Le conseil général des Côtes d'Armor, en partenariat avec la CCI, le Syndicat hôtelier départemental et diverses autres institutions, lance un dispositif d'aide à la transmission des entreprises hôtelières. Novatrice, l'opération Odatel s'adresse aussi bien aux cédants qu'aux repreneurs. Propriétaires de l'Hostellerie du Commerce, les époux Boudin s'apprêtent à céder leur affaire dans le cadre d'Odatel. Une première.
Olivier Marie
Jean Boudin parle de son
affaire avec amour. Il suffit de le suivre dans une visite de son hôtel-restaurant pour
le voir présenter fièrement les nombreuses salles à manger et les chambres donnant sur
cette place principale de Pleuc-sur-Lié dans les Côtes d'Armor. L'Hostellerie du
Commerce ne comprend pas moins de six salles pouvant accueillir un nombre total de 500
couverts ! Belle capacité agrémentée de 42 chambres réparties dans divers corps de
bâtiments. La renommée de cette maison dans le département est réelle, d'autant "qu'il
n'y a pas un hôtel comme celui-ci à 25 km à la ronde. Pour avoir le même type
d'établissement, il faut aller à Lamballe, à Saint-Brieuc...", témoigne Jean
Boudin. L'Hostellerie du Commerce a acquis au fil des ans une notoriété très forte pour
l'accueil des banquets, mariages, etc. Autant dire qu'aujourd'hui, à l'heure d'une
retraite bien méritée pour les époux Boudin, ces derniers ne souhaitent pas laisser
l'affaire d'une vie partir à vau-l'eau. Se retirer, d'accord, mais en confiant l'affaire
à un professionnel sérieux. "Vous savez, lorsque nous allons repasser devant
plus tard, nous avons envie de voir des clients, des cars. Cela ferait mal au cur de
découvrir cette maison à l'abandon ou en échec." Aujourd'hui les époux Boudin
sont sur le point de conclure la vente avec un professionnel. "Nous sommes
confiants. Le repreneur avait visité beaucoup d'affaires, mais je crois qu'il a été
séduit par le dispositif Odatel. C'est un gage de sérieux." Si le compromis de
vente aboutit, l'Hostellerie du Commerce serait la première affaire conclue en partie
grâce au dispositif Odatel (Opération départementale d'aide à la transmission
d'entreprise hôtelière). Novatrice, cette initiative est à mettre au crédit du conseil
général des Côtes d'Armor, du CDT, de la CCI de Saint-Brieuc, du Syndicat
départemental de l'industrie hôtelière et de trois autres partenaires que sont la
Chambre des notaires, l'Ordre des experts-comptables et la Fédération départementale
des agents immobiliers.
Cette opération, soutenue par le secrétariat d'Etat au Tourisme et le Secrétariat
d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, découle d'un constat assez préoccupant
effectué par les professionnels voici près de deux ans. "Sur les 207 hôtels
classés dans le département, 30 % sont à vendre. Plus de 40 % des exploitants ont plus
de 50 ans et près de 30 % plus de 55 ans, explique Jean Gaubert, député,
vice-président du conseil général des Côtes d'Armor et président du CDT. Nous
savons par ailleurs que des gens sont tentés par la reprise, mais se posait le problème
des fonds propres et des garanties qui freinent les projets. Voilà le constat, en se
disant que si on ne fait rien, on va voir sur le littoral les derniers hôtels
transformés en résidences de tourisme et, à l'intérieur, des cantons entiers privés
d'hébergement commercial. Nous devions réagir car, en dehors du service que rendent les
hôtels, il s'agit là d'une richesse économique incontestable !"
Du diagnostic à la certification
Pour bénéficier du dispositif Odatel, le cédant doit être âgé au minimum de 55 ans
et être propriétaire du fonds ou du fonds et des murs d'un établissement classé
tourisme (ou visant un classement après travaux afin de tirer vers le haut
l'hôtellerie). Une fois la convention signée, les partenaires d'Odatel effectuent un
diagnostic de l'établissement (descriptif complet, présentation de la situation
comptable, estimation) dont le coût est pris en charge à hauteur de 50 % par le
Département - de 3 500 F à 20 000 F selon le nombre de chambres, le type d'hôtel et la
nature de la propriété (fonds, murs...). "Cette étape n'est pas la plus facile,
témoigne Christian Carro, animateur d'Odatel. Il existe une grande part d'affectif
chez le cédant dans l'élaboration de son prix de vente. Il ne veut pas brader son
établissement. Or, ici, nous ne tenons compte que de la réalité comptable, économique
de l'affaire." Et Jean Boudin de livrer sa propre expérience : "C'est
vrai que l'on espère toujours plus. On a donné tout notre cur dans cette affaire,
on y a investi énormément d'argent ! Mais bon, je crois qu'ici nous sommes arrivés à
un point d'accord convenable." Une fois cette étape franchie, Odatel se charge
de mettre en relation le vendeur avec le repreneur et surtout labellise la transmission.
