Actualités

restaurations'installer

Le Bec Rouge à Paris
___________________

Trois jeunes chefs unissent leurs forces

Maurice Bitsch, Thierry Guichenal et Jean-Luc Maurice, amis dans la vie et désormais associés, ont inauguré à Paris en mars dernier leur premier restaurant : Le Bec Rouge. Un trio dynamique qui ne compte pas en rester là.

m Nadine Lemoine

Lorsqu'un Alsacien, un Savoyard et un Provençal se rencontrent... cela donne pour commencer un restaurant parisien sur le thème de l'Alsace et de ses wienstubs avec une cuisine authentique et un cadre terroir revisité. Une belle alliance de tradition et de modernité, sobrement baptisée Le Bec Rouge.
Ce sont les hasards de la vie, grandement favorisés par les aléas d'un métier qui veut que les jeunes changent volontiers de maisons pour se nourrir du savoir-faire de maîtres chevronnés, qui ont permis à ces trois jeunes chefs de se rencontrer. Maurice Bitsch est originaire de Colmar, Thierry Guichenal d'Annecy et Jean-Luc Maurice d'Aix-en-Provence. Trois parcours différents qui les ont menés à Paris et ont permis à ce triumvirat de la cuisine de monter ensemble une affaire.
C'est sur le boulevard du Montparnasse que s'est ouvert le 22 mars dernier le restaurant Le Bec Rouge. Son logo mascotte, la cigogne au long bec rouge bien sûr, indique d'emblée quel terroir il défend, quelle cuisine la clientèle peut compter y déguster. Avec à sa carte, Fleischnacka, Flammekueche, Bibelakasse et choucroute, c'est bien un "coin d'Alsace" au cœur de la capitale comme l'indique le store rouge de la devanture.
Le Bec Rouge, ex-Chez Yvette, c'est l'histoire de trois jeunes professionnels qui ont lié leur destin et uni leurs compétences pour monter une affaire commune.

Professionnalisme et amitié
Tous trois peuvent se targuer d'avoir un CV remarquable où se multiplient les références. Jean-Luc Maurice, le Provençal, 34 ans, revendique un "apprentissage sur le tas". Le fils de Jean-Claude Maurice, chef renommé dont la carrière est émaillée de noms prestigieux de Dumaine à Barrier, en passant par Oliver, a fait aussi son chemin chez les étoilés : Michel Peignaud, Michel Bourdin, Jo Rostang ou encore Marc Meneau. En 1993, il est lauréat du concours du Meilleur chef de l'année espoir.
Pour Maurice Bitsch, 38 ans, après un apprentissage classique entre le CFA de Versailles et La Poularde à Vaucresson, il décroche le titre de Meilleur apprenti de France en 1981. Gérard Vié, Marc Meneau, La Maison du Danemark... le jeune Alsacien entame une belle carrière. A 26 ans, un regret, il souhaite obtenir un BTS hôtellerie-restauration tout en continuant à travailler. La solution ? Le CNED, le Centre national d'enseignement à distance, qui lui permet de préparer son diplôme à domicile pendant son temps libre. "Ça me sert vis-à-vis des banquiers. J'ai appris la gestion et j'arrive avec des plans de financement qui tiennent la route", dit-il aujourd'hui.
Thierry Guichenal, 32 ans, c'est le plus jeune. A son actif, un CAP et BEP obtenus à l'école hôtelière de Chamonix puis un BTH à Thonon-les-Bains. Originaire de Haute-Savoie, il met tout de suite le cap sur les palaces suisses. A Genève, le Bristol, le Métropole, le Richemond, les Bergues ; à Bâle, les Trois Rois... Puis, il a eu envie de "voir une autre restauration", et il monte à Paris.
C'est en faisant des extras dans la capitale que leurs routes se croisent. Outre leur âge et des goûts communs, le Provençal, l'Alsacien et le Savoyard se sont trouvés immédiatement en osmose. Le vrai ciment, c'est d'abord un profond amour de la cuisine qui va de pair avec l'exigence de la qualité. Et ils le revendiquent. Le Bec Rouge répond à cette exigence. Mais quel Bec Rouge ? En fait, il y en a deux. Le premier, fruit du duo Maurice Bitsch et Thierry Guichenal, a vu le jour en 1996, rue de Constantinople à Paris. 35 places assises, 2,50 MF de chiffre d'affaires. Grâce à ce premier établissement, les jeunes chefs trouvent leurs marques et ce succès confirme une intuition : il y a bien à Paris un créneau pour la cuisine traditionnelle alsacienne à prix raisonnables. Mais pour les jeunes chefs, il n'est pas question de reproduire le même établissement. Il servira d'inspiration certes, mais le Bec Rouge n° 2 bénéficiera d'une carte et d'un cadre différents. Un nouveau concept qui a le mérite de pouvoir être dupliqué.
Tout d'abord, sur le boulevard du Montparnasse, les associés peuvent compter sur un passage quasi continu de clients potentiels. "Avec les cinémas, les pubs, les boutiques, Montparnasse, c'est vraiment un lieu de rendez-vous. L'emplacement, c'est primordial", dit Jean-Luc. D'une superficie de 90 m2, l'établissement a une capacité de 60 couverts. Sans oublier une terrasse non négligeable pour les beaux jours et qui pourrait bien être fermée et chauffée à terme. Depuis l'ouverture, 7 jours sur 7, le Bec Rouge a réalisé une moyenne de 80 couverts/jour (2/3 le soir) et les prévisions pour le premier anniversaire misent sur 120/130 couverts/jour.

