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Le pain au restaurant

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Les Français ont aujourd'hui réappris à aimer le pain. Grâce à la tendance « retour au terroir », grâce aux diététiciens qui leur ont démontré que le pain est bon pour la santé et grâce aux boulangers qui ont décidé de réagir face à la baisse importante de la consommation du pain en France. Désormais, les consommateurs peuvent trouver chez de nombreux boulangers des pains de qualité. Alors, au restaurant, ils s'attendent à déguster du bon pain. Ils sont devenus très exigeants sur ce point. Ne les décevez plus. N'oubliez pas que le pain est le premier mets que l'on déguste à table. Du mauvais pain, du pain rassis rend grincheux et méfiant à l'égard du restaurateur. Du bon pain fait plaisir et donne envie de découvrir les mets cuisinés par le chef.

Dossier réalisé par Bernadette Gutel
Photos : Jean-Marc Charles

m La qualité du pain en nette amélioration

Claude Lebey, chroniqueur gastronomique, est le premier à avoir eu l'idée de noter la qualité du pain et du café servis dans les restaurants parisiens qu'il présente dans ses guides (environ 1 000 restaurants). Pour lui, peu importe la provenance du pain, ce qui compte c'est le plaisir qu'il procure.

Claude Lebey
Chroniqueur gastronomique

Je n'ai pas d'a priori sur la provenance du pain
Voici treize ans, dès que j'ai commencé à publier des guides de restaurants parisiens, j'ai eu l'idée de noter le pain et le café. Tout simplement parce que je me suis rendu compte que le pain n'était généralement pas bon au restaurant mais aussi parce que j'aime le bon pain comme les clients d'ailleurs. C'est très important de commencer un repas par quelque chose de bon, surtout quand le restaurateur vous fait attendre longtemps. Si le pain est bon, on lui en veut au bout d'un certain temps parce qu'on en mange trop. C'est une catastrophe mais on est quand même content. En tant que chroniqueur gastronomique, je ne m'occupe pas de savoir comment ce bon pain est fabriqué et d'où il vient. Je respecte toutes les provenances du moment que le pain est bon. Je n'ai pas d'a priori. Beaucoup de cuisiniers à qui je dis : « Votre pain n'est pas formidable », me regardent d'un air mi-furieux et mi-étonné, en me disant : « Pourtant, il est fait ici ». Mais un cuisinier n'est pas forcément un bon boulanger. Chacun son métier. Si le pain est bon chez le boulanger d'à côté, autant l'acheter chez lui. Faire son pain me paraît possible dans les grands hôtels qui disposent d'un laboratoire de boulangerie/pâtisserie et de professionnels boulangers et/ou pâtissiers.

Du bon pain, c'est...
Pour moi, du bon pain, c'est du pain qui présente un bon équilibre de quantité et de qualité entre la croûte et la mie. J'aime avoir une mie alvéolée et pas trop dense. J'aime aussi que la croûte soit une vraie croûte et que le pain soit croustillant. A part dans le très haut de gamme où « variété » de pains peut rimer avec « recherche et raffinement », je n'aime pas, d'une façon générale, les pains qui présentent une trop grande personnalité. Quand, au moment du fromage, on me sert du pain aux raisins et aux noix et qui de plus n'est pas frais, je trouve cela véritablement dégoûtant. Le travers dans lequel tombent beaucoup de restaurateurs, c'est d'offrir des quantités de pains différents ou des pains appropriés à chaque mets. Bien souvent, ces pains ne sont pas bons lorsqu'ils sont fabriqués par les chefs de cuisine. Si ces chefs veulent fabriquer leur pain, qu'ils fassent d'abord un bon pain de base, ils pourront peut-être par la suite le décliner. Quant au pain de campagne tranché la veille ou six mois auparavant par le boulanger, je vois tout de suite qu'il n'est pas bon. Un bistro, au lieu de servir ce pain rassis ferait mieux de proposer une bonne baguette venant du boulanger d'à côté et coupée comme autrefois quand le client arrive et non pas au moment de la mise en place.

