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Collonges au Mont-d'Or

Yann Eon tire sa révérence

Sommelier chez Paul Bocuse depuis 14 ans, Yann Eon a choisi de vivre jusqu'au bout sa passion du vin en abandonnant la restauration pour suivre des études !

Par Jean-François Mesplède

La lettre est assez laconique. Yann Eon informe ses amis, ses clients, ses fournisseurs qu'il a décidé de "quitter la maison Bocuse pour s'orienter vers de nouveaux horizons".
Dans le petit monde de la restauration, même si elle n'a pas atteint les sommets du feuilleton Lewinski-Clinton, l'affaire à fait grand bruit. Le porteur des moustaches les plus célèbres de la sommellerie française (1) quittait le navire en pleine gloire !
"J'ai envie d'aller au bout de mes idées et cela passe par une formation en viticulture et œnologie à Mâcon", justifie cet homme de 37 ans, entré dans le monde de la cuisine par amour du vin et qui a pu vivre pleinement sa passion depuis une vingtaine d'années.
Son parcours ? La Mère Poulard au Mont-Saint-Michel où l'on cherchait cet "homme toutes mains" qu'il fut durant la saison 80, tour à tour bagagiste, réceptionniste, batteur d'omelettes et aide-caviste. Font-Romeu ensuite après un passage au CFTH de Chambéry pour une première approche du métier et du vin. Puis le Juana de 1983 à 1984, auprès d'Alain Ducasse alors en pleine ascension. Paul Bocuse enfin, rencontré à la fin de saison 84 et chez qui il est entré le 5 novembre de la même année.
"A l'époque, il n'y avait jamais eu de sommelier dans la maison. J'arrivais dans une région où il fallait faire ses preuves et dans un restaurant où il ne fallait pas brusquer certaines habitudes. A 23 ans, j'étais très fier de prendre un poste avec une telle responsabilité et je dois admettre que Paul Bocuse m'a totalement fait confiance."

Son travail ? Revoir certaines références de la carte et surtout augmenter la variété en axant le travail sur les Côtes du Rhône et la Bourgogne toutes proches...
"La politique a toujours été de réduire les quantités et d'augmenter la diversité. En 1984 nous avions 25.000 bouteilles pour 300 références. Aujourd'hui il y a toujours 25.000 bouteilles mais avec 750 références. Nous avons toujours eu une gestion très serrée : en début d'année et jusqu'au mois de juin, j'entrais beaucoup de vin, mais ensuite je gérais les stocks", explique-t-il.
Ainsi a-t-il terminé 97 avec 16.000 bouteilles, après en avoir vendu quelque 20.000 dans l'année. "Nous avons des vins de 90 à 45.000 francs, mais la vente moyenne se situe entre 330 et 350 francs. Les clients me font très souvent une confiance aveugle pour le choix, ce qui suppose de la vigilance avec une étude psychologique très rapide pour savoir à qui j'ai affaire et ce que je peux leur vendre. Je mise toujours sur un bon rapport qualité/prix en essayant de faire découvrir une appellation méconnue."

En quelques mots, Yann Eon a défini son rôle dont la finalité tient en un mot : la confiance !
"Le sommelier doit apporter convivialité, générosité et sourire. Si l'on a la mine triste, on ne donne pas envie de boire du vin. On vit une passion, il faut savoir la faire partager. Je goûtais systématiquement tous les vins servis et si j'avais le moindre doute, la bouteille était immédiatement évincée et remplacée", dit-il encore.
Demain, il n'aura plus que les souvenirs d'une maison où il a fait son dernier service le 8 août dernier. Désormais c'est son "fidèle collaborateur" John Euvrard qui assure le relais (2).
"Pour aller au bout de ma passion je fais cette formation à Davayé, à trois kilomètres de Fuissé. J'ai donc pris un Congé Individuel de Formation (CIF) et j'appartiens toujours à la maison Bocuse."
Après huit mois d'études, il pourrait obtenir un Brevet Professionnel qui lui permettra, à terme, de reprendre une exploitation agricole.
"C'est peut-être un peu osé de partir ainsi, mais à 37 ans on peut se permettre de se remettre en question. J'ai un caractère de battant et je veux en savoir plus" conclut ce père de famille (Erwann 7 ans et Annaëlle 3 ans) en affirmant que "le jeu en vaut la chandelle."


La moustache est portée chez les Eon, fiers bretons de Larlenas dans les Côtes d'Armor, depuis cinq générations. Et l'offre de 10.000 dollars proposée par un Américain qui voulait acheter cet attribut pileux est resté sans suite.


L'HÔTELLERIE n° 2581 Magazine 1er Octobre 1998

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