La tradition au goût du jour
"Pour le décor, on a pris la genèse de l'Alsace qu'on a modernisée", dit Maurice Bitsch qui s'est chargé de la conception du cadre dans les moindres détails. Pin des Vosges, céramique blanc et bleu, colombages, cigognes, vieux journaux datant de la Première Guerre mondiale, une affiche ancienne à la gloire d'Alsa... Les clins d'œil à l'Alsace se multiplient. Installé en angle, l'établissement bénéficie de larges fenêtres. Cette lumière naturelle, il a décidé d'en jouer et d'optimiser cet atout avec des murs blancs et du mobilier en bois clair. "Avec la cuisine alsacienne, c'est plus facile l'hiver, explique Maurice. On a voulu éclaircir au maximum la décoration pour attirer plus facilement la clientèle l'été."
A la carte, Alsace oblige, on découvre d'une part "nos plats dans la pure tradition", c'est-à-dire choucroute, Bibelakasse, sandre à la vapeur, et dans une seconde section, "la rôtisserie à l'ancienne" : Pièce de bœuf au pinot noir, Travers de porc caramélisé au miel de sapin, Brochette de rognons d'agneau... La rôtisserie, c'est l'une des nouveautés du second Bec Rouge. Une alternative nécessaire pour "alléger le produit", dit Jean-Luc, pour séduire une clientèle qui peut être effrayée par la richesse des plats traditionnels.
La carte comprend 9 entrées (de 40 à 80 F), 5 plats traditionnels (de 75 à 105 F), 7 plats rôtisserie (de 75 à 85 F) et 8 desserts (de 35 à 48 F). Plusieurs formules ont été imaginées : 120 F (1 plat + 1 dessert) ; 148 F (1 entrée + 1 plat + 1 dessert). Avec un prix d'appel à 98 F le midi qui rencontre un beau succès : une entrée + un plat ou un plat + un dessert, accompagnés d'un café et d'un verre de vin. Le ticket moyen tourne autour des 150 F.
"Choucroute crue, charcuterie, palette... je fais venir mes produits d'Alsace. Ensuite, ma cuisine, dans le cadre du Bec Rouge, c'est la simplicité et la rapidité d'exécution. Beaucoup de préparation mais l'envoi est rapide. C'est une question d'organisation", explique Jean-Luc Maurice qui a la haute main sur les fourneaux, Thierry Guichenal œuvrant en salle. Maurice Bitsch continue, lui, à veiller sur le Bec Rouge situé dans le XVIIe arrondissement. Et de l'organisation, il en faut pour faire tourner une affaire en limitant les frais de personnel. Aujourd'hui, les patrons inclus, l'équipe comprend 4 personnes en cuisine et 4 en salle. D'ici un an, ils comptent embaucher un commis et un serveur supplémentaires.
"On cherchait une affaire bien placée. 1,20 MF par rapport au quartier, on peut dire que ce n'est pas trop cher", précise Maurice. Quant au loyer, à l'année, il atteint les 180 kF. L'ex-Chez Yvette nécessitait une sérieuse remise à niveau. Rien que la mise en conformité aux normes actuelles a coûté 500 000 F. Avec le mobilier et l'équipement entièrement neufs, la facture passe à 1 MF. "On a une bonne banque, le Crédit Agricole du Cantal, qui est sortie du cadre bancaire traditionnel et a su faire confiance aux hommes. Elle nous a prêté 2,20 MF pour un total de 2,50 MF frais inclus", renchérit Maurice qui admet en toute franchise ne pas faire encore de bénéfices. "Mais on a toujours remboursé nos crédits et on n'a jamais perdu d'argent. En fait, on capitalise", tient-il à préciser. "En 6 mois, on a triplé le chiffre d'affaires de l'emplacement", souligne Thierry très confiant. "On se serre la ceinture en embauchant un minimum de personnel. Par exemple, on a un problème de rotation sur la plonge, alors on s'y met. On est une vraie équipe. On s'entend bien et tout est sur la table", ajoute Jean-Luc avec enthousiasme. Au terme de la première année, le trio parti à la conquête de la capitale table sur un chiffre d'affaires de 4,40 MF, 5 MF pour l'année qui vient.