Une nette amélioration
Néanmoins, depuis une dizaine d'années je note une très nette amélioration de la qualité du pain servi dans les restaurants. Je n'ai pas la prétention de penser que j'y suis pour quelque chose. Servir du bon pain est devenu un souci pour beaucoup de restaurateurs, contrairement au beurre, d'ailleurs, qui est de plus en plus nul et sans goût, y compris celui des grandes marques. Je parle du beurre, parce que c'est généralement le complément du pain sur la table. Quand le beurre n'a pas d'intérêt, c'est embêtant pour le pain. Mais j'aime tellement le pain que lorsqu'il est bon, je le mange sans beurre.

m La clientèle de plus en plus sensible à la qualité du pain

Marcel Baudis, du restaurant L'Oulette à Paris, est ravi de constater que ses clients respectent de plus en plus le pain servi au restaurant. Ils redécouvrent les gestes d'antan, les fonctions festives et conviviales du pain. Ils n'hésitent pas à réclamer du pain pour le déguster plus tard, chez eux.

Marcel Baudis
Restaurant L'Oulette à Paris

Nos clients redécouvrent le sens de l'expression «rompre le pain»
Depuis trois à quatre ans, j'ai noté un changement important dans l'attitude de notre clientèle à l'é-gard du pain. Avant, quand on posait du pain sur la table, les clients le regardaient à peine ou bien ils jouaient un peu avec, le retournaient dans tous les sens. Maintenant ils font un geste qu'ils avaient oublié. Ils rompent le pain. Ils le prennent dans leurs mains, ils l'ouvrent et parfois le sentent. Ils redécouvrent spontanément le sens de l'expression « rompre le pain ». Est-ce dû à la tendance « retour au terroir », à la mémoire collective qui fonctionne ou bien ont-ils vu faire ce geste chez leurs grands-parents ?

Ils consomment de plus en plus de pain
Nos clients consomment en moyenne deux boules individuelles. Dans notre restaurant, la consommation de pain est en nette progression. A une époque, on a dénigré le pain qui n'était pas bon pour le régime. Parfois, certains clients le refusaient pour ne pas être tentés de le manger. Maintenant, les consommateurs s'aperçoivent qu'un bon pain consommé en quantité raisonnable ne fait pas grossir. Je remarque aussi que certains clients demandent du beurre pour accompagner leur pain au moment de l'apéritif ou en attendant d'être servis. Pour eux, ce pain avec du beurre est devenu un amuse-bouche comme autrefois.

Bon ou pas bon : ils le disent
Le pain fait partie du repas. Si le pain est bon, les clients le disent. Mais si le pain est mauvais, ils le disent encore plus sûrement. Si les clients n'aiment pas le pain, je crois qu'on a gâché une partie de la prestation de notre chef de cuisine. On fait mal au restaurant, on fait mal au chef de cuisine parce que les gens vont seulement retenir que le pain, un des premiers éléments du repas, n'était pas bon. Ça laisse une mauvaise impression notamment auprès des étrangers et particulièrement les Américains qui pensent que les Français sont les spécialistes du bon pain.

Ils nous demandent du pain pour le consommer chez eux
Chez nous, grâce au pain que nous avons sélectionné et grâce au soin que l'ensemble de notre personnel lui accorde, nous savons que nous faisons plaisir à nos clients. Le satisfecit, la petite cerise sur le gâteau, c'est quand nos clients nous demandent d'emporter du pain pour leur petit-déjeuner. Et, ces clients qui ont l'habitude de venir chez nous sont de plus en plus nombreux. Ce n'est pas embêtant de donner du pain. Et ce n'est pas gênant d'en demander. Nous offrons ce pain avec plaisir parce que le pain c'est convivial, c'est festif.

m Pas de bon pain sans un personnel bien formé

Pour servir du bon pain et faire plaisir à ses clients, il faut former son personnel de cuisine et son personnel de salle. Les témoignages de Maurice Baudis du restaurant L'Oulette à Paris, de Brian Rowe, marketing Campanile et d'Arnaud Saive directeur des exploitations La Cafétéria.

Alain Fontaine
Restaurant L'Oulette

Nous formons nous-mêmes notre personnel à :

Bien conserver le pain
De notre bistrot le Baracane, nous servons du pain de campagne tranché au dernier moment. Ce pain-là, nous pouvons le servir le lendemain en début de service parce que nous savons le conserver et le respecter. Nous avons appris à notre personnel à envelopper le reste de pain dans un linge* bien propre comme le faisaient nos grands-mères. Le personnel qui est jeune aurait plutôt tendance à l'envelopper dans un sac plastique, ce qui le fait ramollir. Nous leur demandons de le descendre à la cave qui est humide, de le réchauffer un peu avant le service et de le trancher au dernier moment.
* Attention, ne pas prendre un linge lavé avec une lessive et/ou un assouplissant parfumés. Le pain prend facilement toutes ces odeurs. Si le restaurateur ne dispose pas de cave, il peut maintenir le pain enveloppé dans un linge dans sa cuisine, mais loin d'une source de chaleur qui le dessécherait.

