S'il n'y avait qu'un mot pour caractériser le
marché de la bière depuis une vingtaine d'années, ce serait «diversification».
En effet, durant cette période, de nombreuses bières ont vu le jour, et ce, en
adéquation avec l'évolution du goût des consommateurs. Plus en détail, la carte du
marché s'est renforcée sur la Pils et sur un certain nombre de «spécialités de
terroirs» venues du Nord ou encore de l'Alsace qui offrent des bières de grande
qualité. Ainsi, ces produits ont élargi et varié la gamme des bières disponibles. Il
n'y pas une bière, mais des bières. Il n'y a pas une bière de Noël ou de Mars, mais
plusieurs. Mais, si diversification de produits il y a, en revanche, le marché, plus
spécifiquement, n'a que peu évolué, voire régressé (voir tableau sur la consommation
française depuis 10 ans ci-contre). Ce que déplore vivement Jean Schmitt, président des
brasseurs de France. «Nous ne pouvons que regretter le bilan peu positif du marché
par rapport au nombre de cafés. Par conséquent, notre position est claire, nous
soutenons toute initiative, tant au niveau du professionnalisme, de la qualité que de
l'animation.»
Le marché de la bière face aux aléas de la conjoncture
Cette baisse substantielle peut être attribuée à plusieurs paramètres. Les bistrots sont frappés de plein fouet par les retombées du phénomène croissant du cocooning, mais également par le fait que les consommateurs ont moins d'argent à dépenser au café. De ce fait, les «sacro-saintes» tournées qui ont fait les beaux jours des établissements disparaissent peu à peu. Malgré ces constatations peu encourageantes, le président des brasseurs de France reste optimiste : «L'accès à la profession, où de gros efforts ont été faits tant au niveau du professionnalisme que de l'hygiène ou du service, est un point positif. Le bistrot est un lieu de démocratie. Les gens ne demanderont qu'à y retourner. A mon avis, il n'y a pas péril en la demeure pour les établissements bien gérés, de qualité, et qui ont un environnement sain. Si, qui plus est, on y ajoute une mini-restauration, le bistrot restera une institution.»
Erosion de la consommation
Pour ce qui est de la consommation de la bière, on assiste à une érosion du marché
que l'on peut attribuer à plusieurs phénomènes. D'une part et comme toujours, le
facteur économique ne peut être négligé, d'autre part l'environnement anglo-saxon
pèse de plus en plus avec la concurrence des fast food et enfin la montée des
soft-drinks.
Les chiffres attestent de ces données : la France est le cinquième pays producteur de
bière, mais l'avant-dernier consommateur en Europe. En 1981 la consommation de bière par
personne était de 44 litres, aujourd'hui, elle n'est que de 39 litres.
Face à ces constatations, il ne faut pourtant pas être alarmiste, comme le laisse
entendre J. Schmitt : «La situation n'est pas aussi désastreuse qu'il n'y paraît.
D'ailleurs, je ne pense pas que cette tendance continuera. Cela doit au contraire nous
stimuler et nous conforter dans toutes les actions que nous sommes en train de mener. Les
seules conditions pour que la bière tienne encore une place importante sur le marché
sont de ramener le public féminin dans les bistrots, mais aussi que la bière soit bien
débitée, qu'elle soit appâtante avec un beau chapeau de mousse et que le premier demi
donne envie d'en boire un second. Si on sert un verre de bière, à bonne température
avec une belle mousse, le client en boira un deuxième.»
L'avenir est aux bières de spécialités
Pour ce qui est des cols, la tendance à la baisse est identique. Seules les bières de spécialités connaissent un regain de consommation attribué à un phénomène de mode, certes, mais également de goût. Concernant l'avenir, le marché féminin ouvre de nombreux espoirs. Il y a encore peu de temps, cette cible avait été négligée. De nombreux efforts ont été réalisés et surtout concernant l'amertume. La bière «K» ou la «Kriek» illustrent parfaitement cette démarche. D'ailleurs, si l'on s'en tient aux statistiques, l'évolution de 5 points de 1990 à 1994 du taux de pénétration de la bière blonde sur le marché féminin confirme cette politique. L'avenir ne semble donc pas aussi sombre qu'il n'y paraît et l'optimisme affiché de Jean Schmitt ne peut que motiver les professionnels : «Demain sera forcément meilleur. L'essentiel est de toujours vouloir faire mieux et d'offrir une qualité irréprochable. Nous en sommes tous capables et il n'y a pas de raisons pour que cela ne fonctionne pas.»
Le poids économique de la brasserie française en 1995* 13 milliards de chiffre d'affaires. |
L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 6 Mars 1997