Le bonheur des uns fait toujours le malheur des
autres. Tandis que les professionnels du tourisme breton s'impatientaient en juillet
dernier devant l'arrivée tardive des vacanciers : "Anne, ma soeur Anne, ne
vois-tu rien venir ?" La Côte d'Azur, elle, refusait du monde. Il fut ainsi
très difficile au cours de l'été, par exemple, de dénicher une fameuse et
traditionnelle chaise bleue libre sur la Promenade des Anglais. Bravant la chaleur
caniculaire avec pour seules armes casquettes en coton et huile à bronzer, des milliers
de touristes n'ont pas su en effet résister à l'attrait de la Baie des Anges. Et encore
moins au charme de ce pays niçois où comme le disait si bien Matisse, "la
lumière joue le premier rôle, la couleur vient après."
Si à première vue, cette situation déplaît parfois aux marcheurs en herbe, ceux
parcourant notamment le front de mer de la station touristique (sept kilomètres à pieds,
ça use effectivement les souliers !), elle ravit évidemment en revanche l'ensemble des
hôteliers de la ville de Nice. Car, bien que la capitale de la Côte d'Azur jouisse
désormais d'une activité plurisaisonnière, quand la Promenade déborde durant la saison
estivale, les établissements affichent complet. Les chiffres sont d'ailleurs
significatifs en la matière et qui plus est en progression constante depuis peu.
Selon le baromètre établi par le Syndicat des hôteliers niçois, le taux d'occupation
moyen est ainsi passé en juin 1998 de 80,8% à 84,8%. Toutes les catégories profitant de
cette hausse : 84,19% pour les unités de luxe (quatre étoiles et luxe), 88,05% pour les
hôtels dits de "Prestige" (quatre et trois étoiles), 86,34% pour ceux
appartenant à la famille du "Supérieur" (trois étoiles) et 82,14% pour la
catégorie "Confort" (une et deux étoiles).
Pain noir
Mais, mieux encore ! Les prix moyens chambre (P.M.C.) ont aux aussi suivi un mouvement
similaire franchissant le seuil des 615 francs T.T.C. contre 535 francs un an plus tôt.
Même tendance observée pendant le mois de juillet au cours duquel les établissements
haut de gamme ont vu leur fréquentation se stabiliser à 83,7% avec un P.M.C. en hausse
de 15% (807 francs). Les hôtels "Prestige", pour leur part, atteignant les
85,8% d'occupation. Le tout accompagné d'une augmentation de 16% du P.M.C. à 488 francs.
Les "Supérieur" se sont stabilisés à 83,16% (P.M.C : 425 francs) et les
"Confort" à 89,43% (P.M.C. : 313 francs). Quant à août, d'après certains
hôteliers comme Gilbert Amar par exemple, propriétaire du Brice et responsable du
groupement des "Hôtels de la Méditerranée", "c'est indiscutablement
un mois exceptionnel."
Sous le soleil exactement, la reprise semble donc bel et bien enfin s'être installée du
côté de la ville, qui après Paris, compte le plus grand nombre de musées. Et c'est
tant mieux ! Sachant d'une part que 40% des actifs de Nice doivent leur emploi au
tourisme. Et que d'autre part, les professionnels du secteur ont véritablement mangé
leur pain noir depuis le début des années 1990. "La crise a effectivement
touché l'hôtellerie niçoise que l'on imaginait, à tort, à l'abri en plein coeur d'une
région touristique", confie Jean-Paul Cordero, président du Syndicat des
hôteliers niçois et également directeur du Plaza Concorde. Et d'ajouter, "ce
sont les effets conjoints de différents facteurs conjoncturels et structurels qui ont
fait plonger la destination."
