Le bruit, c'est quoi ? Selon Le Petit Robert, c'est
« ce qui, dans ce qui est perçu par l'ouïe, n'est pas senti comme son musical. »
Nous sommes donc dans le « non harmonique ». Pour les riverains de la rue
Là-bas, le bruit englobe non seulement les errements acoustiques mais également les
trio, quatuor, quintette, sextuor, septuor et autre octuor, dès lors qu'ils sabordent la
parfaite audition du sitcom quatre fois quotidien grâce au câble et au satellite.
L'époque des limonaires est révolue, c'est vrai. N'empêche que râler parce qu'un
artiste vient gratter la chansonnette en terrasse ou en salle finit, aujourd'hui, par
tourner au racisme auditif. Au moindre ut majeur, c'est quasiment le 17 assuré.
A côté de ce réflexe proche de la parano, nos riverains ne supportent pas non plus les
rires de leur progéniture. Et ne croyez pas que ce constat soit un raccourci. Les
plaignants actuels ne sont pas forcément de sympathiques octogénaires. Une grande partie
a tout juste passé la quarantaine. A Paris, beaucoup se sont essayés au lancement de
pavés en 1968. Ils étaient pour la soi-disant liberté et contre les dogmes fondamentaux
de la vieille éducation. Leurs gamins qui claquent des portières, jettent
des canettes sur le trottoir et n'ont rien à faire de l'ancêtre qu'on bouscule sur un
quai de gare, c'est bien eux qui les ont fabriqués ? Oui ou non ?
Il y a aussi, en fin de chapitre, cette notion de vouloir le beurre et l'argent du beurre.
Il faut faire vivre les centre-villes, sauver les petits commerces, ne plus jamais
construire des cités-dortoirs, donner envie aux touristes de dépenser leurs sous,
renouer avec la fête... Le tout patins chaussés, bien sûr. A voix basse, naturellement.
Parce que l'hémoglobine et les drames virtuels du petit écran, ça doit s'écouter
couler dans le calme. Que même le chant du coq ça dérange...
L'HÔTELLERIE n° 2586 Magazine 05 Novembre 1998