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Il est l'homme du vin à Marseille

Paul Léaunard, un autodidacte au sommet

En 1979, il lance le premier restaurant "viande" de la capitale phocéenne. A l'époque, la presse gastronomique ironise. Mais très vite, l'établissement, dont le deuxième centre d'intérêt porte sur le vin, devient l'adresse préférée des Marseillais. Feeling et
gourmandise pour 20 bougies.

Par Sylvie Soubes

Paul Léaunard n'est pas issu du sérail. Pilote d'hélicoptère dans l'armée, le voici contraint d'abandonner à la suite d'un grave accident. Mais l'homme a des ressources personnelles. Après un court passage dans l'univers des voitures et des concessionnaires, il se lance à Marseille - sa ville - dans un secteur qui n'était jusque-là qu'un passe-temps. Paul aime les vins, il a envie d'en parler, de partager ses coups de cœur. Chez lui, avec sa famille, entre amis, c'est lui qui revêt le tablier de cuisinier. De ces deux penchants est née la Côte de Bœuf. "Je n'étais pas cuisinier de formation, reconnaît-il, mais j'ai toujours su différencier les bons des mauvais produits. N'étant toutefois pas en mesure de faire de la cuisine élaborée, j'ai décidé d'ouvrir un établissement axé sur les grillades, si possible accompagnées de bons vins."
C'était il y a tout juste 20 ans. Pour l'anecdote, il reste seulement une dizaine de restaurants à Marseille âgés de vingt ans et plus.
Paul Léaunard a cherché deux ans l'emplacement idéal. Il voulait que l'établissement soit dans le centre de Marseille, à proximité d'un parking, avec des murs de pierre et dans lequel il y ait une grande cheminée (pour y faire des grillades sous les yeux des clients entre autres), ou la possibilité d'en créer une. Paul finit par dénicher l'oiseau rare à deux pas du vieux port, côté Prado.
Sur son "concept", les journaux grand public qui parlaient de cuisine ne ménagèrent pas leurs critiques à son égard. L'un d'eux écrivit : "Il faut être fou pour s'installer au fond d'un parking et monter à Marseille un restaurant de viandes." C'était en 1980. Paul refusait pourtant déjà des clients, midi et soir...
L'année suivante, Paul s'attaqua cette fois sérieusement au vin.

Merci Madame Sumeire
Régine Sumeire, qui créa notamment la cuvée Pétale de Rose en côtes de provence, s'accrocha amicalement, au cours d'une réunion locale entre restaurateurs et vignerons, avec notre bouillonnant patron. Celle-ci reprochait aux restaurateurs du cru ne de pas suffisamment mettre en valeur les vins de Provence. "C'est à vous de venir voir les restaurateurs", lui répliqua-t-il. Un débat qu'elle prit au mot et qui tourna, pour les uns et les autres, au challenge. Paul Léaunard lança peu de temps après la Quinzaine des côtes de provence dans les restaurants marseillais. En échange, il fallait que les viticulteurs se déplacent. Qu'il y ait au moins un représentant dans chaque établissement pour expliquer les vins au moment des repas. De son côté, Paul, insatiable, s'attache à faire évoluer sa propre carte des vins. Un grand-père qui faisait du vin, des origines bordelaises... Paul se met à lire tout ce qu'il trouve sur l'univers du vin, sur son service. Il se donne d'autres moyens, comme les concours qui sont très utiles pour apprendre le vin. En 1984, lors du concours international de l'Ordre mondial des gourmets dégustateurs, il termine deuxième derrière... la Tour d'Argent. La présentation et le rapport qualité/prix de sa carte jouent en sa faveur. Une carte où "le néophyte sait où et comment est fait le vin".
Dans sa marche en avant viticole, Paul Léaunard entre au Guinness des records : le patron de la Côte de Bœuf a concocté au fil des années la plus grosse carte de vins du monde. Sans parler de la qualité des références et des millésimes, à faire tomber raide tout amateur.

Du bonheur
Sur son activité, l'homme reste enthousiaste malgré les difficultés que rencontrent en France les professions de service et la restauration en particulier. "Nous avons la chance de vendre du bonheur. Tous les métiers ne peuvent pas en dire autant. Et c'est ce bonheur qui me fait tenir." Paul Léaunard regrette les freins administratifs, les lois qui s'empilent, les taxes qui se multiplient.
Revenant sur le vin et son métier de sommelier, il ajoute : "Je ne crois pas qu'il faille beaucoup de connaissances pour présenter des grands crus. En revanche, il est beaucoup plus délicat d'arriver à faire découvrir des vins aux consommateurs. Même quand un restaurant se trouve dans une région viticole."
Mais Paul Léaunard sait faire. Un repas à la Côte de Bœuf est instructif. On y vient toujours pour savourer de solides morceaux de viande et si vous balayez du regard les tables qui vous entourent, vous verrez que les consommateurs, dont pas mal sont des habitués, vont de découverte en curiosité. Laisser choisir le maître de séant, il est vrai, est un plaisir... Ce jour-là, la dégustation porta sur un Domaine Trévallon 1993, encore coteaux d'aix à l'époque (voir article sur les coteaux d'aix p. 46). Un bijou, proposé à parfaite température. Et parce que s'arrêter n'est pas son fort, l'ami Paul a ouvert récemment, de l'autre côté du fameux parking, dans un cadre serein et agréable, L'Ambassade des Vignobles. Un deuxième restaurant qui accueille, tables nappées de blanc, des gourmands sur le thème des associations mets/vins. Chaque plat des menus est accompagné d'un vin différent.
Quant à son titre de sommelier, notre professionnel autodidacte n'a pas à en rougir. Président des sommeliers de Marseille-Alpes-Côte d'Azur - association qu'il a créée au début des années 90 et qui est rattachée à l'Union des sommeliers de France -, Paul suit de près ses troupes et les nouvelles recrues. Entre deux visites de vignobles.


Dans sa cave, Paul Léaunard recèle de véritables trésors. La bouteille la plus ancienne date de 1780.


Notre homme est au Guinness des records
avec la carte des vins renfermant le plus grand nombre de références.


Nous sommes à Marseille, au pays de Fernandel. Dans un coin de sa cave, Paul Léaunard lui rend un émouvant hommage. Certaines étiquettes sont estampillées au nom du comédien.


L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

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