Bénie des Dieux certes. Idéalement située, dans un lieu dont la beauté naturelle n'est
plus à prouver, offrant en outre une diversité de prestations hôtelières à l'inverse
de ses concurrents (il n'y a pas ici en effet de mono-produit puisque sur 268
établissements recensés, on dénombre 20 quatre étoiles, 55 trois étoiles, 81 deux
étoiles, 26 une étoile, 6 zéro étoiles, 11 hôtels non homologués et 69 meublés,
plus une centaine de meublés non référencés par l'O.T. Source : syndicat), la cité de
celui que Napoléon surnommait "l'Enfant chéri de la Victoire" (André
Masséna, duc de Rivoli) a de fait eu ces derniers temps son lot de difficultés.
Aveuglés par les incitations fiscales
Pour commencer, bien qu'elle soit toujours parvenue à mieux tirer son épingle du jeu
comparativement à d'autres destinations, Nice n'a hélas pas été épargnée par la
récession économique planétaire. Or, lorsque l'on connaît le poids prépondérant de
la clientèle étrangère dans l'hôtellerie niçoise (64,33% en moyenne l'an passé
contre 35,67% pour les Français. Sources : CRT/INSEE), on comprend tout de suite mieux
pourquoi certains établissements ont été fatalement conduits à mettre la clef sous la
porte. "Depuis 1991, Nice a dû enregistrer une bonne vingtaine de dépôts de
bilan", estime le directeur du syndicat.
Il faut par ailleurs souligner l'érosion naturelle de la destination, concurrencée par
des pays émergents moins coûteux (Tunisie, Maroc...), dotés en outre meilleure
qualité. "Au début des années 1990, tout le monde était déjà venu au moins
une fois sur la Côte d'Azur. Et puis beaucoup de nos hôtels n'avaient pas entrepris de
travaux de rénovation. Résultat : le rapport qualité/prix avait pris sérieusement du
plomb dans l'aile", précise Jean-Paul Cordero.
Sans oublier bien sûr la bête noire de l'industrie hôtelière française des années
1990 : la surcapacité. A ce propos d'ail-leurs, on se souvient encore des déclarations
de Jacques Malapert en 1993 (alors responsable de l'organisme syndical niçois) à
l'attention du ministre de l'Equipement, des Transports et du Tourisme, Bernard Bosson,
qui montrait du doigt la défiscalisation comme étant à l'origine de la surcapacité des
infrastructures hôtelières. "L'arrivée massive de promoteurs et financiers
aveuglés par les incitations fiscales a détourné la profession de son objectif final.
On a finalement construit à Nice les hôtels dont on n'avait pas besoin, mais on n'a
toujours pas construit ceux dont on a besoin", tançait l'intéressé.
Il faut reconnaître qu'à cette époque, il y avait de quoi être en effet inquiet.
D'autant qu'en l'espace de cinq ans, le parc hôtelier azuréen avait augmenté de plus de
40% tandis que la croissance moyenne n'avait pas dépassé les 22% dans les autres
régions au cours des sept années précédentes. "Nissa la Bella" ayant été
particulièrement bien servie en la matière avec l'ouverture d'un nombre important
d'unités essentiellement sous des en-seignes de chaînes intégrées.
Un million de touristes étrangers en 1997
Ajoutons à cela qu'un parc imposant de résidences hôtelières s'était également
développé en parallèle (au nombre de 12 soit 2.265 lits en 1997). Autant d'éléments
qui firent sensiblement plonger l'activité de l'hôtellerie niçoise. A tel point
d'ailleurs que de 68,6% en 1989, la fréquentation tomba à 55,4% en 1992 jusqu'à ne pas
dépasser les 51,4% en 1993. "La multiplication des implantations hôtelières
associées au marasme économique a fait sortir certains établissements de leur marché
naturel. Et conséquence directe de cette nouvelle donne, les tarifs ont eux aussi pris
une pente descendante", explique Anne-marie Quaranta, directrice du Mercure
Masséna. A noter d'ailleurs qu'après une chute sévère de plusieurs dizaines de francs,
les prix moyens chambre actuels ont à peine retrouver leur niveau de 1989/90.
