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Marc Veyrat
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Au nom du père...

Consacré par le guide Michelin en mars 1995, Marc Veyrat a très fortement pensé à son père qui ne vivrait pas son triomphe... après avoir tout fait pour lui permettre d'atteindre les sommets étoilés.

Jean-François Mesplède

 
"Quand j'ai ouvert ma première auberge, j'étais avide de connaissances,
de sensations et d'arômes. J'ai compris pourquoi le luxe existait et j'ai commencé à comprendre les produits", déclare Marc Veyrat.

C'était un montagnard savoyard : chapeau vissé sur le crâne, Boyard maïs souvent éteinte collée au coin des lèvres. Un homme au bon sens paysan, sachant bien où se trouve chez l'homme sa vraie richesse, il ne veut pourtant pas en démordre : il inscrira son fils à l'école hôtelière. Aux côtés de son père, dans la vieille voiture familiale, Marc Veyrat l'incite à renoncer définitivement à le faire passer par une voie normale pour devenir cuisinier. Ce métier, le fils de Pierre en rêve. Il ignore comment cette passion pour la cuisine est venue, mais il sait que l'envie est là : chevillée au corps. Et si la route qui mène aux fourneaux se révèle trop tortueuse, qu'à cela ne tienne : il fera comme ses aînés, il gardera les vaches et les chèvres dans les montagnes de Manigod, un petit village au-dessus de La Clusaz. Et il se familiarise avec les plantes qui poussent là et que Gabriel et François, les deux grands-pères, lui font découvrir. Les noms l'enchantent ou l'amusent : rumex, pimpiolet, sauge des prés, gentiane jaune, chénopode, hysope, armoise et orchis bouffon. Il les cueille parfois par brassées et les ramène aux grands-mères qui les utilisent en cuisine.
La cuisine. Nous y revoilà. Pour Marc, l'idée tourne à l'obsession. Bien sûr, pour tuer le temps qui lui reste, il fait du ski. Comme les gamins de son âge. "Je suis un fils de la montagne et à Thônes, à la communale, je me souviens avoir été un bon élève. Ensuite, tout s'est un peu dégradé et je me suis ennuyé. Mais je n'ai jamais oublié les préceptes d'éducation paternels : c'était très dur et on ne rigolait pas toujours, mais j'étais heureux." De ces années d'enfance, Marc Veyrat retient deux principes de vie : morale et honnêteté.

Casser la tirelire
La cuisine le hante. C'est pourtant la voie de la pâtisserie qu'il choisit, chez Bernard Desvignes à Thônes où son père a réussi à le placer. Il progresse, s'intéresse... mais revient toujours à son idée première et s'en ouvre à son père. Celui-ci casse la tirelire et réussit enfin à le faire admettre dans une école. Marc en fera trois, mais sera chaque fois renvoyé pour inconduite... ce qui ne manque pas de tendre les relations familiales. Il revient pourtant chez lui, travaille à la ferme où quelques chambres d'hôte ont été ouvertes. Il fait un peu de cuisine, mais, instable,
Pendant près de deux ans, il galère. Plongeur puis cuisinier dans un restaurant de La Clusaz. Il a renoué avec son père qui vient le voir en cachette, triste de le savoir malheureux. Un jour, il n'y tient plus et lui offre un bout de terrain dans la pâture : Marc Veyrat ouvre sa première affaire à la Croix-Fry, l'Auberge de l'Eridan...
"C'était un bistrot de village où je servais surtout du blanc et du rouge limés. Pour la cuisine, c'était autre chose : ma femme recopiait toutes les recettes que l'on donnait à la télévision et je tentais de les refaire. Je les ratais souvent, mais je persévérais car j'avais envie de créer et de comprendre."
En 1979, quelques mois après l'ouverture, l'Auberge de l'Eridan est répertoriée au Michelin avec 2 fourchettes indiquant un certain confort. Marc Veyrat a trouvé sa voie et connaît désormais son métier. "Quand j'ai ouvert ma première auberge, j'étais avide de connaissances, de sensations et d'arômes. J'ai compris pourquoi le luxe existait et j'ai commencé à comprendre les produits. A cette époque, les ouvrages de Paul Bocuse et Michel Guérard étaient mes livres de chevet. Je me souviens aussi que j'avais appris le répertoire de la cuisine française. Je connaissais par cœur les 2 000 recettes et ma femme me les faisait réciter." Ces efforts sont payés en retour : en mars 1985, Marc Veyrat obtient sa première étoile au Michelin.
Enfin reconnu à sa juste valeur, Veyrat s'ouvre la voie pour d'autres conquêtes. Les étoiles viennent désormais se poser tout près du port, puis au bord du lac où il vient d'installer sa maison à la façade bleue, adossée à la montagne. Professionnellement, Marc Veyrat nage dans la félicité. Une seule ombre viendra ternir sa réussite : lorsqu'en mars 1995 le guide Michelin l'installe dans la cour des grands, son père n'est pas là pour assister au triomphe de son garnement. "J'ai profondément pensé à lui. C'était un homme humble et effacé qui, sous des aspects rudes, cachait un cœur énorme. Je ressens tous les jours, dans mon comportement et dans mes décisions, les bienfaits de l'éducation qu'il m'a donnée."
C'est donc tout naturellement, lorsqu'il a choisi de faire la saison d'hiver à Megève, qu'il a baptisé sa nouvelle maison la Ferme de mon Père ! zzz18p zzz22i

