Philippe et Catherine Boismenu ont quitté Accor pour lancer leur propre affaire.
Ils se sont spécialisés dans les centres-villes. Ils rachètent et rénovent des établissements en difficulté, en redressement ou fermés. Bilan de l'expérience : 50 millions de francs de chiffre d'affaires et de nombreux projets.
Pierre Boyer
L'hôtel Moderne à Moulins, dernière acquisition en date du groupe Soghest, a
été complètement rénové. "Les résultats sont bons, 30 % au-dessus du
prévisionnel après 8 mois d'exploitation", soutient Philippe Boismenu.
Philippe Boismenu et son épouse, Catherine, ont quitté le groupe Accor en 1996 pour se lancer dans l'aventure. "Nous avions envie de créer nos propres affaires en partant du dicton : il vaut mieux un petit chez soi qu'un grand chez les autres." Ils ont créé Soghest, société holding basée à Moulins dans l'Allier. Ils en sont les deux actionnaires principaux. Leur activité est double. Ils gèrent des établissements pour des particuliers ou institutionnels. Ils rachètent des hôtels en difficulté, en redressement, en liquidation ou bien fermés, exclusivement en centre-ville. Ils les rénovent et les exploitent. Une banque a accepté de les épauler. Et l'ascension a commencé. Une résidence hôtelière de 40 chambres à Moulins a été suivie par le Clarine de Nevers, puis celui de Bourges. Au bout de quatre ans, le groupe possède 10 établissements, dont 9 sont des filiales à 100 % de Soghest, répartis dans la région parisienne, le Centre, etc. La dernière acquisition, l'hôtel Moderne, à Moulins, "c'est à la fois une affaire intéressante et un coup de cur". Il représente la plus grosse ardoise de la Soghest, avec 5 millions de francs pour les murs et les aménagements. "Aucuns travaux n'avaient été réalisés ici depuis 1960", précise Philippe Boismenu. L'établissement était fermé depuis deux ans. "Mais souvent, une fermeture reste moins handicapante qu'une mauvaise réputation", ajoute-t-il.
39 heures sans aucune aide
Au total, Soghest dispose de 436 chambres dans 10 établissements et gère 6 hôtels pour
des particuliers, des organismes de crédits ou des banques. Le chiffre d'affaires annuel
s'élève à 50 millions de francs, dont 10 % pour les activités hors exploitation
hôtelière, comme la gestion, l'expertise, les études, les montages financiers, etc. Au
siège de Soghest, en plein centre de Moulins, sont regroupées toutes les activités de
gestion, de comptabilité, de paie pour environ 160 salariés, dont une centaine
directement liée à la société. "Et comme nous avons mis en place les 39 heures
(l'application des 35 heures dans l'hôtellerie-restauration) il y a deux ans, avant le
vote des textes sur la réduction du temps de travail, nous ne pouvons prétendre à
aucune aide", regrette Philippe Boismenu. Malgré tout, les établissements sont
ouverts 7/7 jours, 24/24 heures. C'est le pari de la qualité voulue par Soghest. Donc,
cela pose des problèmes de main-d'uvre. "Nous avons des difficultés pour
recruter le personnel nécessaire comme tous nos collègues d'ailleurs",
explique-t-il. Il a donc contacté l'Aformac (Association de formation du Massif central)
pour lancer une session de six mois, avec embauches à la clé. Il y avait une dizaine de
places. "Nous n'avons pu trouver que huit candidats sérieux et intéressés,
déplore-t-il. L'ANPE nous a dit avoir envoyé une trentaine de jeunes. Cinq seulement
se sont présentés." Pourtant, avec un peu d'ambition, les nouvelles recrues
peuvent viser des postes d'adjoint de direction. Voire plus, compte tenu du développement
de l'entreprise.
Concurrence des chaînes
"Quand nous avons débuté, personne ne s'intéressait aux centres-villes.
C'était un nouveau marché. Les grands groupes préféraient construire en périphérie.
Nous avons misé sur des emplacements bien situés, avec des parkings. Et sur le confort
pour les clients. Chaque hôtel est complètement rénové : ascenseur, climatisation,
salles de bains fonctionnelles, chambres lumineuses et spacieuses, literie neuve, etc.
Souvent, nous ne conservons que le plancher pour tout redistribuer, tout réaménager. La
moyenne du coût par unité, achat et travaux, se situe entre 3 et 5 millions de francs",
explique Philippe Boismenu. Mais aujourd'hui, la concurrence s'avive. L'autorisation de la
Commission départementale de l'équipement commercial (CDEC), nécessaire pour les
créations à partir de 30 chambres, freine l'appétit des chaînes. Elles se retournent
alors vers l'existant à racheter. "Nous conservons malgré tout un atout de
taille. Nous réagissons très vite. Mon épouse, le directeur général des opérations,
Richard Givalois, et moi-même, pouvons nous réunir à tout instant pour prendre une
décision", sourit le président de Soghest. Tout en jouant sur la synergie des
10 hôtels, Philippe et Catherine Boismenu n'envisagent pas de créer une quelconque
chaîne. Au contraire, ils ont préféré franchiser certains établissements sous le
label Clarine, qui va devenir Kyriade. "C'est un plus pour la commercialisation et
la communication", ajoute Philippe Boismenu. Il préfère concentrer ses efforts
sur l'expansion de la société. Les projets ne manquent pas pour l'année 2000. "Nous
visons une dizaine de dossiers supplémentaires en gestion. Et la reprise de 5 ou 6
établissements, dont un à Clermont-Ferrand." Mais pas question de donner plus
de précisions pour l'instant. "Nous nous intéressons aussi beaucoup à la
Pologne. Nous avons des contacts avec des entreprises de construction pour des reprises
d'hôtels d'Etat." *
|
|
|
Concept buf : la traçabilité jusqu'à l'assiette Philippe Boismenu se pose beaucoup de questions. Et il trouve des réponses. Pour sécuriser la clientèle des restaurants de ses hôtels, il étudie un concept. Simple, efficace : il suffisait d'y penser. Originaire d'une région productrice de buf, le Bourbonnais, il projette de ne vendre que des bêtes labellisées. "Chaque client pourra savoir d'où vient la viande qui se trouve dans son assiette. La traçabilité, du producteur jusqu'au restaurant, donc la sécurité maximale, c'est ce qui fera la différence demain. L'actualité travaille pour nous", soutient le président de Soghest. Testés à Moulins, puis à Châteauroux et à Nevers, les concepts Buf Gourmand et Brasserie du Buf sont appelés à envahir les 5 autres restaurants du groupe, "quand nous aurons bien maîtrisé tous les paramètres d'approvisionnement et de distribution", précise-t-il. |
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000