Alors bien sûr, devant un tel tableau noir, on se demande encore comment l'hôtellerie
niçoise est parvenue à voir le bout du tunnel et à réaliser un taux d'occupation de
plus de 64% l'année dernière en accueillant à nouveau plus d'un million de touristes
étrangers (soit + 8,03% par rapport à 1996). Cela ne tient bien entendu pas au hasard !
Et encore moins uniquement aux conditions climatiques. L'amélioration de la conjoncture
économique internationale n'y est certes pas non plus étrangère. Tout comme la
régulation du marché hôtelier. "Depuis 1994, l'offre globale s'est en effet
stabilisée. A l'exception du Première Classe et de la réhabilitation d'un hôtel en un
Mister Bed, il n'y a pas eu d'autres ouvertures récentes", souligne Philippe Le
Ven, responsable du GNC Alpes-Maritimes.
Aéroport Nice-Côte d'Azur : une ouverture sur le monde
Reste que d'autres facteurs contribuent ou ont contribué à "booster"
l'hôtellerie de la ville aux célèbres et non moins délicieux fruits confits. A son
avantage tout d'abord, Nice a su ne pas se contenter uniquement du rôle d'une simple
station balnéaire. "C'est là une de nos spécificités qui nous permet de ne pas
mettre tous nos oeufs dans le même panier", précise Jean-Paul Cordero. Si le
tourisme de villégiature pur fait certes vivre cette mégapôle régionale durant
plusieurs mois de l'année, c'est aussi en effet une ville d'affaires au sens propre du
terme. A ce titre d'ailleurs, elle bénéficie d'un outil indispensable aux échanges
nationaux et internationaux : l'aéroport Nice-Côte d'Azur (plus de 7 millions de
passagers transportés en 1997). Avec ses 86 destinations dans 26 pays différents (y
compris la France), cet aéroport offre aux hôteliers niçois une formidable ouverture
sur le monde. Sur ce dernier point, selon les estimations provisoires arrêtées à fin
juillet 1998, la part de la clientèle étrangère aurait encore progressé de plus de 20%
dans le trafic aérien. "On accueille ici désormais le monde entier !
Heureusement pour nous d'ailleurs car la part de nos compatriotes ne cesse, elle, de
diminuer", avoue Germaine Dufaure de Cistres, propriétaire de l'Hôtel Durante
et présidente de la Commission tourisme à la Chambre régionale de commerce et
d'industrie.
En fait, il n'est guère utile sur la Promenade des Anglais de recourir à la méthode
Assimil. Italiens (349.233 nuitées hôtelières en 1997), Américains (317.124),
Britanniques (256.890), Japonais (126.513), Amérique du Sud (75.976)... la planète toute
entière déambule aux pieds de la Grande Bleue. Y compris les Russes qui font la tournée
des grands ducs et se plaisent à visiter les témoignages de leur passé sur la Côte
d'Azur en découvrant la superbe église orthodoxe de Nice.
"Sans Acropolis, on meurt !"
Autre élément indispensable à la bonne marche des professionnels du tourisme niçois : le palais des congrès Acropolis. "C'est un poumon d'oxygène qui nous permet de travailler toute l'année ! Pour le Plaza Concorde par exemple, quand nous réalisons de bonnes performances la clientèle congrès représente jusqu'à 12%. En revanche, si nous n'en hébergeons que 6%, nous faisons une mauvaise année", admet le directeur de l'établissement. Et d'ajouter, "sans Acropolis, on meurt." Dans certains cas, la part des congressistes peut atteindre entre 20% voire 30% de la clientèle hôtelière. Avec 112 manifestations en 1997, 403.523 visiteurs accueillis, un nombre de journées congressistes frôlant les 248.000 et des retombées économiques globales estimées à 522 millions de francs, Nice-Acropolis est donc indiscutablement un poids lourd de l'économie touristique niçoise. D'autant que cette clientèle dépense plus d'une manière générale : 1.600 francs/jour pour les étrangers et 1.300 francs/jour pour les Français. Et qu'en outre, d'une activité généraliste au départ, le palais a pris une vocation scientifique et médicalisée, plutôt porteuse.
