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La grande hôtellerie prend le bon vent

A l'exemple des trois 5 étoiles les plus directement concurrents de la capitale européenne, les hôtels Conrad, Radisson SAS et Méridien, les hôtels de Bruxelles ont retrouvé de bons chiffres depuis septembre dernier.

Par Alain Simoneau

Après quatre années de difficultés et de guerre des prix sans merci, l'hôtellerie bruxelloise (près de 14.000 chambres pour cette ville de guère plus d'un million d'habitants) respire enfin. Pour des raisons conjoncturelles, puisque toute l'Europe de l'Ouest va mieux, mais aussi structurelles : l'Europe à quinze, la multiplication des sièges européens de multinationales, activité de plus en plus intense du Parlement européen, préparation du lancement de l'euro, tout cela finit par produire de l'effet. Le trafic de l'aéroport de Bruxelles connaît une croissance à deux chiffres et son extension en cours devrait lui donner un statut de plate-forme de taille mondiale. De plus, cette ville d'affaires de politique et de diplomatie se donne depuis un an une stratégie touristique, et teste ses nouvelles ambitions dans ce domaine à l'occasion du cycle triennal d'expositions Delvaux (1997), Magritte (1998) et Ensor (l'an prochain), les trois principaux peintres belges surréalistes. L'exposition René Magritte, ouverte début mars, a eu le mauvais goût de s'achever fin juin, au moment où la demande fléchit, mais du moins nourrit-elle les week-ends toujours délicats.


Le Méridien de Bruxelles affiche 75% de taux d'occupation et un chiffre d'affaires de 73 MF.


Les progrès sont sensibles dans tous les segments, avec un frémissement ressenti depuis fin 1996, un net virage positif depuis juin 1997 et un véritable décollage depuis septembre 1997. Le rebond est particulièrement évident dans le haut de gamme comme on le constate sur trois exemples assez parallèles. De l'avis de leurs directeurs, le Radisson SAS, le Conrad et le Méridien sont les concurrents les plus directs en 5 étoiles. Tous trois se situent dans la catégorie des moyens porteurs de grandes capitales entre 200 et 300 chambres. Ils s'efforcent (ce qui n'est pas évident à Bruxelles) de dépasser nettement le standard de la simple classe affaires, travaillent tous trois une clientèle internationale et disposent d'un nom et d'un système de réservations qui s'y prêtent.
Le Britannique Clement Barter, senior vice-president Europe et Proche-Orient de la chaîne Conrad (neuf hôtels dans cette grande région) estime que le Conrad de Bruxelles est le seul palace digne de ce nom de la ville. L'hôtel fait effectivement la course en tête pour accueillir têtes couronnées, chefs d'Etat et stars du showbiz, mais se spécialise surtout dans le capitaine d'industrie. Il est vraisemblablement le mieux placé pour la clientèle anglo-saxonne. Clement Barter ne communiquera pas son prix moyen (ses deux concurrents non plus d'ailleurs). Mais il affirme se trouver loin en tête, et notamment de 25 à 30% plus haut que le très voisin Hilton International, qui doit, il est vrai, remplir ses plus de 500 chambres. Opérationnel depuis six ans, mais entré en opération au moment du grand plongeon des prix, le Conrad Bruxelles, dirigé par l'Italien Gastone di Domenico, a progressé en taux d'occupation de 52% en première année pleine à plus de 70% actuellement. Parti très bas, le résultat n'a cessé de progresser. Le chiffre d'affaires par chambre disponible a augmenté également jusqu'à 800 F en 1997. Au premier trimestre, le chiffre d'affaires était en hausse de 28% sur les trois premiers mois de 1997. Indices assez évidents de son positionnement, le Conrad n'emploie pas moins de 250 personnes pour ses 254 chambres et 15 suites. La suite royale a été occupée à 45% en 1997.
Le Radisson SAS (281 chambres dont 6 suites) se positionne davantage comme un classe affaires luxe très séduisant, avec son superbe atrium. Il a l'avantage d'avoir débuté en pleine euphorie il y a une dizaine d'années. Cela lui a permis de construire son marché sous la direction du Belge Michel Stalport aujourd'hui en poste au Radisson SAS de Nice. La marque dispose également d'une clientèle scandinave très fidèle qui pèse plus d'un quart des ventes. Cela ne l'a pas empêché de connaître le marasme avec une chute du TO de 73,5% en 1992 à 64,2% en 1993, avec une chute brutale du prix moyen. En 1996, il remonte péniblement à 67,8% de TO moyen, avant de rebondir à 74,1% en 1997, grâce à un second semestre canon. Le CA a augmenté de 8% sur 1996, le prix moyen de 12%, et le CA moyen par chambre disponible de 19%. 1998 sera encore meilleur. Radisson SAS a également posé à Bruxelles le siège européen de la marque, et tout comme sa direction européenne aux mains du Bernois Kurt Ritter, la direction de l'hôtel bruxellois est confiée à un Suisse, Marcus Bernhardt. On sait que non seulement SAS a renoncé à vendre ses parts, mais encore la marque a clairement mis le cap sur une politique d'expansion. En Belgique, cela se manifeste par une nouvelle implantation à Anvers centre-ville. Dans ce pays comme dans d'autres, Radisson SAS reste à l'affût des possibilités, sans pour autant envisager une construction neuve.

