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Le pastis

Un art de vivre, qui séduit aussi les jeunes

Si l'image de Raimu en train de servir un pastis à Escartefigue et Panisse reste gravée dans les mémoires, l'apéritif marseillais séduit aussi les nouvelles générations. En Grande-Bretagne, la boisson n'est-elle pas synonyme d'indépendance et de modernisme ?

Par Sylvie Soubes

Une terrasse ombragée, le chant des cigales, des joueurs de pétanque... Il fleure bon les vacances entre Nice et Marseille. Une boisson s'impose. Le pastis, naturellement. Autre décor, cette fois outre-Manche. Un vendredi soir au pub. Moyenne d'âge 25 ans. Boissons sur table : pastis.
Deux images très actuelles du pastis dont le nom signifie, en provençal, mélange. Mélange de plantes, mélanges d'essences, mélange d'eau et d'alcool. Autant de savoir-faire qui ont pour origine la ténacité d'un jeune homme alors âgé de 23 ans, un certain Paul Ricard, fils de marchand de vin. Nous sommes en 1932. Dix-sept ans plus tôt, le législateur prohibait la commercialisation de l'absinthe. Au début des années vingt, une nouvelle loi permet toutefois de renouer avec les liqueurs à base d'anis. Celles-ci doivent néanmoins répondre à des caractéristiques précises : absence d'essence cétonique, couleur ne devant pas rappeler le vert de l'absinthe, pas plus de 30° d'alcool et le louchissement (le trouble que se produit quand on verse l'eau) doit être "insignifiant" !
Quand Paul Ricard met au point sa recette, la législation autorise depuis peu 40° d'alcool mais le taux de sucre et d'anis admis laisse peu de possibilités au produit. C'est alors qu'il songe à la réglisse. Anis et réglisse se marient parfaitement. Le Ricard est né. "Ancien élève de l'Ecole des beaux-arts de Marseille, Paul Ricard dessine lui-même la bouteille et l'étiquette et lance la fameuse formule : Ricard, le vrai pastis de Marseille", rappelle Marie-Claude Delahaye dans son ouvrage consacré aux pastis*. "C'est aussi la première fois que le mot pastis apparaît sur l'étiquette d'un apéritif anisé", souligne-t-elle.

De l'industriel à l'artisanat
Aujourd'hui, le groupe Pernod-Ricard est leader mondial du marché de l'anis. Trois marques : Pernod, distribuée dans 170 pays et première marque d'anis consommée hors de France : 7 Pernod sont consommés dans le monde chaque seconde. Ricard : vendue dans 150 pays, première marque européenne de spiritueux et troisième marque mondiale. Et Pastis 51 : deuxième marque d'anisé et 3e apéritif sur le plan national.
Si le groupe Pernod-Ricard est né en 1974, la marque Pernod est issue de l'association, en 1928, de trois anciens distillateurs d'absinthe (ces sociétés avaient été créées au XIXe siècle) reconvertis dans l'anisette : Maison Pernod Fils, Maison A. Hémard et Maison Jules Pernod. Deux marques provenant de cette alliance allaient connaître le succès : Pernod et Pastis 51 (51 étant l'année de naissance de Pastis 51).
Il existe bien sûr d'autres marques de pastis, telles que Casanis (lancée par le créateur du Cap Corse), Berger, Duval, etc.
A ces grands classiques s'ajoutent désormais des pastis "artisanaux". Une notion nouvelle pour le pastis ! Même si chez Distilleries et Domaines de Provence les premiers pastis sont apparus dès les débuts de l'entreprise, qui soufflait cent bougies l'an dernier.

Dans l'air du temps
La marque Henri Bardouin, qui porte le nom du fondateur, a vu le jour en 1990. La recette de ce pastis comporte "pas moins de 50 plantes et épices". La société insiste également sur les quatre métiers qui entourent l'élaboration du pastis Henri Bardouin : l'herboristerie, la maîtrise de l'infusion, l'art de la distillation et la science de l'assemblage. "Chaque plante et chaque épice ayant subi le même processus, l'ensemble des infusions et des distillats est finalement assemblé. C'est l'opération la plus délicate", commente-t-on. Autre nom à citer : Jean Boyer. A l'origine, l'abbé Jean Boyer, qui fonde une société d'importation et de distribution de malts et qui s'intéressera ensuite au pastis en commercialisant une recette originale comprenant 72 plantes et 6 épices. Malgré le décès de l'abbé en 1992, la société va perdurer et grandir en développant le concept du pastis aux plantes. Fève de tonka, épices douces, armoises : une gamme élue boisson de l'année en 1997 par le secteur des linéaires.
Le pastis, dans l'air du temps ? Plus que jamais. L'exemple de Pastis 51 et de son fantastique écho auprès des nouveaux consommateurs dans le secteur de la nuit conforte la tendance. Le mètre 51, le bar mobile 51 ou encore le 51 givré (cocktails de 51 mêlés à de la glace pilée) sont connus des jeunes adultes fréquentant bars à la mode et discothèques de l'Hexagone. En Grande-Bretagne, et de plus en plus en Allemagne, le pastis est une boisson qui symbolise l'indépendance des nouvelles générations. De solides atouts pour conquérir le XXIe siècle.

*Le Livre du Pastis, par Marie-Claude Delahaye, 132 pages, 170 F, paru chez Z'Editions (Nice).


Le pastis est sans doute le seul apéritif qui évoque de manière aussi forte les vacanceset le Sud.


Le pastis est d'abord une boisson désaltérante et Ricard a toujours su travailler cette image en créant des carafes au design recherché. Le dernier modèle date de 1995.


Pastis 51 a conquis le milieu de la nuit. On est ici très loin de l'apéro du grand-père. Et pourtant...


Une gamme de pastis aux plantes chez Jean Boyer.


L'an dernier, Pernod éditait une nouvelle bouteille sérigraphiée en série limitée reprenant la célèbre terrasse du Café de Flore à Paris. "Pernod et le Café de Flore apparaissent tour à tour dans les écrits de ce siècle, qui illustrent leur notoriété et leur évocation d'un imaginaire français", rappelait la société. Un Pernod au Café de Flore ? Céline, Montherlant, Saint-Exupéry et bien d'autres en ont apprécié le charme.


L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

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