En dépit de ces formidables outils extérieurs, il n'en reste pas moins vrai cependant, que les hôteliers niçois ont également renoué avec la croissance grâce à un profond travail sur eux-mêmes. "En période de crise, on a toujours tendance à accuser les autres. A Nice néanmoins, les professionnels ont véritablement entrepris une analyse introspective mettant à plat leurs atouts et leurs faiblesses", Philippe Ruesch, responsable de l'hôtel Beau Rivage.
265 millions de francs
d'investissements en cinq ans
Face au vieillissement incontestable de certains produits, les patrons d'entreprise ont
donc dans un premier temps décidé de mettre la main au portefeuille. Et ils n'ont pas
lésiné dans ce domaine malgré des années difficiles pour leurs bilans. Selon une
enquête récemment menée par le Syndicat des hôteliers niçois auprès de leurs
adhérents, près de 90 millions de francs ont été investis entre 1995 et 1997 en
travaux de rénovation. Plus de 85 millions ont été également dépensés cette année.
Sans compter que sur 1999 et 2000, les professionnels envisagent d'ores et déjà de
remettre encore au pot des sommes du même ordre.
Ce qui signifie qu'en cinq ans, les hôtels quatre étoiles auront déboursé 130
millions, 80 millions pour les 50 hôtels trois étoiles et 55 millions pour les deux
étoiles, soit une enveloppe globale de 265 millions. Des montants sacrément rondelets
pour se remettre au goût du jour et surtout créer de nouveaux éléments de confort,
d'accueil et de services pour mieux répondre aux exigences d'une clientèle en
perpétuelle mutation. "Si nous ne voulons pas perdre nos clients, nous devons
aujourd'hui insonoriser nos établissements, les climatiser, offrir des prestations de bon
niveau, parler différentes langues étrangères...", note Germaine Dufaure de
Cistres. Et d'ajouter, "une démarche Qualité, menée par Chambre régionale de
commerce et suivie d'une formation appropriée, a d'ailleurs permis à certains d'entre
nous de détecter ses points faibles et d'y remédier."
Parallèlement, les hôteliers de la bonne ville de Nice ont très largement aussi
planché sur la mise en place de nouveaux produits marketing (proposition de séjours
thématiques notamment) oubliant définitivement les demi-pensions et autres forfaits de
ce style.
L'union fait la force
En terme de commercialisation, sous l'impulsion du syndicat dont c'est l'un des cheval
de bataille, la profession a par ailleurs changé ses méthodes de travail en procédant
notamment à de nombreux regroupements. Une douzaine d'associations ont vu ainsi le jour
à Nice ces derniers temps tant sur les créneaux haut de gamme qu'auprès des catégories
inférieures.
"Notre groupement fonctionne de manière informelle, c'est-à-dire que nous ne
formons pas une véritable entité juridique. Cependant, le fait de travailler ensemble,
même si nous sommes concurrents, a permis de redorer le blason de Nice et de tenir un
discours novateur à l'égard de nos prescripteurs", raconte Anne-Marie Quaranta,
membre du groupe des hôtels de la Place Masséna (représentant 1.000 chambres en quatre
étoiles). Et de préciser, "avant de songer uniquement à nos propres intérêts,
notre idée consiste à vendre Nice ! En nous réunissant, nous garantissons un
interlocuteur unique à nos clients potentiels ainsi que des réponses plus rapides et des
tarifs plus homogènes. Sans compter que nous mettons les sous sur la table pour
commercialiser avant tout la destination en finançant diverses opérations (agences de
voyages sur Paris, tourisme d'affaires à Milan en 1997 et Londres en juin 1998)."
