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Paul Bocuse
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L'empereur des Gueules

Sans se vanter, Paul Bocuse peut affirmer qu'il a débuté sa carrière à la force de ses mollets : ceux qui, à l'été 1946, lui ont permis de grimper au sommet du col de la Luère pour se faire embaucher par la Mère Brazier...

Jean-François Mesplède


"J'ai découvert la cuisine à l'âge de 14 ans et j'ai eu la chance de travailler dans de bonnes maisons."

Il n'a jamais oublié la petite phrase : "Petit, si tu es monté jusqu'ici à vélo, c'est que tu es courageux. Je t'embauche." Parole de mère, Brazier évidemment, gloire locale et nationale en cette année 1946 où la France se remet à peine de ses malheurs de guerre.
Bocuse a vingt ans et l'envie de mordre la vie à pleines dents. Chez les Bocuse, on est restaurateur depuis 1765. Alors il suit la voie tracée par ses aïeux Marie et Joseph, celui-là même qui pour se venger d'une épouse qu'il trouvait volage vendit le restaurant, murs et fonds... et le nom que Bocuse ne put racheter que bien des années plus tard.
Etait-ce une voie obligatoire ? "Plutôt une question d'opportunité. J'ai découvert la cuisine à l'âge de 14 ans et j'ai eu la chance de travailler dans de bonnes maisons, chez des gens qui aimaient leur métier et qui m'ont ouvert la voie." Au sortir de la guerre, il est donc monté au col de la Luère et a découvert la maison Brazier.
"J'y suis resté trois ans. J'ai appris à faire une cuisine simple, ce qui ne veut pas dire facile. J'ai appris l'exigence sur la qualité des produits et une vérité qui me semble éternelle : il n'y a jamais de réussite sans travail. Au sortir de la guerre, après cinq années de privations, les gens retrouvaient une certaine abondance. Ils avaient envie de plats copieux et appréciaient les produits de qualité. A Lyon, les "ténors" s'appelaient Brazier, La Mère Guy, Andrée, Vettard, Garcin, Morateur, Vignard, Nandron et Rivier. On se déplaçait pour manger une cuisine simple : des quenelles, des gratins, de la volaille de Bresse."
En 1957, onze ans après ses débuts, après ses passages chez Point - devenu au fil des années son maître à penser - et Lucas Carton, Bocuse s'installe chez lui à Collonges, avec son épouse Raymonde et leur fille Françoise, sa mère Irma, et son père Georges qui décédera deux ans plus tard. Bocuse s'attache alors à racheter les parts de l'associé de son père. Il cherche de l'argent : un chevillard et un charcutier lui prêtent 16 millions de francs - de l'époque, mais quand même -, simplement enveloppés dans du papier journal.

Le premier trois étoiles de l'après-guerre
Bocuse impose son style. Michelin ne s'y trompe pas et donne une première étoile en 1958, puis une seconde en 1960. "Nous avions des couverts en inox, des nappes en papier et les toilettes dans la cour", s'amuse-t-il encore aujourd'hui.
La consécration ne va pas tarder. En 1961, il devient l'un des Meilleurs ouvriers de France. Pour un provincial, la distinction est rare. Et comme Bocuse a un peu traîné après la proclamation des résultats, les journalistes présents s'intéressent à son cas. Le lendemain il est à la une de France Soir et l'on commence à connaître son nom.
Quelques années plus tard, comme il en a pris l'habitude, il rend visite au directeur du guide Michelin. Dans son bureau du 97, boulevard Pereire, André Pauchet le reçoit. "J'ai appris que vous aviez entrepris des travaux. Seront-ils finis au printemps et serez-vous assez solide ?" Bocuse a compris le message et acquiesce. La troisième étoile est pour lui : confirmation lui en est donnée en mars 1965 où il figure parmi les douze restaurants couronnés dont La Tour d'Argent de Terrail, le Lapérouse de Topolinski, le Grand Vefour d'Oliver, la Mère Brazier au col de la Luère, l'Auberge du Père Bise, l'Oustau de Baumanière de Thuilier, la Pyramide de Mado Point et l'Hostellerie de la Poste de Hure à Avallon. A 39 ans, Paul Bocuse est le premier chef de l'après-guerre.
Dès lors, il découvre le sens exact du mot gloire : son avènement correspond peu ou prou à l'explosion médiatique autour des cuisiniers. Henri Gault et Christian Millau contribuent à la starisation des chefs... et comme Bocuse n'est jamais en reste, un fort courant porte sa génération. Propulsé sur le devant de la scène, l'empereur des Gueules se montre volontiers partageur et entraîne tous ses amis dans son sillage. Alors, à Collonges au Mont d'Or, Raymonde veille au grain. "Une femme, c'est au moins 60 % de la réussite d'une affaire", professe Bocuse qui sait de quoi il parle...
Plus tard, il rachète l'auberge de Joseph et Marie et la transforme en Abbaye où résonnent les limonaires les soirs de noces, banquets et réceptions. Il voyage dans le monde entier et s'amuse qu'on lui reproche ses absences : "Croyez-vous qu'à Modène, Enzo Ferrari visse lui-même tous les boulons de toutes les voitures qu'il vend ?" Mais alors, qui fait la cuisine lorsque vous n'êtes pas là ? "Les mêmes que quand je suis présent", rétorque-t-il.
Lorsqu'on lui demande un jour comment rassembler de jeunes chefs du monde entier autour d'une idée de concours, il invente le Bocuse d'or. Tous ceux qui l'ont un jour côtoyé ou ont voyagé avec lui vous affirmeront qu'il applique à merveille cette règle de vie consistant à "vivre comme si je devais mourir demain" et "travailler comme si je devais vivre cent ans". zzz18p zzz22i