Le kamikaze plein de vie

Lorsque Méridien, avant la malencontreuse vente à Forte, a annoncé son atterrissage à Bruxelles pour 1995, dans un immeuble neuf qui ajoutait 224 chambres en pleine crise de surcapacité, le petit monde hôtelier a crié au kamikaze. En fait de hara-kiri, son directeur italien Sergio Mangini observait avec sérénité ce début mai ses clients touristes japonais venus faire un crochet à Bruxelles après une première visite aux champs de tulipes de Keukenhof aux Pays-Bas. Encore un marché que le Méridien de Bruxelles, 75% de TO ce début d'année, a su capter. "Notre clientèle n'est pas typée sur une nationalité, mais très équilibrée. Nous avons débuté très français et européens, discrets face à la concurrence. Partis en première année de 55% de TO moyen avec un prix moyen bien trop faible, nous nous plaçons sur ce plan encore loin derrière le Conrad, mais à l'un des tous meilleurs niveaux de la ville". Ce chevronné de la chaîne avec dix-sept ans de maison regrette profondément les conséquences de la crise Forte et entre autres, l'abandon de la côte Ouest des USA. Ancien directeur à San Diego, il souhaite ardemment voir le nom revenir en force chez l'Oncle Sam. La clientèle américaine est importante à Bruxelles comme ailleurs, et "le nom, european and french touch à la fois veut encore dire quelque chose", assure-t-il. Dans cette chaîne de nouveau dirigée, et par un Français de surcroît, il faut à la fois garder cette image de luxe à la française, tout en améliorant sans cesse la rentabilité. Prévu pour la première fois à l'équilibre, le dernier exercice a finalement été profitable. L'hôtel serre les boulons. "Du luxe, mais pas d'opulence", précise Sergio Mangini. Le personnel pas tout à fait au complet est limité à 140 personnes pour quelque 73 MF de CA avec un recours flexible à la sous-traitance. Ce qui n'a pas empêché d'engager des voituriers et bagagistes supplémentaires parce que la clientèle l'apprécie. La chasse au gaspillage dans les achats de toutes sortes a été particulièrement impitoyable. Moyennant quoi l'hôtel a pris sa place dans le concert local. Avec un seul regret, le manque de très grande salle de séminaire, dont la concurrence est abondamment pourvue. Mais l'emplacement est assurément l'un des meilleurs de la ville.


Pour Sergio Mangini, directeur du Méridien Bruxelles : «Du luxe, mais pas d'opulence». Rentabilité oblige.

Restauration : étoiles, brasseries et grands banquets

La restauration d'hôtel bruxelloise est de très haute qualité et sourit aux Français. Le chef bourguignon Hervé Raphanel a quitté début avril la cuisine du Conrad de Bruxelles pour s'installer dans sa propre maison près de Lille. Il y a laissé un macaron et une très forte réputation en banqueting. Le Conrad a servi 150.000 couverts en 1997. Un autre Français, Pascal Silman, ancien second de Guérard à Eugénie-les-bains, relève le gant. Le jeune Français David Martin, chef du Méridien a remporté le premier prix du concours Prosper Montagné 1997-98, récompensant le meilleur cuisinier de Belgique... Mais l'hôtel ne lui permet pas la course aux étoiles, politique de prix oblige. C'est un Belge, Yves Mattagne qui officie au Sea Grill du Radisson, deux macarons s'il vous plaît. Le Conrad et le Radisson disposent de salles de tailles très variées qui leur permettent de faire de la restauration beaucoup plus qu'un complément. Mais l'hébergement, souligne-t-on en souriant au Méridien, reste plus rentable.


L'HÔTELLERIE n° 2568 Magazine 2 Juillet 1998

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