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Relancer de grandes maisons

Des grandes maisons, après leur heure de gloire, ont rencontré des difficultés et ont plongé dans l'oubli, l'indifférence ou la banalité. Il n'est pas facile alors de les relancer, de les remettre sur le devant de la scène. Certains, pourtant, relèvent le défi.

Par Pierre Boyer

En arrivant derrière les fourneaux de l'Hôtel Paris-Jacquemart à Moulins, en octobre dernier, Pascal Chaupitre n'a pas caché son but. Il vise une étoile au Michelin, avec "des ambitions illimitées pour la maison." "Il y a une place à prendre. Dans le département de l'Allier, un seul établissement est reconnu par le célèbre guide rouge depuis trente ans", ajoute-t-il. L'Hôtel de Paris a connu son heure de gloire avec deux macarons au Michelin et une cinquantaine de salariés. A la belle époque de la Nationale 7, les vacanciers marquaient une halte gastronomique avant de rejoindre la Méditerranée. Puis l'autoroute et les difficultés sont apparues : chute de la clientèle, crise économique des années 80. La société anglaise qui avait racheté l'hôtel ainsi que le Pavillon Sévigné à Vichy, a laissé ces deux établissements végéter. Heureusement, Anne et Louis de Roberty ont relevé le défi en 1990. Ils vendent leur restaurant, le Jacquemart en centre- ville (une étoile au Michelin) pour acheter le Paris en liquidation judiciaire. Ils relancent l'entreprise qui porte désormais le nom de Paris-Jacquemart. Après sept ans d'efforts, ils ont dû se résoudre à passer la main. "Ils ont réalisé du très bon travail", souligne Pascal Chaupitre. "C'est difficile de mener de front cuisine et gestion, de trouver les financements nécessaires et surtout d'avoir le temps de faire ses preuves", ajoute-t-il.

Coup de cœur et placement immobilier

Une société financière, filiale de Groupama, la branche assurances du Crédit Agricole, s'est portée acquéreur de l'établissement. Certes, elle a réalisé un placement immobilier. Mais il existe aussi chez Philippe Alexandre, le P.-dg de l'entreprise, "une véritable volonté de faire quelque chose de bien, un vrai coup de cœur", précise Pascal Chaupitre. Il s'attaque désormais à l'avenir du Paris-Jacquemart en sachant qu'il aura le temps nécessaire pour travailler.
L'hôtel, 27 chambres en trois étoiles, va être rénové sur une période de quatre ans. Pour le restaurant, "nous visons à regagner la clientèle locale et celles des environs les dimanches", raconte-t-il. Avec les 20 salariés, qui travaillaient déjà pour Louis de Roberty, le chef espère doubler le nombre de repas servis et atteindre les 80 couverts par jour, pour une capacité de 120. "Ici, il est impensable de pratiquer les tarifs des plus grandes tables. Nous devons faire preuve d'imagination pour concocter des plats originaux à des prix acceptables pour nos clients", souligne Pascal Chaupitre qui a fait ses armes chez Bernard Loiseau et Gérard Boyer. Le ticket moyen se situe malgré tout à 350 F avec des menus de 150 à 450 F et une carte qui change selon les saisons. Il ajoute que la clientèle retrouve peu à peu le chemin du restaurant dont le chiffre d'affaires progresse. Mais l'hôtel est plus difficile à relancer : il y a peu de passage. "Nous devons donc nous faire une réputation... par le restaurant. Et avoir le temps de faire nos preuves".

Retrouver la confiance

Toujours dans le même département, à quelques dizaines de kilomètres de Moulins, le Domaine du Château Saint-Jean a connu, lui aussi, une période sombre. Avec ses quatre étoiles et spécialisé dans les séminaires, le Saint-Jean a été doté d'une aile supplémentaire en 1988 pour augmenter sa capacité de 8 à 20 chambres, avec piscine et salles de réunion. Le propriétaire avait consenti à de lourds investissements. L'époque était faste et la concurrence des chaînes le long des autoroutes balbutiait.
Hélas, des tarifs un peu élevés et une baisse de fréquentation dans l'hôtellerie ont entraîné des difficultés en cascade jusqu'au dépôt de bilan dans les années 90-91. André Marcon, spécialisé dans l'hôtellerie à thème pour groupes et président de la Chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Loire, se porte acquéreur en 1993. Le temps de retrouver une dynamique, et tout repart avec Alain Tindilière comme directeur en 1996. Il travaille au Château Saint-Jean depuis douze ans. "Nous avons réajusté nos prix", raconte-t-il, j'ai reformé les équipes, pris un jeune chef talentueux, Thierry Douhault, qui est en train de s'exprimer à fond et retrouvé la confiance des Montluçonnais". Situé dans un parc, l'établissement possède un magnifique restaurant de 50 couverts installé dans une ancienne chapelle. Carte des cafés, carte des digestifs, carte des vins revues pour obtenir un meilleur rapport qualité/prix, Alain Tindilière reconnaît que les efforts sont positifs et le chiffre d'affaires en progression, pour un ticket moyen de 260 F. "André Marcon nous fait confiance. Mais c'est un challenge de redresser cette maison, un véritable travail d'équipe et il y a encore beaucoup de chemin à faire", conclut-il.


La salle de restaurant du Château Saint-Jean à Montluçon occupe une ancienne chapelle.

Alain Tindilière, directeur du Domaine du Château de Saint-Jean à Montluçon depuis 1996 : "Nous redéveloppons les réceptions, mariages et autres, tout en renforçant nos efforts pour les séminaires avec des prix tout à fait abordables pour un quatre étoiles".

Pascal Chaupitre , 32 ans, dirige le Paris-Jacquemart, à Moulins, depuis octobre 1997, avec l'ambition de gagner une étoile au Michelin. La confiance du P.-dg de la société propriétaire doit lui laisser le temps de faire ses preuves.


L'HÔTELLERIE n° 2578 Magazine 10 Septembre 1998

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