"L'éventuel repreneur est rassuré par la certification", assure
Christian Carro.
Pour le repreneur aussi, et surtout, le dispositif Odatel présente bien des avantages, à
commencer par une proposition, impartiale des établissements à vendre avec descriptif,
présentation comptable... Mais Odatel permet surtout au futur acheteur de disposer d'une
avance remboursable de 20 % du montant de l'acquisition, plafonnée à 600 000 F, à taux
0. Le remboursement s'effectue sur 7 ans avec un différé de 3 ans. Une "proposition
alléchante", comme la qualifie justement Jean Boudin, dont on ne bénéficie pas
sans contrepartie. Car "derrière l'avance, il existe, bien entendu, un suivi et
un accompagnement. Suivi de gestion sur trois années avec consultation des comptes deux
fois par an, assistance marketing et commercialisation avec le CDT et la CCI, etc.",
explique Christian Carro. Le repreneur suit par ailleurs une formation de 6 journées
minimum. L'ensemble de cet accompagnement s'avère capital selon Jean Gaubert. "Etant
du milieu paysan, j'ai toujours été frappé du décalage entre l'encadrement existant
dans l'agriculture et celui qui n'existait pas ailleurs. Dans le monde agricole, en
général, de nombreux intervenants suivent l'affaire en conseillant. Avec Odatel, le
jeune repreneur va avoir un tableau de bord. Est-il dans les bons guides ? Les clients de
l'ancien propriétaire sont-ils toujours présents ? Des questions à poser tout de suite
avant qu'il ne soit trop tard. Cela n'a rien à voir avec de l'inquisition !"
Pérennisation des affaires
Car pour les responsables d'Odatel, "il ne s'agit pas seulement de donner de
l'argent. Notre mission consiste à assurer la pérennisation des établissements,
souligne avec force Christian Carro. Lorsque nous cautionnons une affaire, c'est pour
la voir vivre. Cette Hostellerie du Commerce ne doit pas disparaître. Elle doit perdurer
pour la vie économique du village et pour les anciens propriétaires !" A
l'heure actuelle, une trentaine de repreneurs potentiels, pour la plupart des jeunes
professionnels des Côtes d'Armor et d'ailleurs, se sont d'ores et déjà manifestés.
"Nous avons aussi le profil des gens désireux de revenir à la campagne. Mais il
ne s'agit pas d'avoir un pactole à placer. Nous allons vérifier leurs motivations",
prévient Christian Carro.
L'initiative Odatel semble d'ores et déjà intéresser d'autres départements comme
l'Yonne, la Manche, etc. Aujourd'hui, 4 hôtels ont été diagnostiqués dans les Côtes
d'Armor et "nous en avons 6 en cours, selon Christian Carro. Nous sommes
satisfaits du démarrage. Nous nous attendions à ce niveau d'offre de la part des
vendeurs, mais pas à autant de demandes de la part des acheteurs". Pour
l'instant, le dispositif concerne essentiellement les hôtels ou hôtels-restaurants. Et
les restaurants ? "Pour le moment non, avance Jean Gaubert. On a le
sentiment que du côté de la restauration, les choses fonctionnement autrement. Les
ouvertures et les fermetures s'effectuent avec plus de facilités. Nous n'avons pas encore
dans le département d'endroits où l'on risque de ne plus trouver à manger. Ce qui n'est
pas le cas de l'hôtellerie. Et d'ailleurs, cette idée Odatel a recueilli l'adhésion de
l'ensemble des élus du conseil général." *
Les époux Boudin, propriétaires de l'Hostellerie du Commerce, à Pleuc-sur-Lié
dans les Côtes d'Armor.
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L'HÔTELLERIE n° 2683 Magazine 14 Septembre 2000