Actualités

restauration France

Michel Guérard
________________

L'homme d'Eugénie

Un petit village landais de moins de 500 habitants et trois étoiles : voilà qui suffit à situer Eugénie-les-Bains. A condition toutefois de préciser que Christine et Michel Guérard ont investi les lieux...

Jean-François Mesplède


Michel Guérard invente la cuisine minceur incluant sucres et graisses. Il assure sa réputation planétaire.

Il n'est jamais venu à l'idée de Pierre Troisgros d'annexer à son restaurant de Roanne une... agence matrimoniale. Et pourtant ! Michel Guérard est prêt à vous expliquer que le débonnaire Roannais possède quelques dispositions pour faire rencontrer les gens, comme ce soir de 1972 au Pot-au-Feu d'Asnières. Le minuscule restaurant est à la mode, Michel Guérard - Meilleur ouvrier de France en 1958 -, s'y est installé en 1965, décrochant sa première étoile deux ans plus tard et la seconde en 1971.
Ce soir-là donc, Pierre Troisgros s'installe à une table accompagné d'une charmante jeune femme aux longs cheveux bruns. A la fin du repas, le chef s'invite à leur table et s'ouvre de ses soucis à son copain : "Je prends régulièrement du poids et je n'arrive pas à le perdre." Christine Barthélémy intervient, "mais pourquoi ne viendriez-vous pas chez nous dans les Landes ? Nous y soignons l'obésité et les troubles digestifs". L'invitation est lancée. Il y répond.
Deux ans après, la mémorable rencontre se conclut par un mariage, et l'installation à Eugénie-les-Bains de Michel Guérard qui reprend Les Prés et Les Sources. Dès cette année 1974, alors que le Pot-au-Feu est toujours à 2 macarons, il y décroche 1 étoile. Une deuxième suit en 1975, une troisième deux ans plus tard.
Fils d'un boucher de Mantes-la-Jolie, le jeune Michel ne se voyait pas forcément suivre la trajectoire paternelle. Pourtant, à dix-sept ans, il pousse la porte de la boutique de Kléber Alix pâtissier traiteur à Mantes, et se prend au jeu. Son maître d'apprentissage est un bourreau de travail, Michel Guérard découvre un savoir-faire et l'amour du travail bien fait.
Son CAP en poche, il connaîtra la même passion pour le métier au Camélia de Bougival chez Jean Delaveyne. Il partage totalement les idées d'un chef qui professe que la cuisine ne doit pas rester prisonnière des principes d'Escoffier. En fait, Jean Delaveyne prétend qu'on peut lui rester fidèle sans épouser servilement ses idées. "Il faut bousculer la cuisine, la libérer", dit-il et Michel Guérard approuve.

Sur un conseil de Bocuse
Même s'il travaille ensuite dans de grandes maisons - Maxim's, Lucas Carton, le Meurice et le Crillon -, il n'oubliera jamais son passage au Camélia. Un peu plus tard, il travaillera pour les Clérico, propriétaires du Lido à Paris, où il prendra en charge la pâtisserie.
A cette époque, Michel Guérard rencontre Paul Bocuse et Pierre Troisgros et se lie d'amitié avec les deux compères qui l'incitent à s'installer. "Même au risque de ne pas vendre, tu dois faire ce que tu as envie de faire", l'encourage Paul Bocuse. Il suit le conseil et, au fin fond d'Asnières, dans une rue déserte, reprend un vieux bistrot où il peut donner libre cours à son imagination créatrice. Quelques tables suffisent à son bonheur... et à celui de ses clients, une trentaine par service, qui se bousculent dans la petite salle du restaurant très vite étoilé par Michelin. "Certains soirs, il y avait tellement de monde que l'on plaçait une table devant la porte d'entrée pour installer les derniers couverts. Ensuite, il fallait attendre pour sortir." Si la réussite est évidente, Michel Guérard a néanmoins envie de changer d'air, de travailler plus à son aise. Un double clin d'œil du destin
- une mesure administrative imposant le passage d'une route... au milieu du restaurant et la rencontre avec Christine Barthélémy - le conduit sous d'autres cieux.
A Eugénie, le cadre est idéal pour créer un nouveau concept. Pourquoi, s'interroge le chef, la cuisine de régime devrait-elle être morose et se résumer à des carottes râpées ou de tristes repas ? C'est ainsi qu'il invente la cuisine minceur excluant sucres et graisses. Elle assure sa réputation planétaire.
En quelques années, épaulé par la précieuse Christine, Michel Guérard s'est donc hissé au sommet de la cuisine. Notoriété aidant, il est très sollicité : il répond favorablement le premier aux avances d'un grand de l'agroalimentaire... ce qui ne manque pas de choquer quelques puristes. "Je pense que les chefs ont un rôle important à jouer dans la protection des consommateurs. Si je donne mon nom à des produits, c'est pour encourager les autres à s'en mêler. A mes yeux, c'est un devoir : les créateurs dans notre domaine devraient travailler avec l'industrie. Ces gens-là m'ont beaucoup appris", se justifie-t-il alors.
Un quart de siècle après son installation dans les Landes, Michel et Christine Guérard ont fait prospérer le domaine familial. Ils se retrouvent désormais à la tête d'une véritable PME, qui fait vivre près de 300 personnes, pour un chiffre d'affaires flirtant avec les 75 MF (HT), et comprenant quatre hôtels (Les prés d'Eugénie, Le Couvent aux herbes, La Maison rose et La Ferme aux grives), deux centres de thermalisme et deux restaurants.
La réussite ne grise pourtant pas ce sexagénaire à l'œil rieur, au dynamisme et à la veine créatrice intacte. "Si je ne me diversifiais pas, j'aurais peur de m'ennuyer", se défend-il. zzz18p zzz22i

