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Place aux femmes sommelières avec les champagnes Marie Stuart

Une seule gagnante mais six grandes dames du vin

Alain Thiénot, président des champagnes Marie Stuart, a lancé l'an dernier un prix qui couronnera désormais chaque année la "reine des sommelières". Pour la deuxième année, pas moins de 68 sommelières étaient en lice. Six allaient être retenues et parmi elles, un jury féminin allait désigner la lauréate 1998. Choix difficile, tant le niveau était impressionnant, de qualité. Voici pourquoi nous vous proposons de faire connaissance avec ces six grandes dames du vin. En commençant, bien sûr, par Mireille Mann, au sommet de l'édition 1998.*

Par Sylvie Soubes


Autour de Mireille Mann, Alain Thiénot et le président de l'ASF, Georges Pertuiset.

Reine des sommelières 1998

Mireille Mann, lauréate de la 2e édition du prix Marie Stuart

Fille de viticulteur alsacien, cette souriante jeune femme de 27 ans dirige avec son mari l'hôtel-restaurant A l'Agneau, à Katzenthal. Cette Alsacienne revendique haut et fort sa passion du vin, de la vigne et de la terre. N'est-elle pas née "dans ce monde merveilleux qu'est le vin" ? Enfant, elle se souvient avec émotion de la nature, de la vinification, de toute la difficulté et de la sagesse du vin. Un peu plus tard «lors d'une dégustation de vins entre sommeliers, se rappelle-t-elle, je me suis rendue compte que la perception des arômes entre hommes et femmes était souvent différente, voire complémentaire. (...) Notre force est - peut-être - de mettre en avant le côté charmeur et la touche de séduction qui nous caractérise.» Pour cette douce alsacienne, la sommellerie "s'acquiert au fil des ans. Ça ne dépend pas seulement d'un diplôme, mais davantage de l'expérience acquise sur le terrain et au gré des dégustations." Il faut, ensuite, en salle "savoir guider le client sans jamais s'imposer, sans jamais imposer son propre choix". Chez elle, dans son restaurant, Mireille a choisi de privilégier le vin au verre. Fini les demi-bouteilles. Des vins au verre "adaptés aux plats". Pour les plus grands vins, pas de coefficient multiplicateur mais une marge fixe. Dans un coin, les clients aperçoivent une "vinothèque" : un endroit bien visible qui leur permettent d'approcher une sélection des vins du mois. Interrogée sur son champagne de prédilection, sans hésitation, elle évoque les vins à dominante de chardonnay, plutôt jeunes, millésimés ou non, qui ont en eux cette "vivacité qui invite à la conversation", au partage. Et pour un repas tout champagne, ses conseils dans la gamme Marie Stuart : blanc de blancs avec les amuse-bouche, Marie Stuart millésime 1991 sur un millefeuille de daurade par exemple, le 1er Cru en accompagnement d'un canard et son foie poêlé. En dessert, une flûte de demi-sec Marie Stuart s'accordera parfaitement avec une aumônière de fraises caramélisées. Un choix tout de gourmandise.
Parcours : CAP/BTH au Lycée hôtelier de Strasbourg. Restaurant The French Place en Floride (USA), puis A l'Etrier (Crans Montana), Le Coq au Vin (Julienas). Elle travaille depuis 1995 dans l'affaire familiale de Katzenthal.
Sa définition du métier de sommelière : "Il faut connaître avant tout les bases du métier de vigneron, également l'œnologie sans pour autant rentrer dans les détails. Il est important d'apprendre à déguster sur le terrain et de goûter les vins le plus souvent possible. (...) Je pense que notre rôle est avant tout de faire voyager le client, sans oublier d'accorder mets et vins."

