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L'Hôtel du Lac à Dunkerque (59)

Sans effet de chaîne

A la suite d'un long contentieux, l'Hôtel du Lac de Dunkerque (3*) a quitté l'enseigne Mercure qu'il portait depuis de nombreuses années. La clientèle locale, les groupes et une action qualité structurée lui donnent une nouvelle base de départ. Ce qui n'empêche pas de réfléchir à une enseigne volontaire.

Par Alain Simoneau

Sous les applaudissements nourris de son personnel, Christophe Ghesquière, directeur de l'Hôtel du Lac de Dunkerque, est monté en novembre dernier sur la scène du Kursaal, la plus grande salle de spectacle et de congrès de la ville, chercher « l'oscar de la qualité » gagné par l'entreprise. Le trophée se trouve à présent en bonne place sur le comptoir de la réception. Ce concours annuel est organisé par une émanation de la CCI, le club qualité Flandre-Dunkerque. Les trophées récompensent un effort en matière de progression de la qualité selon une méthode reconnue, et jugée par des auditeurs formés aux certifications industrielles type Iso et autres. Cette récompense et une conjoncture convenable en 1998 viennent conforter une équipe que les événements des deux dernières années auraient pu sérieusement déstabiliser. En 1996, l'hôtel disparaît du catalogue Mercure et de son système de réservations et d'assistance commerciale, fin 1997 l'enseigne est déposée. En juin 1998, le gérant M. Destombes est remercié, en « désaccord total » avec les associés (indiquent ces derniers, cf. encadré) de la SNC Hôtel du Lac qui nomment l'un des leurs à sa place. Ce dernier délègue à Christophe Ghesquière et à son épouse la direction opérationnelle de l'établissement. Fin 1998, sans crier victoire, le directeur constate que le CA (la société ne le révèle pas mais il doit nécessairement dépasser les 10 MF pour 25 personnes employées) s'est accru de 5 %, - en cohérence avec le mieux conjoncturel sur le marché local - avec un taux d'occupation moyen de 65 %. L'activité restauration, séminaires compris, recense 26 600 repas servis. Prudent, le directeur il observe que l'effet négatif de la sortie de catalogue Mercure ne sera total que cette année, le temps que les derniers répertoires de 1995 et 1996 ne disparaissent totalement. Comment agir en attendant ? En travaillant les classiques commerciaux toujours présents quelle que soit l'enseigne, et en mettant en place cette fameuse action qualité. Les « classiques » se composent sur le marché dunkerquois, dans l'ordre de la clientèle d'affaires liée à l'économie locale (c'est l'essentiel), des groupes de passage, et enfin loin derrière, des congrès et événements notamment sportifs. Ces derniers ne sont pas négligeables, avec les activités liées à des clubs locaux de handball, de natation, de basket-ball, de hockey sur glace importants à l'échelle nationale. Le congrès national des illusionnistes à l'automne dernier aura été un apport important de clientèle de week-end. Christophe Ghesquière est responsable du développement de l'activité congrès au Club hôtelier qui travaille désormais en liaison très étroite avec l'office de tourisme très profession-
nalisé de l'agglomération. L'essentiel demeure les quatre jours et nuits par semaine orientées vers la clientèle d'affaires liée aux activités portuaires et industrielles avant tout, qui génère à la fois des nuitées à un prix acceptable et une forte consommation de séminaires. Si les entreprises contrôlent leurs coûts plus que jamais, l'activité économique très soutenue a permis une bonne performance en 1998, proche des meilleures années. L'effort commercial récent a porté sur les groupes de passage, avant tout en travaillant avec les tour-opérateurs britanniques. Rien de nouveau dans la région, sinon une nécessaire redistribution des cartes en fonction de l'activité transmanche. Cette dernière a atteint un nouveau record cette année, tunnel et ferries confondus, mais la rapidité de la traversée n'impose plus une halte proche des terminaux. Il faut désormais convaincre les opérateurs, libres de choisir entre de nombreuses autres possibilités, en visant les voyageurs venant par exemple d'Angleterre du nord ou d'Ecosse, et se rendant en Europe centrale ou du sud. Comme tous les hôteliers de la région, l'Hôtel du Lac s'efforce d'attirer les groupes allemands ou scandinaves, meilleurs payeurs. Mais les Anglais, redoutables tireurs de prix, restent les plus présents. Le jeu consiste à maintenir les prix à un niveau acceptable, alors que dans certains établissements de la côte comme de l'intérieur le long des autoroutes, la négociation peut descendre jusqu'à 120 F la nuitée. Les prix moyens sont particulièrement modestes dans cette région, nettement inférieurs à 300 F en trois étoiles. L'Hôtel du Lac, rénové voici cinq ans, affiche des prix de 314 F à 484 F. Les négociations avec les grands industriels demandent pour les tarifs "semaine" un premier effort. Pour les groupes le week-end, le marché local se trouve proche de la moitié du prix affiché. Mais c'est cela ou le grand vide du week-end. « Il faut pratiquer les groupes, même à prix très serrés », commente Christophe Ghesquière. « Moyennant une certaine sélection par le prix, nous recevons des groupes disciplinés, à l'heure, très encadrés, qui ne nécessitent pas la présence d'un personnel nombreux. Ces groupes consomment au bar, il faut donc prévoir un service efficace à ce poste. » Un moyen simple d'éviter les effets pervers de cette clientèle (désordres, dégradations) : essayer de recevoir des groupes où les épouses sont présentes.

Le plan qualité

Cela peut-il suffire, après la perte de l'enseigne Mercure ? La direction a pensé à Best Western, mais la place est déjà prise à Dunkerque. L'hôtel n'a pas l'image Logis, Choice est peu implanté, Holiday Inn demandait des investissements considérables, que faire ? L'hôtel a adhéré pour un coût modéré à Nestor & Nelson pour obtenir une porte d'entrée aux systèmes de réservations aériens. L'idée de l'enseigne volontaire n'est toutefois pas abandonnée. En attendant, « il fallait autre chose pour encadrer l'action du personnel », explique Christophe Ghesquière, « il nous fallait un ensemble d'objectifs mesurables ». L'entreprise a d'abord travaillé sur son identité, s'est construite une charte graphique. Puis ce fut le plan qualité. Une idée en vogue dans l'hôtellerie aujourd'hui, intéressante pour cet homme venu de l'industrie. La démarche consiste à mettre au point dans une action ordonnée et écrite, assistée par ordinateur, l'ensemble des procédés de prestation de services, à établir des fiches de contrôle de qualité selon les critères d'objectifs définis en fonction de la demande du client, et à suivre le tout au jour le jour : on s'auto-évalue en permanence, et on se fait évaluer par les clients, particulièrement par les entreprises. Trois fiches différentes d'évaluation par la clientèle sont établies pour les prestations hébergement, restauration et séminaires, avec trois niveaux de cotation proposés aux clients et des suggestions demandées. Ces suggestions sont examinées et très rapidement mises en pratique si cela est possible. Par exemple, une amélioration a été portée au vestiaire des clients en restauration. Les grandes entreprises industrielles engagées depuis des années dans une stratégie de qualité totale et de gestion rigoureuses de leurs prestations pèsent sur cette démarche à travers des cahiers des charges eux-mêmes très développés. C'est le cas localement de Sollac qui emploie près de 5 000 personnes directement dans la région. « Si un problème revient dans ces fiches, il faut le traiter et faire progresser la prestation. Cela peut signifier un investissement, une formation du personnel, un changement de procédure de fabrication de la prestation », indique Christophe Ghesquière. « Si survient un problème grave dans une fiche, il faut le traiter dans les 48 heures, sans rien laisser traîner. » La plus grande partie de la clientèle étant liée aux entreprises locales, l'action qualité est à la fois une action de communication interne au sein du personnel, et une action de communication externe, interactive. Avec le personnel, c'est une manière de remettre les choses à plat selon des critères objectifs. Les plannings et les objectifs sont affichés en cuisine. Chaque membre du personnel doit ainsi mieux savoir quel est son rôle. Et le chef d'entreprise très impliqué dans la démarche interne est également présent en ville à travers le Club hôtelier mais aussi d'autres leviers. Dernier venu dans la panoplie commerciale, l'Internet est opérationnel. L'hôtel a son site à l'adressewww.hoteldulacdunkerque.com avec procédure de réservations, et une adresse e-mail (hoteldulac@wanadoo.fr pour le moment). Les premières campagnes commerciales par e-mail ont commencé « ciblées, et pas chères », dit Christophe Ghesquière. Et le premier client ayant réservé par courrier électronique, un Allemand, a été accueilli au champagne. Sur un marché qui reste difficile, même en haute conjoncture, le directeur de l'Hôtel du Lac se dit « raisonnablement optimiste ».