L'Auberge de l'Eridan
13, Vieille Route des Pensières
74290 Veyrier-du-Lac
Tél. : 04 50 60 24 00
Fax : 04 50 60 23 63

Parlons chiffres

Chiffre d'affaires
30 MF HT sur 10 mois (4 jours/semaine)

Nombre de couverts
30 610/an

Prix moyen
1 900 F
Effectif

62 employés

 

Féras du lac juste grillées, lait de coco, infusion de benoîte urbaine

Ingrédients
(pour 4 personnes)

2 féras de 700 g chacune
10 cl de crème fraîche
10 cl de lait

25 cl de bouillon de légumes
1 carotte
1 oignon
3 échalotes
1 bouquet garni
Quelques queues de persil

20 g de beurre
50 cl de beurre clarifié
25 cl de vin blanc
5 cl de lait de coco
1 bouquet de racines de benoîte urbaine

Sel, poivre et sucre

Préparation
- Ecailler, vider les féras.

- Lever les filets sans retirer la peau et enlever les fines arêtes avec une pince à épiler.
- Laisser tremper les grosses arêtes dans une bassine avec un filet d'eau coulant doucement dessus.
- Peler puis émincer la carotte, l'oignon et les échalotes. Egoutter les arêtes.
- Faire chauffer 20 g de beurre dans une casserole, ajouter carotte, oignon, échalotes, queues de persil et bouquet garni.
- Laisser suer quelques instants, ajouter le vin blanc et l'eau à hauteur. Saler et poivrer.
- Porter à ébullition à feu vif, baisser le feu et laisser frémir 20 mn puis écumer.
Passez au chinois.

- Verser ce bouillon de légumes dans une casserole et le faire réduire de moitié afin d'en obtenir 8 cl. Ajouter le lait et la crème fraîche.
- Poursuivre la cuisson quelques minutes jusqu'à ce que la sauce ait une consistance onctueuse. Vous devez obtenir environ 10 cl de sauce.
- Laver les racines de benoîte et hacher finement la valeur de 5 cuillères à soupe (garder quelques racines pour le décor). Ajouter-les dans la sauce et laisser frémir
4 mn. Laisser reposer hors du feu 30 mn de façon à bien laisser infuser. Saler et poivrer. Passer au chinois.

- Saler les filets de féra. Faire chauffer une cuillère à café de beurre clarifié dans une poêle antiadhésive. Poser les filets côté peau en dessous et les saisir sur feu vif pendant 2 mn. Les retourner, baisser le feu et les faire cuire 3 mn de l'autre côté. Egoutter-les sur
du papier absorbant.

- Poser-les dans les assiettes, entourer-les du reste de racines de benoîte et d'un cordon de sauce. A l'aide d'un pinceau, badigeonner la peau de féra grillée avec le lait de coco.

 


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L'HÔTELLERIE n° 2686 Magazine 05 Octobre 2000

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