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Restaurant-salon de thé-librairie à Bordeaux
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Le polar et la table

Mi-restaurant, mi-librairie spécialisée dans le polar, Hercule Poireau a ouvert ses portes à Bordeaux en juin 1998. Lancé par un cordon bleu et un ancien libraire, l'établissement alterne les deux activités.

m Brigitte Ducasse

Lorsque le célèbre détective imaginé par Agatha Christie se lance sur une enquête, il part un peu au hasard mais développe une logique implacable. Arlette Rousset et Olivier Desmettre sont un peu à l'image d'Hercule Poireau : d'abord faire le point sur ce que l'on sait faire, puis se laisser guider... "Après six années passées à Paris, nous avons voulu revenir en province. Le hasard nous a conduits à Bordeaux et là s'est posée la question. Que faire ?" Psychologue de formation, mais aussi fille d'un cordon bleu, Arlette a hérité de sa mère ses talents culinaires et sa passion pour la cuisine. Son associé, l'époux de sa meilleure amie, étant un ancien libraire au talent de pâtissier incontesté, le scénario était tout trouvé. D'autant que l'investissement de départ est raisonnable : 100 000 F avec un droit au bail de 2 000 F par mois. En outre, le fils d'Arlette, Emmanuel Turiot, styliste en cuisine à Paris, peut apporter son expérience dans le domaine de la restauration.
D'emblée le ton est donné avec cette porte rouge sang ouverte sur une rue du centre de Bordeaux, près de la cathédrale Pey-Berland, où les restaurants jouent du coude à coude. Sur chaque volet, écrit à la craie, d'un côté un extrait choisi de polar, de l'autre, la carte annonçant les plats. Ici pas de menus. Dans l'entrée, une antique machine à écrire fait face à une grande armoire où sont rangés méthodiquement les polars, par collection.

Un espace modulable
Sans rupture, on passe dans la petite salle de restaurant de 30 m2, transformée en salon de thé l'après-midi. Les huit tables contre les murs sont nappées d'une toile cirée rouge, les chaises peintes en noir. Contre les murs, offerts à la curiosité, les livres reposent astucieusement sur de fines baguettes qui font office d'étagères. Les prix sont indiqués sur des affichettes de boucher. En fond musical, le jazz égrène ses notes. Le lieu paraît idéal pour partager en solo ou entre amis un moment privilégié. Sans publicité aucune, faute de moyens financiers, l'établissement draine surtout la clientèle du quartier, en quête d'un lieu pour se ressourcer avant de reprendre le travail.
"Même si la dernière édition du Petit Futé nous classe parmi les librairies bordelaises, les gens viennent d'abord pour se restaurer", indique Olivier. Il faut dire que la cuisine d'Arlette, mélange de tradition et d'innovation, a su conquérir les plus fines fourchettes : Daube de canard aux olives, Stockfish de morue, Congre confit à l'ail et à l'huile d'olive. Pas de frites mais des légumes travaillés à l'envi, d'une fraîcheur irréprochable... soit environ 4 à 5 entrées, 6 à 7 plats et desserts proposés. "On ne travaille jamais à l'économie, on fait les choses telles qu'elles doivent être", annonce Arlette, concluant dans la foulée : "Quand on ne trompe personne, ça fonctionne."
Le midi, peu de clients achètent des livres, c'est surtout l'après-midi à l'heure du thé et le soir que les lecteurs se dévoilent, prenant le temps, en attendant leurs plats, de feuilleter les ouvrages en accès libre. Avec un fonds de 350 livres, ce qui représente un stock d'environ 20 000 F, le polar génère un chiffre d'affaires de 9 000 F depuis l'ouverture. "Nous sommes un peu timides, admettent Arlette et Olivier. Jusqu'ici nous nous sommes concentrés sur la cuisine." Toutefois des soirées sont organisées autour d'un thème développé par un spécialiste. Le succès est au rendez-vous. Hercule Poireau joue également la carte locale en diffusant des éditions comme celle de l'éditeur bordelais Pierre Mainard, ou la fanzine L'Ours Polar édité en Gironde, dont les créateurs ont noué avec Hercule Poireau un partenariat dédié à la promotion des auteurs.

Une formule bien accueillie
Après une année d'ouverture, malgré un petit chiffre d'affaires mais qui progresse bien au fil des mois, le bilan reste positif. "Le fait que des gens reviennent jusqu'à quatre fois dans la semaine prouve que nous sommes sur la bonne voie. Il fallait que nous nous prouvions que notre formule pouvait être bien accueillie. C'est fait. Il faut que nous soyons maintenant plus offensifs." 10 couverts sont servis en moyenne par service ; l'équilibre parfait serait atteint avec 15 personnes. La carte du polar va être mieux mise en valeur. Et enfin l'ouverture le vendredi soir est envisagée. Le challenge est engagé avec optimisme. Pour Arlette, sa plus grande satisfaction est d'avoir pu transmettre à certains de leurs clients une passion réservée jusqu'alors à la famille et aux amis. "Ceci sans avoir l'impression d'avoir vendu son âme", enchaîne Olivier, qui se dit heureux lorsque tous les matins il franchit les portes de l'établissement. Car nos deux comparses n'ont qu'une ambition : trouver un juste équilibre entre vie professionnelle et vie familiale. Or la formule choisie remplit cet objectif. n


Une porte d'entrée rouge sang donne le ton.


Contre les murs, les livres reposent astucieusement sur de fines baguettes qui font office d'étagères.


Arlette Rousset dans le rôle de la cuisinière.


Olivier Desmettre dans le rôle du patissier, serveur et libraire.


Entre deux plats, un peu de lecture.


L'HÔTELLERIE n° 2638 Magazine 4 Novembre 1999

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