Vous exploitez votre brasserie en entreprise individuelle depuis quelques années et la licence IV est à votre nom. Votre conseiller vous propose un montage juridique. Vous créez une SARL constituée à 50/50 entre vous-même et votre épouse. Puis vous donnez votre fonds en location-gérance à la SARL. Si vous n'avez plus le même statut juridique, c'est pourtant bien la même personne qui continue à exploiter la licence IV. Faut-il effectuer une déclaration de mutation alors que la personne ne change pas ?
Conformément à l'article 32 du Code des débits de boissons, le changement du propriétaire ou du gérant d'un débit de boissons doit faire l'objet d'une déclaration de mutation quinze jours à l'avance. A première vue, on pourrait penser que cette déclaration n'est pas nécessaire dans la mesure où c'est toujours la même personne physique qui exploite la licence. Cependant, votre statut a changé. D'exploitant individuel vous êtes passé au statut de gérant dont la responsabilité est limitée. Ce genre de montage juridique est fréquent en pratique et il a donné lieu à une réponse de l'administration quant à l'application de l'article 32 du Code des débits de boissons. Le problème se posait alors avec les chambres de commerce qui refusaient d'immatriculer la SARL si elle n'avait pas effectué auparavant la déclaration de mutation. L'administration estime qu'il est nécessaire de procéder à cette déclaration, car le changement de statut de l'exploitant modifie ses obligations envers le fonds de commerce et les tiers. Nous vous reproduisons cette réponse ministérielle du garde des Sceaux et ministre de la Justice à Jacques Godfrain, en date du 9 juin 1986.
Toute société créée pour prendre en location-gérance un fonds de commerce est
immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS), cette immatriculation
étant la condition d'acquisition de la personnalité morale. L'inscription doit
mentionner la modification du régime juridique sous lequel le fonds de commerce est
exploité en application de l'article 8. B. 5° du décret n° 84-406 du 30 mai 1984
relatif au Registre du commerce et des sociétés. Le contrat de location-gérance
entraîne une telle modification puisqu'il y a séparation de la propriété et de
l'exploitation et que le gérant libre est un locataire qui exploite le fonds pour son
compte moyennant le paiement d'une redevance. Pour les mêmes raisons, il opère une
mutation dans la personne du gérant au sens de l'article L.32 du Code des débits de
boissons.
Dans l'hypothèse envisagée par l'auteur de la question, l'EURL devient le
locataire-gérant du fonds de commerce et est substituée à l'ancien exploitant. Celui-ci
devenu gérant de cette société même s'il en est l'associé unique, n'est désormais
que le représentant légal de la société. Admettre une solution différente conduirait
à nier la personnalité morale de cette nouvelle entité juridique et à faire une
confusion entre le loueur du fonds et le locataire-gérant soumis à des obligations
distinctes par le contrat qu'ils ont librement conclu.
C'est donc à bon droit que les greffiers des tribunaux de commerce n'immatriculent la
société ainsi constituée que quinze jours après la souscription de la déclaration de
mutation prévue à l'article L.32 du Code des débits de boissons. La déclaration de
mutation et l'inscription au registre du commerce et des sociétés concourent à la
connaissance exacte des exploitants du fonds et des conditions de cette exploitation qui
ont des répercussions sur l'étendue du gage des créanciers.
A partir du moment où vous changez de statut, vous devez non seulement penser à faire la déclaration de mutation, mais en plus vous êtes soumis à des droits de timbre.
Vous êtes nombreux à vous interroger sur le devenir de votre bail. Fréquemment revient une rumeur qui a la vie dure : une réglementation européenne va bientôt entrer en application pour faire disparaître le régime protecteur des baux commerciaux afin de l'aligner sur celui des autres pays européens. Cela n'a aucune raison d'être pour l'instant. Explications.
Le statut des baux commerciaux en France a été établi pour protéger le commerçant, l'industriel ou l'artisan qui exploite son affaire dans des locaux dont il est simplement locataire. Il repose sur l'idée que la conservation de la clientèle dépend directement de la permanence de l'installation matérielle. Celui qui souhaite réaliser des investissements importants doit être assuré de pouvoir rester dans les lieux sans que sa situation soit remise en cause à chaque échéance.
Le statut des baux commerciaux aménage une protection spécifique du locataire et
prévoit un certain nombre de garanties :
* le bail a une durée minimale de neuf ans ;
* l'augmentation des loyers lors des révisions et du renouvellement est en principe
limitée ;
* le droit au bail peut être cédé avec le fonds de commerce sans que le propriétaire
puisse s'y opposer ;
* le locataire a le droit d'étendre son activité pour s'adapter aux besoins du marché ;
* le locataire a droit au renouvellement du bail ou au versement d'une indemnité
d'éviction.
Le statut des baux commerciaux s'appuie sur la notion de fonds de commerce, selon
laquelle le patrimoine du commerçant est représenté tant par la clientèle qu'il crée
et développe que par le droit d'occuper un local dont il n'est que locataire.
La situation est différente dans les autres pays européens, mais ceux-ci disposent
malgré tout de certaines protections. Les Allemands n'ont pas de statut spécifique pour
les baux commerciaux, ils appliquent le droit commun. Les relations entre propriétaire et
locataire sont déterminées par le contrat. Les Anglais bénéficient d'un droit au
renouvellement. L'Italie ne reconnaît le statut de la propriété commerciale qu'aux
commerçants en contact direct avec le public.
Le traité de Rome n'impose l'uniformisation ou l'harmonisation de la législation que si
elle est indispensable à la réalisation de la construction européenne. La notion de
propriété commerciale n'est pas contraire avec le principe européen de la liberté
d'établissement, et n'entrave pas l'autre principe de libre circulation des marchandises
et des prestations de services.
Quant à la législation française, il ne semble pas, à notre connaissance, que la
réforme des baux commerciaux soit à l'ordre du jour.
Réponse ministérielleFaciliter la transmission des débits de tabac à la familleJean Proriol attire l'attention de M. le ministre de l'Economie sur les conditions de transmission du droit de gérance d'un débit de tabac. Il rappelle que l'instruction n° 6161 du 30 janvier 1997 de la Direction générale des douanes et des contributions indirectes prévoit qu'au décès du gérant, seuls son conjoint ou les héritiers en ligne directe au premier degré peuvent poursuivre la gérance du tabac. Si le conjoint ou les héritiers en ligne directe ne poursuivent pas l'exploitation, ils ont la possibilité de présenter l'acheteur du fonds de commerce en tant que successeur de la gérance. Un traité de gérance doit être établi avec l'acheteur. En revanche, si l'épouse ou les enfants du débitant décédé ne poursuivent pas la gérance, les autres membres de la famille ne peuvent bénéficier de ce système. Ils doivent alors se porter acquéreurs du débit de tabac comme tout un chacun, c'est-à-dire par voie d'adjudication. Jean Proriol demande donc si le gouvernement est prêt à envisager une réforme pour assouplir la réglementation afin de permettre aux héritiers en ligne indirecte de reprendre rapidement le commerce. Réponse : L'article 565 du Code général des impôts dispose que « la vente au détail
des tabacs manufacturés est réservée à l'Etat ». La vente des tabacs s'effectue
ainsi sous le régime du monopole, dans le cadre duquel l'Etat confie aux débitants, en
leur qualité de préposés de l'administration, la gérance d'un comptoir de vente sur un
emplacement et pour une durée déterminés. La gérance d'un débit de tabac nouvellement
créé par l'administration ou dont la gérance est restée vacante doit être
réattribuée par voie d'adjudication. |
L'HÔTELLERIE n° 2586 Magazine 05 Novembre 1998