Les Prés d'Eugénie
Relais & Châteaux
40320 Eugénie-les-Bains
Tél. : 05 58 05 06 07
Fax : 05 58 51 10 10
guerard@relaischateaux.fr

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires 13,7 MF HT
Nombre de couverts 18 000/an
Prix moyen 1 100 F
Effectif 52 employés
Ces chiffres ne concernent que le restaurant 3 étoiles

Le saint-pierre entier au plat servi dans un bouillon fruité d'herbes

Ingrédients
(pour 4 personnes)
2 pièces de saint-pierre de 1 kg

Bouillon de légumes au piment d'Espelette
1 L d'eau (auquel on peut ajouter une cuillère à café de bouillon de volaille en poudre)
200 g de fenouil
100 g d'oignon

50 g d'échalote
200 g de carottes
100 g de céleri branche
100 g de blanc de poireau

30 g de gingembre
1 pièce d'anis étoilé
2 gousses d'ail
1 bouquet garni

1 zeste d'orange
1 pincée de piment d'Espelette concassé

15 g de sucre en poudre
1 pincée de gros sel

Ingrédients de finition
4 tranches fines d'orange et 4 tranches fines de citron pelés à vif

4 chips d'ail
120 g de beurre
8 feuilles de persil et de cerfeuil
12 asperges vertes cuites à l'eau et coupées en rondelles jusqu'à la moitié
16 rondelles fines de carottes
8 petites pommes de terre cuites à la vapeur puis épluchées
1 pincée de piment d'Espelette
1 cuillère à soupe de sauce teriyaki
ation

Préparation
- Eplucher et laver tous les légumes. Les émincer grossièrement et les mettre dans une casserole. Mouiller avec l'eau. Assaisonner avec le piment d'Espelette, gros sel et sucre. Faire cuire à feu doux jusqu'à cuisson complète des légumes. Couvrir et laisser infuser 30 mn, puis passer le bouillon à la passoire fine.

- Chauffer le four à 240° C, mettre les saint-pierre assaisonnés dans un plat creux. Verser le bouillon au-dessus, puis enfourner environ 14 mn. Les retourner en cours de cuisson.
- Une fois cuits, lever les filets de saint-pierre. Oter leur peau. Les garder au chaud sur un plat recouvert d'une feuille de papier aluminium.
- Faire bouillir le jus de cuisson, lui incorporer les 120 g de beurre en petites parcelles, fouetter légèrement. Ajouter la cuillère à soupe de sauce teriyaki, les chips d'ail, les rondelles d'asperges et de carottes et les feuilles de persil et de cerfeuil. Rectifier l'assaisonnement. Chauffer les légumes d'accompagnement à la vapeur (pommes de terre et pointes d'asperges). e en place
- Dresser les filets de saint-pierre sur assiette ou sur plat. Disposer dessus et autour les légumes, les herbes et les rondelles d'agrumes et napper du bouillon de nage. Saupoudrer très légèrement les filets de saint-pierre de piment d'Espelette.
- Servir bien chaud.

 


Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts

L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobtre 2000

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration