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Bars d'hôtels

m Sylvie Soubes

Bar Hemingway à Paris
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Un écrin de privilèges

S'installer au bar, à l'endroit même où Ernest Hemingway sirotait un dry martini, ou encore dans ce fauteuil où Marlène Dietrich aimait se détendre... Le bar Hemingway du Ritz, à Paris, est un livre ouvert dont le gardien, Colin, écrit l'avenir et préserve l'esprit. Rencontre, au cœur des privilèges.


Colin, barman, bar Hemingway, hôtel Ritz.

Barman, hôtel Ritz, Paris. Le rôle est immense. C'est en 1994 que l'Anglais Colin P. Field a pris la relève. Avant lui, Bertin, de 1926 à 1975, Georges Scheuer, de 1926 à 1964, Frank Meier, de 1921 à 1947. De grands noms de la profession, confidents aussi des plus grands. Ritz oblige.
Colin est actuellement chef barman du bar Hemingway. "Le" bar. Côté Cambon. Loin des curieux. Seulement 9 tables. Presque un recueil, gourmand d'anecdotes qui ne cessent d'enrichir et d'enivrer l'endroit. Lorsque ce bar a rouvert, restauré selon son décor d'origine, tout de boiseries et de fauteuils en cuir, il fut baptisé bar Hemingway, en hommage à l'écrivain américain qui se précipita ici le 25 août 1944. Accrochés sur les murs, des photos de Marcel Proust, James Joyce, Jean-Paul Sartre, Colette, Graham Greene rappellent, d'un trait discret, que d'autres écrivains fréquentèrent aussi le "bar des dames". Si, si. Vous avez bien lu. Le Ritz fut un des derniers bastions du conservatisme. Le bar principal était l'antre des hommes, tandis que l'autre bar, le bar des dames, appelé aussi petit bar, était réservé à la gent féminine. Les coups de force de Betty Ritz, épouse de Charles Ritz, en 1936 (celle-ci a investi de force le bar principal), puis l'après-guerre et la présence régulière d'Ernest Hemingway changèrent la destinée d'un lieu voué, un temps, aux sucreries et mignardises.

Au-delà des modes
Aujourd'hui, le bar Hemingway, "cultive son atmosphère littéraire" dit-on. Laissez tomber le cliché. Le bar Hemingway s'inscrit au-delà des modes, au-delà des phrases faciles. Mieux vaut discuter avec Colin. Il aime ce bar. Cela se voit, se ressent, se comprend. C'est l'homme de toutes les situations, auteur de cocktails, créateur et maître d'œuvre. Jamais ses cocktails ne se ressemblent. Ils les composent au gré des personnes. Qui dit Ritz dit privilèges ! La toute nouvelle carte (la Hemingway star), s'inspirant d'un format journalistique, décline des cocktails puisés dans les recettes des années 20 à 40. Colin a passé beaucoup d'heures dans la recherche d'ouvrages anciens sur les cocktails. Que ce soit en France, en Grande-Bretagne ou ailleurs. Le résultat est à la hauteur de l'engouement qu'il montre et déploie dans ces quelques mètres carrés protégés des paparazzis. On doit aussi à Colin des superbes long drinks à déguster avec des cigares. Lisez la carte sans faute, du début jusqu'à la fin.
Qui fréquente aujourd'hui le bar Hemingway ? Plus de la moitié de la clientèle vient de l'extérieur. A l'instar des autres bars des grands hôtels parisiens. Mais dites-vous bien que les fauteuils sont pris d'assaut et s'adressent, quoi qu'il en soit, à quelques privilégiés. De nombreuses signatures de romans et l'organisation de conférences participent toutefois à l'activité. Certains écrivains y reçoivent encore d'ailleurs leur courrier. L'hôtel Ritz, poste restante... Imaginez l'enveloppe : Monsieur Hemingway, Bar Hemingway, Hôtel Ritz, 15 place Vendôme, 75001 Paris. n


L'HÔTELLERIE n° 2642 Magazine 2 Décembre 1999

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