L'atout numéro un de l'hôtel, c'est d'offrir de l'espace vert au bord de l'eau à deux pas de la grande industrie. Au moindre rayon de soleil, les clients réclament la terrasse.


La réception (ici tenue par Mme Ghesquières) a été, comme l'ensemble de l'hôtel, entièrement reconstruite en 1998.

Une histoire tourmentée

Cet ancien Novotel devenu Mercure réussissait de bonnes performances jusqu'à la crise de 1991-1992. Il n'intéressait plus Accor au point de réinvestir. En 1993, dans le cadre de la loi de défiscalisation alors en vigueur, un syndicat d'investisseurs en majorité dunkerquois reprend l'affaire à Mercure et investit 6,60 MF dans une remise en état de fond en comble. A l'issue de l'opération, l'hôtel compte 66 chambres, un peu moins qu'auparavant, mais a retrouvé un classement trois étoiles logique et une bonne capacité de restauration et séminaires. Cependant, la reprise effectuée avec l'assistance technique des dirigeants de la Métropolitaine d'hôtellerie de Lille et un contrat de gérance avec l'un d'entre eux, M. Destombes, s'effectue dans le cadre d'une franchise Mercure complète. Tombé très bas avant la reprise, l'hôtel entre 1994 et 1997 multiplie son chiffre d'affaires par 2,5 au delà de 10 MF, repasse les 60 % de TO moyen et approche les 27 000 couverts. Estimant toutefois que le revenu dégagé ne doit à peu près rien à la franchise (un peu moins de 4 % du CA), les actionnaires refusent d'asseoir les royalties sur la totalité du chiffre. L'affaire va au contentieux. La SNC Hôtel du Lac perd en première instance au TC de Paris le 6 mai 1997, et gagne avec quelques bémols en appel le 4 juin dernier. En l'espèce, la 5e chambre de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande d'annulation des conventions de franchise et d'assistance, mais a dit l'assiette des redevances limitée aux seules recettes de l'activité d'hébergement, petits-déjeuners inclus. En juillet dernier, estimant également pouvoir gérer l'affaire en direct sous la direction des époux Ghesquière, les actionnaires ont mis fin à un contrat de gérance qu'ils estimaient onéreux, et non conforme à leurs propres objectifs. Cela ne semble pas troubler le personnel. Finalement ces hôteliers issus de la défiscalisation ont décidé de se prendre au jeu et ont nommé l'un de leurs gérants de la SNC, avec un maximum de délégation donnée à la direction. Leur investissement a-t-il été judicieux ? Le nouveau gérant répond par l'affirmative sur les résultats de l'hôtel, conformément aux attentes. Il est plus réservé sur l'attitude du fisc qui demande la réintégration des frais d'études engagés avant le premier coup de pioche.


L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999

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