Actualités

restaurationà la une

Parcours boursier de Bernard Loiseau SA
____________________________________

Ne reflète les capacités bénéficiaires de l'entreprise

C'est dans un contexte peu favorable que Bernard Loiseau SA s'est introduit en Bourse en décembre 1998. Un an après, la position d'un analyste financier.

m Delphine Henriet

Aujourd'hui, il est intéressant de se concentrer sur le plan de développement de la société, ses perspectives et les raisons de cette opération. Ne nous trompons pas, si certains assimilent le cuisinier à son entreprise, du fait de sa notoriété et de sa réussite économique, c'est la Société anonyme (SA) Bernard Loiseau, personne morale, qui est aujourd'hui cotée, c'est-à-dire une structure et son équipe, démonstration qu'il était impératif de mener à bien. Et là la Bourse se veut compréhensive. S'il a été fait grand cas de la dispersion de Paul Bocuse, le restaurateur voyageur, de qui certains disaient qu'il était plus souvent au Japon qu'à ses fourneaux (il est vrai que la ronde finale du chef de cuisine passant de table en table pour s'enquérir de sa prestation est un instant prisé), le chef lyonnais a ouvert la voie à la diversification et au chef d'entreprise cuisinier qui, pour travailler à la récurrence de ses revenus et s'armer contre des éléments conjoncturels défavorables, doit non seulement savoir jongler avec les saveurs mais également avec les relations publiques et les activités annexes. Or le "business plan" de Bernard Loiseau SA, présenté lors de son entrée au second marché, est riche d'activités diversifiées, et ce ne sont pas les investisseurs qui s'en plaindront, à condition toutefois que ce soit à bon escient : pour limiter le risque d'un établissement (ou diminuer sa part relative dans le chiffre d'affaires de l'ensemble) et assurer la pérennité de la société avec un degré moindre d'intervention de son chef (voire sans lui aux commandes). Si la première étape d'un 3 étoiles est de capitaliser sur un nom, un style de cuisine, un cadre, la seconde est de servir la continuité de l'entreprise sans que tout l'édifice repose sur deux épaules. Le chef d'entreprise Bernard Loiseau semble avoir adopté cette recette économique puisque la Côte d'Or (restaurant 3 étoiles, hôtel Relais & Châteaux et sa boutique), vitrine emblématique du chef, qui a représenté 65 % du CA (pour la partie restauration) du groupe en 1997 et 58 % en 1998, devrait voir sa part se réduire en 2000 à 43 %. L'Hôtel de Saulieu, attenant au restaurant, contribuerait à hauteur de 17 % du total de revenus cette année (19 % en 1998).

Privilégier la qualité à la quantité
La boutique devrait réaliser 2 MF de CA en 1999 (contre 1,80 MF en 1998) et 4 MF en 2000. En plus de constituer une source complémentaire de revenus, règle que tous les grands chefs semblent d'ailleurs avoir adoptée, elle permet d'associer leur nom à des produits culinaires haut de gamme et de satisfaire une clientèle souvent touristique par son aspect souvenir. La déclinaison de produits sélectionnés par les garants du bon goût français répond enfin à une tendance à l'affinement du goût du consommateur, qui privilégie aujourd'hui la qualité à la quantité, et le retour aux produits du terroir.
Quant à l'activité séminaires, dernier volet du vaisseau amiral de Saulieu, elle permet d'exploiter le créneau moins porteur des jours de semaine (70 couverts/jour, 140 couverts/jour le week-end, données 1998) et donc d'optimiser les coûts fixes en les rentabilisant mieux. Elle devrait réaliser 1,40 MF de CA pour l'exercice en cours et 2 MF l'année prochaine.
Le second axe de développement de la société concerne le concept de bistrot parisien, illustré à ce jour par deux établissements, Tante Louise (ticket moyen de 295 F HT contre 898,50 F HT service compris à Saulieu) et Tante Marguerite, qui pourra par la suite être décliné à l'international par le biais de franchises. Les prévisions du groupe font état cette année d'un chiffre d'affaires de 11,30 MF (22,5 %) pour Tante Louise (ouvert en août 1998), sachant que Tante Marguerite (anciennement Chez Marius) a été inaugurée cet été.

Structure bilantielle
Enfin, l'activité de consultant de Bernard Loiseau capitalise sur le savoir-faire et la notoriété du cuisinier et regroupe, à ce jour, les fonctions d'ambassadeur de marque (pour Perrier-Jouët notamment), les collaborations industrielles avec l'agroalimentaire (contrat avec Agis, numéro deux des plats cuisinés) et la mise au point de produits pour la VPC (partenariat avec les 3 Suisses). Si, au final, le chiffre d'affaires réalisé par les entités de Saulieu représentent 69,4 % des recettes totales du groupe en 1999 (contre 86 % en 1998) et 70,8 % en 2000, elles généreront moins de 50 % des bénéfices, l'essentiel de la contribution aux résultats revenant à la branche consultant dont la marge nette avant impôt dépasse 90 %. Dès lors, si l'optimisation de la gestion de l'entité de Saulieu (notamment la politique d'achats : denrées et vins), les travaux d'extension de la capacité hôtelière et le développement des activités boutique et séminaires doivent permettre d'améliorer la marge opérationnelle, l'essentiel de la croissance du résultat net viendra du développement des contrats de consultants et de la déclinaison du concept de bistrot, notamment par le biais d'accords de licence (perception de redevances sans risques financiers ni participation aux investissements).
Quant aux raisons de l'entrée en Bourse de Bernard Loiseau, l'aspect notoriété peut être retenu dans l'optique d'un développement à l'international car elle aura aidé à la présentation du concept exportable du groupe et à la simplification de ses composantes. Il est, par ailleurs, plus facile de trouver des partenaires internationaux quand on est une société cotée (transparence, crédibilité...). Elle a, en outre, permis de lever des capitaux pour financer les travaux de Saulieu et les relais de croissance du groupe. Faisons d'ailleurs un aparté sur la structure bilantielle de la société. Avec un gearing (endettement net sur capitaux propres) de 202 % (contre 237 % en 1997), Bernard Loiseau fait plutôt figure de bon élève par rapport à certains étoilés, qui sont très endettés sans être rentables. Dès lors, si les investissements ont été importants au cours de ces cinq dernières années, un BFR (besoin en fonds de roulement) structurellement négatif et un résultat net positif (1,80 MF en 1996, 2,70 MF en 1997 et 4,30 MF en 1998) ont permis de réduire la dette. L'augmentation de capital a également permis de réduire le gearing de 4 % en 1998 (19 % sont prévus cette année, et ce après la réalisation d'une nouvelle phase d'investissements).
Enfin, elle entérine la volonté du cuisinier d'inscrire sa société dans la durée, indépendamment de son tour de main et de la diversification en marche de son activité. Cela s'est traduit par une nouvelle répartition du capital : 53,7 % (Bernard Loiseau contre 95,7 % précédemment) ; 0,5 % (Famille) ; 1,9 % (salariés) et 43,8 % (public) et la mise en place de stocks options pour le personnel.

Communication financière nécessaire
Reste qu'avec une marge nette estimée cette année à 10 %, un PE (price earning ratio : cours de l'action/bénéfice net par action) attendu à respectivement 11,1 et 6,9 pour les exercices 1999 et 2000 (contre un ratio de valorisation de 20,5 pour l'échantillon de valeurs de la restauration : Buffalo Grill, Groupe Flo et Léon de Bruxelles), une marge d'exploitation en croissance régulière (montée en puissance des activités à forte rentabilité) et une stratégie de développement en marche, le titre Bernard Loiseau SA s'est stabilisé à 6,1 euros - en deçà de son prix d'introduction (7,47 euros) - après un plus bas cette année à 5,2 euros. Reflet de la bonne marche de la société et entérinant chaque étape de son développement, le cours de l'action ne semble pas être en corrélation avec les récentes avancées du groupe. Or, force est de constater que si Bernard Loiseau excelle dans son secteur comme communicant, il ne semble pas avoir pris conscience de la nécessité d'une communication financière assidue, qui, comme dans la restauration, est un facteur clef de succès. En effet, le groupe n'a pas fait grande presse de ses résultats semestriels "en ligne avec ses prévisionnels" (cf. bernard-loiseau.com), ni du rachat du restaurant Chez Marius, devenu Tante Marguerite en juillet. Quant à l'avancée des travaux à Saulieu (hausse de la capacité hôtelière, doublement de la surface de la boutique...) et de la collaboration avec Agis dans les plats cuisinés, il faut "de nouveau" consulter le site Internet de la société pour avoir quelques détails.
S'il est encore tôt pour tirer des conclusions sur l'adéquation des marchés financiers aux toques françaises, la publication des résultats annuels de Bernard Loiseau en début d'année prochaine, qui devrait valider le "business plan" présenté lors de son introduction en Bourse, sera décisive pour l'avenir boursier de la valeur. n


L'HÔTELLERIE n° 2642 Magazine 2 Décembre 1999

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration