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Au Waldorf-Astoria

Le bonheur de Laurent Gras

Trois étoiles Michelin à Monte-Carlo, puis à Paris pour Alain Ducasse. Trois étoiles au New York Times, valeur étalon de la critique gastronomique outre-Atlantique : tout va bien pour Laurent Gras, qui affirme qu'à Big Apple il se sent "comme à la maison."

Par Jean-François Mesplède

Le propos est net, tranché. "Après les trois étoiles à Paris, j'ai senti que mon contrat était rempli. Je n'avais plus grand-chose à faire, nous avions eu un bon échange avec Alain Ducasse et j'ai eu envie de voir de nouveaux horizons. J'ai beaucoup voyagé en Asie, en Amérique du Sud et j'ai toujours beaucoup travaillé. J'ai décidé de partir à New York parce qu'il existe aux Etats-Unis un potentiel économique énorme que l'on n'avait plus en Europe", dit Laurent Gras.
Chef du Peacok Alley, le restaurant gastronomique du Waldorf-Astoria, il s'est rapidement acclimaté à la vie américaine. "Ce restaurant est un peu la danseuse de luxe (sic) de la maison. J'ai deux brigades d'une quinzaine de personnes en cuisine, où je suis secondé par Eddy Leroux un ancien de chez Senderens. Ici, je me suis démarqué de la cuisine d'Alain Ducasse. J'ai extrait les racines de tout ce que j'ai fait pour proposer une cuisine directe et simple. J'aime ce qui est vrai et fort. Un très beau homard avec une sauce corail par exemple. J'ai davantage de flexibilité pour composer ma carte et je travaille sur des produits locaux : morilles et girolles de l'Orégon, veau fermier, poissons, coquillages. Je vais au marché deux fois par semaine et je suis en contact avec des fermiers."
A l'évidence Laurent Gras se sent bien dans sa peau de chef "made in France" et le système américain ne l'a pas trop dérouté. "Au Waldorf, les gars travaillent quotidiennement 7 heures payées 8 sur 5 jours et nous n'avons pas de problème avec les syndicats. Il faut savoir donner du social, s'occuper des gens et ils deviennent sérieux et très maléables. Les relations avec le chef ne sont pas les mêmes qu'en France. On sait simplement qu'il faut travailler dur et que la vie est très chère (N.D.L.R. : à New York, les loyers sont facilement deux fois plus élevés qu'à Paris...), mais il existe ici une bonne mentalité et une bonne entraide entre chefs français."
Aucun regret d'avoir traversé l'Atlantique donc... et déjà des projets qu'il veut laisser mûrir. "M'installer ? J'y pense bien sûr mais c'est une question d'opportunité. Il faut être connu, médiatique, avoir une assise, disposer de relations financières solides et d'une équipe autour de soi. Ce n'est pas simple. J'ai eu la chance d'obtenir la troisième étoile après trois mois... mais je n'ai pas une structure me permettant d'espérer la quatrième."
Arrivé à New York à la mi-septembre 1997, il n'est pas retourné en France depuis mais n'en éprouve aucune nostalgie. "Mes parents - un père enseignant dans le technique, une mère professeur de français -, m'ont toujours donné la liberté de faire ce que je voulais et ce fut la cuisine. A New York, il est important que le chef soit dans la maison et passe de temps en temps en salle. Les clients veulent plus que manger. Ils recherchent du confort et de la détente. Ils veulent quelque chose de sain. J'ai envie de dépouiller ma cuisine, de travailler sur la pureté des saveurs, d'éliminer les matières grasses. La question que je me pose aujourd'hui est de savoir ce que vont vouloir les gens dans dix ans. En fait, mon défi c'est celui-là..."

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L'HÔTELLERIE n° 2603 Magazine 4 Mars 1999

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