"Notre motivation, c'est le challenge"
"Notre motivation, ce n'est pas l'argent. On sait ce qui marche et on aurait fait autrement. Nous, on a l'amour de la restauration. On fait de la bonne cuisine à des prix raisonnables. Le tout, c'est de trouver un compromis. Bien sûr, il faut rogner sur les marges. Avec notre compétence professionnelle, un service convivial, en limitant le personnel et en misant sur la qualité, si on multiplie les pains, on finira par gagner de l'argent. On est jeunes ; l'important pour nous, c'est le challenge", s'exclame Maurice. Challenge, le mot est lâché ! Et nos trois jeunes patrons fourmillent d'idées de challenges à relever.
S'ils ne comptent pas ouvrir un nouveau Bec Rouge à Paris, ils prospectent en province et évaluent déjà les potentialités à l'étranger. Les pays du nord de l'Europe, Londres, New York, le Canada seraient, selon eux, tout à fait indiqués pour accueillir leur concept.
Mais le challenge, c'est aussi de lancer d'autres concepts. Ils y songent très sérieusement. Après l'Alsace de Maurice, la Provence de Jean-Luc ou la Savoie de Thierry pourraient bien prendre le relais. A moins que la Bourgogne ou la Bretagne ne les inspirent... n


Au Bec Rouge, la cuisine traditionnelle alsacienne est à l'honneur.


Sur les tables, assiettes de présentation en bois et cendrier personnalisé avec coordonnées offert à la seconde visite.


Maurice Bitsch, l'Alsacien, Thierry Guichenal, le Savoyard et Jean-Luc Maurice, le Provençal, les trois patrons du Bec Rouge.


Un décor sobre mais chaleureux où le bois domine. Une capacité de 60 places assises et déjà 80 couverts/jour, après six mois d'activité.


L'HÔTELLERIE n° 2642 Magazine 2 Décembre 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration