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Transmission d'entreprise
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Temps fort dans la vie des indépendants

"Nous ne voulons pas travailler jusqu'à 70 ans"

Transmettre son entreprise est toujours un des moments les plus délicats de la vie professionnelle d'un hôtelier, d'un restaurateur ou d'un cafetier.
Que l'entreprise soit reprise par les enfants, qu'elle soit cédée à de nouveaux exploitants, les choses se vivent bien sûr de façon très différente.
Une transmission d'entreprise ne doit jamais se faire dans l'urgence, elle doit se préparer tant sur le plan technique que psychologique, au sein de l'entreprise comme au sein de la famille. Quelques expériences de professionnels qui ont choisi de se préparer à cette étape essentielle de leur vie professionnelle.

Daniel et Monique Lotz viennent de fêter leurs trente années de présence à la tête de l'Hôtel de l'Est à Pagny-sur-Moselle (54). A l'aube de leur retraite, ils cherchent un repreneur, sans grand succès pour le moment.

Que de souvenirs pour Daniel et Monique Lotz qui gèrent depuis trente ans l'Hôtel de l'Est de Pagny-sur-Moselle, une petite ville de 4 500 habitants entre Pont-à-Mousson et Metz. Ancien café-hôtel, devenu bar-tabac et hôtel-restaurant à force de travail, l'établissement est toujours florissant, avec ses neuf chambres et ses soixante places de restaurant. Pourtant doucement mais sûrement, Daniel et Monique pensent à ranger louches et marmites. A 57 et 56 ans, les deux hôteliers aspirent à bénéficier enfin de la retraite. Mais, une question les taraude. Qui va reprendre l'Hôtel de l'Est ? Leurs enfants, un fils qui travaille dans une sablière et une fille qui est pourtant dans la profession leur ont déjà fait savoir clairement qu'ils n'avaient pas l'intention de reprendre l'affaire. Le couple a contacté des agences immobilières régionales, mais sans grand succès pour le moment. "Si nous avions une opportunité, on vendrait tout de suite, mais qui peut reprendre notre établissement ?" Le couple aimerait céder la place à de jeunes professionnels mais pour cela, il faut des fonds et la confiance des banques. Daniel et Monique Lotz espèrent vendre 2 millions de francs le bâtiment et le fonds commercial. "Nous avons conscience que c'est une somme importante pour des jeunes qui cherchent à s'installer", ponctue Daniel. Pourtant, l'établissement ne manque pas d'atouts. C'est le seul hôtel de la ville, et avec l'arrivée de 400 à 600 personnes qui vont travailler à Pagny-sur-Moselle sur le chantier de la future ligne du TGV-Est, la restauration a de beaux jours devant elle. "Nous sommes prêts à vendre à un agent immobilier. En tout cas, nous n'allons pas travailler jusqu'à 70 ans."

Une vie professionnelle bien remplie
A quatorze ans, après son apprentissage en 1957 dans une ville voisine, Daniel se souvient de son parcours peu commun qui l'a conduit à devenir propriétaire. Surtout de ses passages au Thiers à Nancy, et dans de grands restaurants à Metz et au Luxembourg. Marié en 1964, il intègre la cantine de la grande usine de la commune, Carbonne Lorraine. Le couple fait un passage d'un an au Grand Hôtel de la Reine à Nancy, lui en cuisine, elle à l'étage. Puis ils reviennent défini-
tivement à Pagny-sur-Moselle. "Nous avons acheté le fonds en 1970, pour 80 000 francs." Les années 70 sont fastes, et en 1981 le couple achète les murs et devient finalement propriétaire. Daniel et Monique ont toujours travaillé seuls. Sans l'aide d'un maître queux ou d'un marmiton, il fait tout en cuisine alors que Monique assure le service de restauration et l'ensemble du service des chambres. De grosses journées d'autant qu'en plus de l'hôtel-restaurant-bar-tabac, les époux Lotz assurent aussi mariages et communions comme traiteurs. Dans ce cas, et seulement s'il y a plus de soixante personnes, Monique accepte d'embaucher des extras. "Pour tenir le rythme, il faut beaucoup d'organisation. Mais, il ne faut pas se voiler la face, c'est dur, reconnaît Monique. Nous n'avons jamais une seconde de répit, et nous ne fermons que quinze jours par an."

La fin d'un certain style d'hôtellerie
Pourtant, ils tiennent le coup depuis trente ans. "Au début, c'était difficile, il nous a fallu apprendre beaucoup de choses... mais le commerce était plus accessible qu'aujourd'hui." Les temps ont changé. Monique et Daniel se remémorent avec nostalgie l'époque où bon nombre de leurs clients étaient familiers. Et de raconter les journées où ils se réunissaient avec les habitués, autour d'un steak tartare ou d'une fondue savoyarde, avec toujours à la clé "une bonne partie de rigolade". Certaines années, Daniel et Monique sont même partis en vacances en laissant les clés de l'hôtel à des clients... "Ce style d'hôtellerie est en train de disparaître, estime Daniel. Il y a moins de VRP, ils ont moins de frais, et les Formule 1 et autres, ont fleuri à quelques kilomètres d'ici. Aujourd'hui de nombreuses entreprises passent des accords directs avec des chaînes hôtelières." A l'Hôtel de l'Est, peu à peu les VRP ont été remplacés par des touristes hollandais qui suivent le GR5. Les habitués ont déserté. Aujourd'hui, après ces trente années dans l'établissement, Daniel et Monique ont une envie de profiter de leur maison de Pagny, et, grands voyageurs, de visiter des pays lointains, mais plus de quinze jours. Ils ne se font guère d'illusion sur une éventuelle reprise de leur activité, même s'ils espèrent toujours trouver le couple qui achètera l'hôtel. Dans quelques années, Pagny-sur-Moselle aura peut-être perdu son seul établissement hôtelier. *


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L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000

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