Restaurant Paul Bocuse
69660 Collonges au Mont d'Or
Tél. : 04 72 42 90 90
Fax : 04 72 27 85 87
E-mail : paulbocuse@bocuse.fr

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires 25,1 MF HT
Nombre de couverts 38 226 /an
Prix moyen 888 F

47 employés

 

Loup en croûte feuilletée

Ingrédients
(pour 6 à 8 personnes)
- Se procurer un beau loup de très grande fraîcheur d'environ 3 kg. Le vider minutieusement, lui enlever la peau sur tout le corps sans entamer les chairs, en faisant très attention à laisser la tête et la queue intactes.

- Ceci étant fait, l'ouvrir sur le dos jusqu'à l'arête centrale. Dans cette longue ouverture, mettre des pluches de cerfeuil et de l'estragon fraîchement cueillis. Saler, poivrer, refermer le poisson et faire la même opération sur le ventre.
- D'autre part, étendre au rouleau à pâtisserie deux minces abaisses feuilletées de la longueur du loup. Poser celui-ci sur l'une d'elle, le recouvrir avec l'autre abaisse de pâte. Pour souder la pâte, appuyer tout autour du poisson de façon à bien l'enrober et à reconstituer parfaitement sa forme initiale.
- A l'aide d'un couteau très fin, découper la pâte qui est en trop en laissant un peu de celle-ci pour simuler des nageoires. Sur celles-ci faire quelques stries en longueur et avec le surplus de pâte imiter les ouïes du poisson ainsi que son œil.
- Après avoir doré la pâte au jaune d'œuf pour donner une allure plus ressemblante au poisson, imiter également les écailles : celles-ci peuvent être reproduites avec un petit emporte pièce en forme de demi-lune.
Attention : ce minutieux travail demande beaucoup de patience et de dextérité.
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Méthode
- Mettre le loup confectionné sur une plaque dans un four chaud à 220° C. Quand la pâte a été saisie, réduire la chaleur du four à 180° C pour que la cuisson se fasse régulièrement, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du poisson sans brûler la pâte.
Le temps de cuisson est d'environ 1 h 30.

- Pour le service, le loup dressé sur un grand plat long est détaillé devant les convives. Et on l'accompagne simplement de beurre fondu ou d'un beurre blanc.

Variante
Avant d'être enrobé de pâte, le loup peut être farci d'une excellente Mousse de homard :
- Piler au mortier 200 g de chair crue de homard. Ajouter le corail du crustacé. Assaisonner avec 10 g de sel fin, une prise de poivre du moulin et un soupçon de noix de muscade finement râpée.
- Passer ensuite la chair du homard au tamis fin, la mettre dans un bol sur la glace et lui incorporer 200 g de crème double et en dernier lieu 100 g de pistaches et de truffes.

 
Recette extraite de La cuisine du marché
aux éditions Flammarion


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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