« Nous, sommelières, avons véritablement les moyens de donner un nouvel élan à cette profession, en y intégrant la grâce et la féminité. »

Catherine Arnaud-Vulin,
chef sommelière dans un palace parisien

Quand on lui demande ce qu'est la sommellerie au féminin, sa réponse tombe nette et précise. "Il faut rester femme mais faire preuve de beaucoup de professionnalisme." Catherine Arnaud-Vulin exerce au Bristol depuis 1995. Parce que la clientèle est celle des émirats et autre têtes couronnées de la planète, "il faut faire preuve de discrétion, de psychologie, être particulièrement attentive, pouvoir répondre à toutes les questions techniques qu'on vous pose mais pouvoir aussi rebondir sur de nombreux autres sujets culturels ou d'actualité", explique-t-elle. A son arrivée, le plus dur ne fut pas de convaincre la clientèle de ses capacités, mais l'équipe en place... Quant à la carte, Catherine l'a fait évoluer en l'étendant à toutes les régions de France, en « évitant les négociants ». « Avant il y avait principalement des bordeaux et des vins de Loire. Aujourd'hui, je passe des coteaux du Languedoc, des minervois, des vins du Sud-Ouest. » Les gens sont-ils prêts à laisser une femme choisir à leur place ? "C'est presque un jeu quand je suis en face d'habitués. Mais je ne vais jamais imposer un vin à un client. Il faut s'adapter à chaque table." Et tout cela dans l'esprit du Bristol. Un souvenir : "J'ai eu l'occasion de dire à un client que j'aimais tout particulièrement le château d'Yquem. C'était un habitué et un jour il est arrivé avec une bouteille de 1976 et il me l'a offerte, simplement pour le plaisir." 1 000 références à la carte. 50/60 000 bouteilles en stock. Au registre champagne : trois cuvées à la coupe, dont un brut, un millésimé qui change tous les mois et un rosé. Il n'est pas rare de servir un Dom Pérignon ou un Cristal de Roederer à la coupe ou encore un Laurent Perrier Grand Siècle rosé.
Parcours : BTS commercial, BTS œnologie. Espace Hérault, Le Fouquet's, Le Madigan, et trois ans au sein du domaine Lafite-Rothschild, en tant que responsable de la grande restauration parisienne avant de créer le poste de chef sommelière au Bristol.
Point de vue : "Est-ce moi qui ai choisi ce métier ou bien est-ce le métier m'a choisie ? Je crois que le coup de foudre a été réciproque. Le vin est pour moi un produit vivant qu'on voit naître, grandir, vieillir, mourir...".
Sa définition du métier de sommelière : "Faire partager à ceux qui viennent dans nos établissements un moment de plaisir gourmand, en leur donnant l'envie de découvrir par des mots simples le vin qu'ils vont boire. Etre, en fait, ce lien fiable qui relie le vin, le producteur et le consommateur."

 

Hélène Clauss,
sommelière en Touraine

On retrouve chez cette jeune femme (25 ans) un constat défendu par des sommelières plus expérimentées qu'elle : "Une sommelière n'est pas une femme au masculin. Il faut savoir conserver sa féminité même si parfois on a tendance a vouloir gommer notre différence." A côté de ça, Hélène confirme qu'il faut montrer plus d'assurance qu'un homme, ne pas bafouiller, ne pas hésiter... "sinon, le client vous prend la carte des mains et c'est fini, vous avez perdu tout crédit". Hélène a devant elle à l'heure actuelle près de 400 références en cave dominées à 70 % par le Val de Loire. Viennent ensuite les bordeaux, très peu de bourgogne et le champagne à la coupe. A la question, comment élaboreriez-vous un menu au champagne ? Sur quels critères vous baseriez-vous, classicisme, originalité ?... celle-ci préfère évoquer les "aspects festifs et exceptionnels" du vin. "Il faut d'ailleurs que le champagne reste un vin de fête." Revenant à la région dont elle est native (Hélène est née sous les auspices du château d'Amboise), c'est avec émotion qu'elle parle du Montlouis sec cuvée Rébus, du domaine de la Taille aux Loups, entre autres vins. Le rapport avec la clientèle ? Une clientèle d'affaire le midi, principalement des touristes en soirée. "Oui, reconnaît-elle, ce métier est vite "contraignant". Il demande "de l'investissement personnel". Mais Hélène ne regrette pas son choix. "Non, certainement pas."
Parcours : parce qu'elle ne sentait pas l'âme universitaire, elle décide de devenir serveuse contre l'avis de ses parents. Extra dans un restaurant pendant l'été, la voici qui découvre le milieu du vin. Avant ses vingt ans, elle n'avait jamais goûté de vin. Après un CAP de restauration et une mention complémentaire de sommellerie, deux ans au Bistrot du Cuisinier à Blois, elle est ensuite engagée au poste de sommelière au Domaine de Beauvois, à Luynes (37).
Sa définition du métier de sommelière : "Etre sommelière c'est avant tout aimer le vin. C'est le comprendre en étudiant son mode de vinification. C'est ensuite le faire partager, le faire connaître."

