L'Hôtellerie :
Pourquoi avoir choisi de "fédérer" vos établissements sous l'appellation
de Bistrots de Cuisiniers ?
Jean-Paul Lacombe :
En 1989, la création du Petit Léon m'a donné cette idée. La reprise d'un restaurant
chinois mitoyen de notre Léon de Lyon nous permettait de faire monter la pâtisserie du
sous-sol au premier niveau. La partie avant de l'établissement restant libre, nous avions
choisi d'occuper les lieux... pour payer le loyer. La vocation était celle d'un bistrot
de quartier avec une carte très simple avec des plats de CAP (soupes de légumes,
bourguignon, navarin, quiche lorraine, etc.). En fait, c'était une sorte de laboratoire
de formation pour le Léon.
L'H. :
Pour la suite, à l'évidence, votre tempérament de collectionneur a parlé...
J.-P. L. :
Sans doute y a-t-il effectivement une idée de collection... mais aussi, et plus
sûrement, une volonté d'occuper le terrain. Ce n'est pas un caprice et chaque ouverture
d'établissement correspondait à une réalité économique. En fait, je crois que le plus
dur était de réussir le premier.
L'H. :
Existe-t-il une marche à suivre ou un schéma tactique préétabli ?
J.-P. L. :
Absolument pas. Il n'y a aucune règle absolue ni précise. Le Bistrot du Palais a été
payé très cher avec une prise de risques énorme puisque nous reprenions une société
en déficit. C'était également la première fois que je sortais de la presqu'île...
L'opération a pu se faire parce que je disposais alors en Jérôme André et Olivier
Belval de deux personnes exceptionnelles. Ce fut la première association avec un principe
d'organisation très simple : nous leur avions proposé ce challenge parce qu'ils nous
semblaient dignes de confiance.
L'H. :
N'avez-vous jamais craint que cette expansion puisse se faire au détriment de Léon de
Lyon ?
J.-P. L. :
Je n'ai jamais eu le moindre doute à ce sujet parce qu'il y a toujours eu chez moi un
souci de tirer la maison mère vers le haut. Je lui consacre toujours l'essentiel de mon
temps. C'est notre vitrine avec un rôle considérable pour notre image.
L'H. :
Comment fonctionnez-vous avec vos collaborateurs-associés ?
J.-P. L. :
Mon discours n'a jamais varié : je demande aux cuisiniers de s'occuper des ratios et des
masses salariales et je dis aux serveurs de veiller à la pro-
preté de leur établissement, de materner leur équipe, de bichonner les clients, de
soigner l'accueil téléphonique. On s'occupe de tout le reste puisque nous avons
centralisé la gestion dans nos bureaux de la rue Pléney. Nous avons ensuite des réu-
nions régulières et il ne se passe pas un jour sans que mon épouse Fabienne ou
moi-même ne leur téléphonions.
L'H. :
Qu'ont donc en commun tous ces Bistrots de Cuisiniers ?
J.-P. L. :
Tout d'abord un parcours identique pour tous les associés qui ont fait leurs gammes chez
Léon de Lyon. Ensuite la convivialité dans le décor, grâce à un travail qualitatif
avec Chaduc et Vavro, mais aussi dans l'assiette. Si les chefs sont indépendants, leurs
plats doivent porter notre griffe. Toute notre cuisine a du goût... mais dans la mesure
où tous ont travaillé quatre ou cinq ans avec moi, il n'est pas besoin de le leur dire.
Et enfin une communication avec sets de tables, vaisselle, verres, pots pour le vin,
chocolats offerts avec le café griffés du même logo... et aussi des dépliants édités
à 200 000 exemplaires.
L'H :
Une ouverture en 1998, une autre en 1999 : le rythme des créations s'est sensiblement
accéléré (1). Est-ce à dire qu'il y aura prochainement d'autres Bistrots de Cuisiniers
?
J.-P. L. :
Une chose est certaine : je ne veux pas en rester là... mais aujourd'hui il me manque un
très proche collaborateur. Nous avons grandi comme des artisans avec le soutien permanent
de Léon de Lyon. A l'heure actuelle, je sens qu'il y aurait à faire... mais j'ai aussi
le souhait de vivre autrement. J'ai eu longtemps le sentiment, peut-être parce que j'ai
grandi ici, que mes parents avaient fait toute leur vie rue Pléney. J'ai constaté il y a
peu que j'avais finalement passé davantage de temps ici que mon père et j'avoue que j'ai
pris un petit coup de vieux (N.D.L.R. : 23 ans pour Paul Lacombe qui, installé en 1949,
est mort en 1972, mais 27 ans pour son fils Jean-Paul qui lui a succédé en 1972... et
n'a plus quitté la rue Pléney depuis). J'ai désormais 50 ans et les épreuves de la vie
m'ont appris à garder un certain recul et à relativiser les choses. Je veux profiter de
ma famille et goûter à autre chose. Je m'étais lancé le défi de courir le marathon de
New York et je suis allé au bout. Je tire une grande fierté de cette victoire sur
moi-même. Il y a toujours le restaurant et les bistrots, mais c'est aussi ce genre de
chose qui fait ma vie aujourd'hui. n
(1) Le rythme régulier d'une ouverture tous les trois ans (Petit Léon en 1989, Bistrot du Palais en 1992, Maison Villemanzy en 1995, Terrasse Saint-Clair en 1998) a été brisé par l'ouverture du Comptoir des Marronniers en 1999. A quand la prochaine ?
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L'HÔTELLERIE n° 2651 Magazine 3 Février 2000