Bien le servir
Le personnel de salle doit faire attention à servir le pain chaud et croustillant et surtout pas brûlé en dessous à cause d'une remise en température mal conduite. Il doit veiller à ce que les convives ne manquent jamais de pain.

Bien parler du pain
Notre personnel doit savoir parler du pain et de notre fournisseur à nos clients. Comme notre pain est bon, nos clients nous demandent d'où il vient. Nous n'hésitons pas à citer le nom de notre boulanger et à donner son adresse. Il est hors de question de répondre que nous faisons notre pain nous-mêmes.

Brian Rowe
Marketing Campanile

Une campagne nationale de sensibilisation au pain
Pour démontrer à nos clients que dans les 350 hôtels-restaurants Campanile nous servons du pain fabriqué par des artisans mais aussi pour sensibiliser nos gérants à la qualité du pain et à l'importance de maintenir des relations permanentes avec les artisans boulangers locaux, nous avons organisé en 1995 une grande campagne d'animation sur le pain. Avec nos délégués régionaux, nous leur avons fait déguster des pains afin qu'ils puissent reconnaître ce qu'est une bonne croûte et une bonne mie. Les délégués régionaux les ont emmenés visiter des boulangeries pour qu'ils découvrent comment le pain est fabriqué. Ils leur ont commenté des vidéos et des kits pédagogiques fournis par L'Espace Pain Information.

Arnaud Saive,
Directeur des exploitations La Cafétéria

Nos responsables de site sont intéressés au résultat
Le rôle des responsables de site est déterminant sur la qualité du pain que nous servons. Nous leur demandons en général une expérience du métier de restauration. En province, nous les motivons en leur faisant prendre une part active sur la sélection des boulangers et dans la négociation. La qualité de notre prestation repose sur du personnel motivé et formé.

m Vous servez du bon pain, faites-le savoir

Tous les clients d'Alain Atibard du restaurant L'Affriolé savent qu'il fait son pain. Il n'hésite d'ailleurs pas à leur montrer comment il le fait. La chaîne d'hôtels-restaurants Campanile a mené en 95 une animation nationale sur le pain pour faire découvrir à ses clients, que dans les 350 établissements Campanile, on ne sert pas du pain industriel mais du pain fourni par des boulangers artisans locaux.

Alain Atibard
Restaurant L'Affriolé

Je montre à mes clients commentje fais mon pain
Tous mes clients savent que je fais mon pain. Certaines de mes clientes me demandent de leur donner des cours sur la fabrication du pain. Je reçois aussi des enfants. Ils sont ravis de découvrir comment on mélange la farine avec de l'eau, comment le pain pousse, comment il est cuit. Quand le pain est cuit, ils le goûtent. Je leur raconte comment le blé est cultivé, comment on le travaille. Je suis fort occupé en cuisine mais j'aime prendre le temps pour montrer et expliquer le pain. C'est très passionnant et ça me fait extrêmement plaisir.