Démarche analogue pour les "Hôtels de la Méditerranée", fondé en 1998, qui
rassemble actuellement 10 hôtels (dont 9 trois étoiles et 1 quatre étoiles), soit une
capacité de 600 chambres. "L'union fait toujours la force ! A dix, nous avons
plus de poids pour répondre aux demandes éventuelles d'organisateurs de congrès et nous
offrons également un interlocuteur unique", remarque Gilbert Amar. Qui n'oublie
pas de compléter ses propos en expliquant que l'association permet de réaliser une
documentation commune, de se renvoyer la balle réciproquement quand un des
établissements fait le plein et de mener si besoin des actions commerciales communes.
L'ambition du Syndicat hôtelier consistant désormais à faire rentrer tous ces
regroupements dans les réseaux internationaux.
Lune de miel avec l'Office de tourisme
Un état d'esprit bien différent de celui qui prônait autrefois la devise suivante : "tous
pour un et Dieu pour tous". La crise, ça a donc parfois du bon. A tel point
d'ailleurs maintenant que les hôteliers niçois vont même jusqu'à vivre, selon les
dires de Jean-Paul Cordero, une véritable "lune de miel" avec l'Office de
tourisme. Les professionnels sont en effet unanimes lorsqu'il s'agit de rendre hommage au
travail entrepris par cet organisme. "Nous, les hôteliers, ont l'habitude de se
prendre pour les grands génies de la terre ! Et pourtant, ce n'est nullement le cas. Sans
l'Office du Tourisme, notre situation serait bien différente. Ils font en effet un boulot
remarquable", confesse Philippe Ruesch.
Et côté Office de tourisme, on ne manque pas non plus de souligner les bonnes volontés
des hôteliers de Nice. "Il règne entre nous une ambiance comme jamais il n'a
existé auparavant", constate Jacqueline Piétri, directeur général de
l'organisme. Et d'ajouter, "les hôteliers participent à toutes nos démarches de
promotion. Il y a aujourd'hui une écoute exceptionnelle des professionnels à l'ensemble
de nos projets. Rendez-vous compte, nous avons déjà connaissance aujourd'hui de leurs
prix pour 1999." Mais, il faut bien admettre que les efforts en terme de
promotion menés par l'Office du tourisme, dont le budget s'élève aux environs de 80
millions de francs, ne manquent pas à l'appel.
Plus de 265 opérations ont ainsi été conduites en 1997 avec un nombre important
d'actions promotionnelles en direction de l'Italie, des pays d'Europe de l'Est, des
Etats-Unis et du Japon. Sans compter que l'Office du tourisme, qui assure dorénavant
l'organisation du Carnaval, lui a redonné un sérieux coup de pouce (800.000 visiteurs en
1998).
Carnaval
"Sans l'apport de clientèle générée par cette manifestation, certains
petits hôtels familiaux seraient, rappelons-le, contraints de tirer le rideau de
fer", martèle le président du Syndicat des hôteliers niçois. Ajoutons à cela
que le bureau dirigé par Jacqueline Piétri s'échine à multiplier les événements
culturels ou sportifs tout au long de l'année pour que chacun parvienne à mieux tirer
son épingle du jeu. Un festival de musique militaire a été ainsi dernièrement mis sur
pied ainsi qu'un Village de Noël durant les fêtes de fin d'année. Sans oublier
l'opération baptisée "Nice, un été en or".
En réalité, il est inutile de chercher midi à quatorze heures pour expliquer les
raisons de l'entente cordiale qui existe pour l'heure entre l'Office du tourisme et les
professionnels de l'hôtellerie niçoise. Chacune des deux parties concernées aime tout
simplement avec force sa ville et entend en défendre les intérêts. "Cette cité
mérite une place de choix !", lance Jacqueline Piétri avec une passion non
dissimulée. "La Nissa Bella" ne saurait effectivement se cantonner à la Baie
des Anges et ses galets, ni même à cette Promenade des Anglais aux allures de
périphérique parisien et encore moins aux affaires politiques qui entachent parfois la
réputation de la cité. "Il y a tant de choses merveilleuses encore méconnues du
grand public. Comment en effet ne pas succomber à la richesse et à la variété de
styles architecturaux de la vieille ville ? Comment ne pas tomber en outre sous le charme
de ces petites maisons ocre et rouge qui parent le vieux Nice", s'interrogent bon
nombre de patrons d'hôtel.