 

Laurence Ginet,
sommelière à Lyon

"Une femme pourra plus facilement donner ses coups de cœur, je crois aussi qu'on est plus à l'écoute du client qu'un homme." Avec quelque 300 références en cave et une forte majorité de vins du cru (la vallée du Rhône), Laurence, en professionnelle accomplie, évoque sa politique de baisse des prix sur les grands vins. "On vend encore des grands vins mais il faut rester dans des tarifs raisonnables. Il faut aussi animer sa carte".
Pour se faire, Laurence a mis en place des vins du mois. "Ça plaît beaucoup aux habitués et puis ce sont des sélections qui sortent un peu des sentiers battus." Et le champagne dans tout ça ? "C'est la première boisson qu'on déguste avant de passer à table et souvent la dernière aussi. Il faut que le champagne apporte une sensation de fraîcheur sans troubler le palais." Elle ajoute : "C'est la boisson qu'on peut boire à tout moment de la journée, quelles que soient les circonstances." C'est aussi, selon elle, le vin idéal pour détendre l'atmosphère dans un repas d'affaires.
Parcours : BTH Lycée hôtelier de Chamalières, formation complémentaire sommellerie. Restaurant Bouvier, à Villars-les-Dombes, Georges Blanc à Vonnas, le Gallo Romain à Sainte-Colombe puis le restaurant Christian Tetedoie à Lyon.
Sa définition du métier de sommelière : "C'est avant tout de faire partager son amour pour le vin. Il faut savoir, dans un autre esprit, guider le client vers des vins qui sont en accord avec son budget, prodiguer de la satisfaction. La passion du vin mais aussi la qualité du contact humain sont les fondations de notre métier."

 