Brian Rowe
Marketing Campanile

Une animation nationale sur le pain
Chez Campanile, la qualité du pain est primordiale. Dans nos 350 établissements, nous ne servons pas de pain industriel comme beaucoup de clients l'imaginent. Alors pour les sensibiliser, nous avons décidé pendant un mois de créer dans nos restaurants des animations sur la tradition française du pain. Nous avons voulu mettre en avant le symbole du pain. Nous voulions faire découvrir aux clients le travail du boulanger et les pains régionaux. Nous avons vraiment « mis le paquet ». Outre la sensibilisation de nos gérants à la qualité du pain, nous avons distribué plus de 5 millions de lettres d'information sur le pain dans les boîtes aux lettres. Nous avons donné plus de 400 000 livrets de recettes de pains. Tous les établissements Campanile ont été décorés sur le thème du pain, les sets de table étaient déclinés sur cette idée. L'animation pain concernait nos buffets petits-déjeuners (17 000 par jour), les déjeuners et les dîners (12 millions de repas/an). Au déjeuner, chaque client se voyait offrir dès son arrivée des amuse-bouches composés de pains différents et des accompagnements divers. Sur les buffets, différents types de pains étaient présentés. Des étiquettes permettaient de les identifier. A côté des fromages, nous proposions différentes sortes de pains qui se marient bien avec le fromage. Nous avons inscrit aux menus des plats et même des desserts fabriqués à base de pain comme le pudding. Nos gérants et leurs équipes bien formés sur le thème du pain étaient en mesure de dialoguer avec la clientèle. Certains gérants ont même créé des mini-musées sur le pain dans leur salle de séminaires en collaboration avec les syndicats départementaux. Nous avons aussi sensibilisé les enfants en participant à la semaine du goût. Pour cela, nous avons réalisé à leur attention des livrets et des magazines sur le pain. Nous avons invité les enfants à rencontrer chez nous des artisans-boulangers, nous avons animé pour eux des séminaires de dégustation. Résultats : nos gérants se sont beaucoup intéressés et impliqués dans cette animation. Nous avons renforcé la qualité du pain que nous servons. Nous avons recueilli plus de 600 articles dans la presse. Le pain est un sujet qui intéresse beaucoup les Français. Et parmi toutes les animations que nous avons proposées (Méditerranée, Bistrot...), c'est celle du pain qui a le plus marqué nos clients. Nous renouvellerons certainement cette campagne.

Pour en savoir plus sur le pain

* EPI Espace pain information met à votre disposition brochures, cassettes et vidéos. Catalogue sur demande au : 209 rue de l'Université - 75007 Paris Tél. : 01 44 18 92 16 - Fax : 01 44 18 91 07.

 

Les participants à la table ronde « Le Pain au Restaurant »

16/12/98 hôtel de Crillon à Paris

s M. Alain Atibard - Restaurant L'Affriolé - Paris - Tél. : 01 44 18 31 33
s M. Marcel Baudis - M. Alain Fontaine - Restaurant L'Oulette - Paris - Tél. : 01 40 02 02 12
s M. Marc Bayon - Responsable des cuisines - Les Frères Blanc - JPJ Holding - Tél. : 01 44 71 86 87
s M. Gabriel Biscay - Chef de cuisine - Restaurant Prunier Traktir - Paris - Tél. : 01 44 17 35 85
s M. Christian Gerber - Chef-propriétaire - Les Platanes de Chenas - Julienus - Tél. : 03 85 36 79 80
s Mme Laurence Kayser - Boulangerie Kayser - Tél. : 01 44 07 01 42
s M. Claude Lebey - Chroniqueur gastronomique - Editions Albin Michel - Tél. : 01 42 79 10 00
s Brian Rowe - Marketing Campanile - Tél. : 01 64 62 46 00
s M. Arnaud Saive (directeur des exploitations)
s M. José Garcia Barroso (responsable des achats) La Cafétéria - Société Soreno - Tél. : 01 45 17 26 00

Animation :
- Bernadette Gutel de L'Hôtellerie

- Jacques Darmon, directeur Filière Gourmande
- Jean-Paul Broutin, secrétaire Général Europain


Le Salon Europain, la revue Filière Gourmande et le Journal
L'Hôtellerie ont réuni, le 16 décembre 98 à l'hôtel de Crillon à Paris, un chroniqueur gastronomique, neuf restaurateurs très attentifs à la qualité du pain qu'ils proposent à leurs clients et un artisan boulanger. Premiers constats : les restaurateurs sont de plus en plus nombreux à servir du bon pain. Leur clientèle, très sensible à cette attention, ne manque pas de leur faire savoir.

A lire

Pour les restaurateurs qui font leur pain, leurs viennoiseries et des pains surprise sur les buffets, Eric Kayser et Patrick Castagna ont écrit un livre intitulé :
Le Pain : Evolution et Tradition.
Dans cet ouvrage très pédagogique, clair et bien illustré, vous découvrirez comment fabriquer la baguette tradition, la baguette en pousse lente, la baguette à l'ancienne, des croissants et pains au chocolat en congélation, la façon de réaliser des pains surprise, des soupières, des marmites rustiques...

Contact :
Boulangerie Kayser - 8 rue Monge - 75005 Paris - Tél. : 01 44 07 01 42.


L'HÔTELLERIE n° 2599 Magazine 4 Février 1999

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