Dans le vaste atelier qui s'ouvre sur les quais de
Saône, le contenu des placards ressemble à un inventaire à la Prévert : des centaines
d'assiettes différentes, autant de verres dépareillés, des couverts à l'unité, des
pots de sauces, des condiments... mais pas le moindre raton laveur pour compléter
l'ensemble !
Des bouteilles de vin, des bombes de peinture, des pinceaux, un four, un grill, des
épices et des aromates, le tout géré par Frédéric Pigeon, ex-cuisinier (formation à
Thonon, puis au Consulat de France à New York, Mère Guy et Georges Blanc), aujourd'hui
styliste culinaire pour Etienne Heimermann, le... Fotographe.
"Je veux faire saliver par l'image", avoue celui qui préfère
l'appellation de photographe gastronomique à toute autre. "La cuisine ? Je suis
tombé dedans quand j'étais petit et j'ai eu envie de me spécialiser dans ce domaine."
Packaging pour l'agroalimentaire, plats sophistiqués pour livres de cuisine, portraits de
chefs pour quelques Dédicaces gourmandes (1) : rien n'échappe à son il
gourmand.
"Le chef explique son plat et nous le mettons en scène. Chez nous, il n'est pas
question de dégustation car avec la chaleur des spots, nous devons travailler d'une autre
manière qu'en cuisine", explique Heimermann.
Ainsi, le poulet est-il cru et peint, les légumes surgelés à peine ébouillantés pour
obtenir du beau vert ou du beau rouge et les glaces sont à base de paraffine !
"Pour l'édition, on peut photographier de vrais plats... mais je préfère
travailler ainsi, avec un styliste culinaire qui vient de la cuisine. Même avec du...
demi-faux, il faut travailler vite et bien", dit-il encore.
Vite et bien ! Avec toutefois un minimum de 90 à 120 minutes par photo. L'opération est
méticuleuse. Et il est habituel que pour un projet accepté par le client, les
composantes soient déposées à la pince à épiler pour respecter l'idée dans le
moindre détail !
Une première prise de vue au Polaroïd permet de juger l'ensemble et de rectifier si
besoin. Ensuite, pour les deux ou trois photos définitives, pas davantage, tout est dans
l'éclairage et le rendu des couleurs. "C'est toute une démarche. En studio, nous
avons une cuisine intégrée et un styliste sur place. Mais c'est toujours un travail de
longue patience. L'éclairage et le cadrage restent la base. La différence c'est la
composition, l'il, les volumes et les espaces", poursuit Etienne
Heimermann.
A la chambre 4 X 5, avec des flashes soigneusement dosés, les moindres détails sont
pesés. A la même enseigne que la Haute Cuisine, la photographie gastronomique ne souffre
pas la médiocrité. Elle n'est trompe-l'il que pour la prise de vue. Avec d'autres
moyens que ceux des Chefs qui sont ses clients, Heimermann doit arriver à un résultat
identique : faire saliver !
(1) C'est le titre du livre consacré aux chefs étoilés de Rhône-Alpes, réalisé avec Alain Vavro et Pascal Meilheurat. Etienne Heimermann a réalisé en noir et blanc une série de portraits très serrés. Il a travaillé en reportage, au 24 X 36, réalisant les photos sans éclairage, s'attachant à saisir le regard du chef durant son entretien avec le rédacteur des textes.
Bocuse, l'un des vrais-faux chefs recréé par Etienne Heimermann.
"Je veux faire saliver par l'image."
RepèresLa publicité représente 90 % de l'activité du Fotographe (1) dont Panzani, Diépal et Distriborg sont quelques-uns des clients. Pour l'UIVB, Heimermann a signé la campagne Beaux Jours Beaujolais. C'est également lui qui a contribué à couvrir Bocuse d'Or pour la Une de L'Hôtellerie et signé la couverture de son livre La Bonne chère chez Flammarion, où l'on voit Bocuse chevaucher une Harley Davidson. (1) Le Fotographe, 31 A quai Arloing, 69009 Lyon (04 78 83 46 31). |
L'HÔTELLERIE n° 2595 Magazine 7 Janvier 1999