Une force de proposition
En prenant apparemment seuls les choses en mains. "Sous prétexte qu'ils sont
élus, les hommes politiques croient tout savoir sur tout. Il n'ont pourtant pas la
science infuse que je sache... Nous, gens du tourisme, nous sommes plutôt bien placés
pour savoir ce que recherchent nos clients, non ? Il va falloir maintenant que les choses
bougent, car sinon nous allons crever !", ne manque pas de souligner Jeanne
Augier, la propriétaire du célèbre Negresco.
Il semble en effet, malgré le soutien financier irréfutable de la municipalité au
Palais des congrès et à l'Office du tourisme, que les hôteliers ne puissent compter que
sur eux-mêmes pour construire leur avenir. Aucun projet touristique d'envergure n'étant
à ce jour envisagé pour Nice à l'aube de l'an 2000. Certes, on parle d'étendre les
infrastructures portuaires du port niçois afin qu'il puisse recevoir des paquebots de
grande capacité (plus de 170 mètres).
Reste que ni les collectivités locales, ni l'Etat, n'ont jusqu'alors la ferme intention
de cracher au bassinet.
Quant au réaménagement de la Promenade des Anglais, qui devient, d'une part, à
certaines heures, véritablement irrespirable voire même impraticable (le sport national
consistant ici à se garer en double file) et qui, d'autre part, ne cesse de perdre son
"aura" par manque d'animation (refus récent du projet de musée à ciel
ouvert), il paraît se perdre dans les méandres des intérêts politiques. Sans oublier
le fameux dossier du Palais de la Méditerranée dont on peut se demander s'il aboutira un
jour ou l'autre.
Dans de telles conditions, les professionnels se sont donc récemment pris par la main
afin de constituer une force de proposition face aux instances dirigeantes de la cité.
Une commission baptisée "Avenir touristique de Nice" a ainsi été tout
récemment créée au sein du Syndicat des hôteliers. Confié à Michel Stalport,
directeur de l'hôtel Radisson SAS, cet organe a bien entendu des objectifs économiques
comme celui notamment d'assurer un trafic suffisant en chambres d'hôtel sur les 12 mois
de l'année. Mais, la commission n'entend pas s'arrêter en si bon chemin. "Nous
allons également chercher à proposer un programme qui permette à la ville d'être
perçu comme dynamique, créative et où il fait bon revenir", explique Michel
Stalport. C'est bien au moment où la conjoncture s'améliore que les professionnels
doivent décupler leurs efforts pour conserver leur avance. Il faut dire qu'à la moindre
erreur, Cannes et Monaco attendent Nice au coin du bois... Rien n'est en effet jamais
définitivement acquis. Les hôteliers semblent enfin l'avoir compris.
Office de Tourisme et hôteliers travaillent main dans la main pour animer la ville
(Nice un été en or).
Jean-Paul Cordero, président du Syndicat des hôteliers de Nice : "Nice retrouve le sourire ! Nous devons néanmoins rester
vigilants et poursuivre nos efforts notamment en matière de commercialisation et de
rénovation. Rien n'est jamais définitivement acquis."
Les hôtels de la capitale de la Côte d'Azur ont investi des millions de francs
pour adapter leurs produits aux besoins de la clientèle.
Investissements des hôtels niçois
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La Promenade des Anglais attire le monde entier.
LMichel Stalport, directeur de l'hôtel Radisson SAS, ainsi vu confier récemment
par le Syndicat des hôteliers une mission de réflexion quant à l'avenir touristique de
Nice.
L'HÔTELLERIE n° 2578 Magazine 10 Septembre 1998