Claire Santioni,
maître d'hôtel/sommelière à Hyères

Cette pétillante Anglaise travaille depuis 16 ans au restaurant Les Jardins de Bacchus, établissement qu'elle tient avec son époux, chef en cuisine. Quand elle parle de son métier au féminin, elle dit avec cet accent tonique qui ajoute à son dynamisme : "Il faut lever, les voiles, lever les idées reçues. Nous sommes des grandes qui travaillons." Et de citer Mary Ewing ou Selena Sutcliffe, grands noms du vin outre-Manche. Claire, qu'on surnomme la "provanglaise" (traduisez provençale et anglaise) est depuis son arrivée dans le Sud de la France soutenue par de nombreux sommeliers, dont Paul Léonard, actuel président des sommeliers de Marseille-Alpes-Côtes d'Azur. Quant aux réactions de la clientèle, "vous savez, sourit-elle, les Anglais sont réputés pour bien connaître le vin." Très juste. Le vin, pour elle d'ailleurs, est davantage "une passion qu'un métier". "La dégustation, ajoute-t-elle, c'est quelque chose d'intellectuel. Sur le terrain plus pragmatique du prix, celle-ci avoue ne "pas souhaiter stocker". "Mon but est de vendre", insiste-t-elle. A propos du champagne, objet du concours auquel elle participait : "Terre de prestige mais aussi d'évasion, la Champagne a donné naissance à un vin d'exception", procurant les plus grandes satisfactions tout au long du repas "dès lors que l'on sait choisir le cru approprié à chaque plat". Dans ce vin, "je recherche d'abord du caractère, le respect du terroir, un équilibre entre les bulles fines et une bonne acidité. Dans le choix du cépage, je favorise le chardonnay à 35/50 % pour la finesse, le pinot noir et le pinot meunier pour la charpente, en parts égales. Avec un dosage équilibré." Elle aime tout particulièrement les rosés bruts "rosés de saignés, tirés d'un cépage travaillé". Pour finir, à la question, comment envisagez-vous votre avenir ? Réponse de taille. "Faire le master wine" en Angleterre. "Il y a 39 femmes sur les 209 titulaires. Et pas de nouveaux master wine depuis trois ans... alors ?"
Parcours : Des débuts qui n'ont rien à voir avec la restauration et le vin (dessinatrice en joaillerie à Londres, Rome). C'est en 1982, en épousant l'homme de sa vie, un cuisinier de talent, qu'elle découvre vraiment le vin. Mais depuis 1994 : lycée agricole d'Hyères (mets/vin et vinification), membre de l'Union des sommeliers de France, consultante en vin pour la chaîne Forte Grand, etc.
Sa définition du métier de sommelière : "Nous, sommelières, avons véritablement les moyens de donner un nouvel élan à cette profession, en y intégrant la grâce et la féminité. Je suis devenue sommelière avec l'envie de partager ma passion du vin. (...) Un caractère moins tranché et un sourire généreux nous aident parfaitement à offrir entière satisfaction aux convives que nous accueillons. Mais rappelez-vous les premiers sommeliers étaient des femmes !"

 

Céline Viany,
sommelière à l'Oustau de Baumanière

Cette prestigieuse étape provençale a toujours séduit la jeune Céline. Elle y a fait ses débuts en 1993 alors qu'elle sortait de Suze-La-Rousse. A 26 ans, celle-ci est plus admirative que jamais à l'idée de pouvoir approcher une des caves les plus prestigieuses de France. « Il y a cinq à six ans, quand j'ai commencé, ce n'était pas si simple pour une femme. On vous décourageait facilement à l'école ». En 1995, celle-ci s'est d'ailleurs expatriée en Angleterre. « J'y ai appris beaucoup de chose mais surtout il y avait moins cette barrière vignerons/femme vigneronne, sommeliers/femme sommelière. Après un retour dans l'Hexagone, revenir à l'Oustau était presque une consécration. 40 000 bouteilles en cave, 60 000 en cave de vieillissement, 2 500 références à la carte. Et une clientèle étrangère qui attend de déguster des vins mythiques. » Son plus beau souvenir : «Avoir goûté un Pétrus 47. Je m'en souviens comme si c'était hier. »
A propos du champagne : "Mes champagnes préférés sont issus de crus, Camant, Avize." Avec un net penchant pour les blancs de blancs "si fins en arômes, mais d'une belle structure". En revanche, "je n'aime pas les champagnes au nez oxydé ou surdosés. Je suis difficile sur les champagnes. Ce n'est pas si facile de trouver un champagne net, fin et parfaitement équilibré".
Parcours : BEP et BAC professionnel en restauration, sommellerie à l'Université du vin. Principales adresses : Oustau de Baumanière, The Waterside Inn (Relais et Châteaux en Angleterre), puis le Canada, Courchevel, Lourmarin et de nouveau l'Oustau de Baumanière depuis octobre 1997.
Sa définition du métier de sommelière : "C'est savoir recommander un vin en accord avec un menu ou un plat, savoir vendre ce qu'on aime aux clients aussi. Leur faire découvrir des vins moins connus et faire apprécier aux amateurs le vin en général ."


L'HÔTELLERIE n° 2590 Magazine 3 Décembre 1998

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