conserve l'affaire familiale. Et Emile prend la direction de Lyon. "Je suis allé chez La Mère Guy. J'y ai découvert les meilleurs vins, les meilleures volailles, les meilleurs poissons", raconte Emile Jung qui se dit "à moitié Lyonnais". Puis c'est le retour à l'Hostellerie Alsacienne. Pendant les mois d'hiver, Emile Jung poursuit sa formation dans les établissements renommés. Pour seconder sa mère, il embauche Monique, diplômée de l'école hôtelière de Strasbourg, qu'il épouse en 1965. Tout s'enchaîne ensuite très vite. Le premier macaron arrive en 1966. Agé de 25 ans, Emile Jung est alors le plus jeune étoilé de France. "A cette époque, j'officiais en culottes courtes. La clientèle venait pour moi et m'acceptait tel que j'étais. Les gens encourageaient ma jeunesse, mon enthousiasme", raconte le restaurateur qui, en 1968 et 1969, se classe second au concours du Meilleur sommelier-restaurateur. Deux ans plus tard, le couple s'installe au Crocodile. Fidèle, la clientèle de Masevaux se déplace à Strasbourg. Le restaurant décroche ses seconde et troisième étoiles en 1975 et 1989. "Nous progressions et nous avions davantage de moyens. L'équipe devenait plus forte, plus nombreuse et plus professionnelle", commente Emile Jung dont la brigade est aujourd'hui composée de Laurent Huguet, chef de cuisine, d'Alfred Georg, chef pâtissier, Gilbert Mestrallet, chef sommelier et d'Emmanuel Gerberle, directeur de salle.

Menu Gutemberg
Dans la salle de restaurant, les éclats de voix de la fillette se mêlent aux autres, plus graves. Le changement de couverts lui laisse juste assez de temps pour contempler, derrière elle, les appliques couleur abricot. Une couleur reprise sur les murs. A sa droite, le tableau de François Adolphe Grison, représentant une fête de village sur un pan entier de mur, doit lui sembler immense. Tout comme les papillons en papier suspendus sous la verrière, avec des fleurs, et qu'elle pointe du doigt. Dans quelques jours, papillons et ornements floraux disparaîtront pour faire place à Gutemberg.
Après La Fontaine, Goethe et l'Egypte, le Crocodile célèbre cette année le 600e anniversaire de Johannes Gutemberg et le 550e anniversaire de l'invention de l'imprimerie à caractères mobiles. L'occasion de proposer un menu à base de recettes inspirées de l'un des premiers livres de recettes imprimés en France, Le Viandier de Guillaume Tirel, dit Taillevent, et imprimé à Lyon vers 1489. Anguille et Poulette fermière sur gelée de cristal, Sandre aux lentilles "comme à Mayence", Jarret de veau façon Annette Iserin Tür, Tomme des moines, Croustillant d'épeautres aux pommes et poires, Parfait glacé "hommage Gutemberg" au lait d'amandes amères et Coulis de pistaches, composent le menu.
Pour la petite en rouge, ce sera un Emincé de volaille à la crème Nouilles. Monique Jung, la maîtresse de maison, passe de table en table. Ce jour-là, quasiment tous sont des habitués.
A part sans doute les deux jeunes femmes japonaises, assises un peu plus loin. Le dessert est servi. Devant une boule de glace rose surmontée d'un cône, comme un chapeau de lutin, le visage de la petite s'anime. Le déjeuner s'achève. Une fois debout, elle reprend la main de sa mère et traverse le hall. Rapide coup d'œil sur le crocodile. Ouf, il n'a pas bougé. * zzz18p zzz22i

Au Crocodile
10, rue de l'Outre
67000 Strasbourg
Tél. : 03 88 32 13 02
Fax : 03 88 75 72 01
E-mail : www.au-crocodile.com

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires 18,3 MF
Nombre de couverts 2 051/mois (en 1999)
Effectif 43 employés

 

Sandre et queues d'écrevisses aux lentilles

Ingrédients
Ingrédients
(pour 4 personnes)
4 filets de sandre de 130 g
12 écrevisses pattes rouges

Sauce
3 dl de riesling d'Alsace
3 dl de fumet de poisson
180 g d'échalotes
50 g de tomate fraîche
150 g de champignons de Paris
25 cl de crème
1 jaune d'œuf
Sel, poivre

Lentilles
120 g de lentilles vertes du Puy
1 petite carotte
1 petit oignon
1 petit bouquet garni

Préparation
- Cuire les lentilles vertes du Puy
18 mn avec la petite carotte, l'oignon
et le bouquet garni. Saler légèrement.

Sauce
- Mettre dans une casserole le riesling d'Alsace, le fumet de poisson avec
les échalotes hachées, la tomate coupée en quartiers, les champignons émincés, saler, poivrer.
- Laisser réduire pour obtenir 5 cl. Ajouter 2 dl de crème, porter à ébullition, et passer.
- Monter 5 cl de crème, ajouter le jaune d'œuf, puis mélanger à la sauce.

- Cuire doucement les écrevisses à l'eau salée pendant 3 mn.
- Cuire les filets de sandre à la vapeur 4 mn à 160° C.
- Déposer sur une assiette creuse le filet de sandre cuit, entourer avec les queues d'écrevisses et les lentilles. Napper avec la sauce et gratiner.
- Décorer avec une lame de truffe au moment de servir.



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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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