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interview

ThierryNerisson : sommelier-éleveur


Thierry Nerisson, la passion du vin

Sommelier chez Jean Bardet, Thierry passe de la théorie à la pratique. Depuis 3 ans, il consacre son temps libre à l'activité de négociant-éleveur. Ses vins, vinifiés avec talent, s'envolent vers les États-Unis ou le Japon, et les flacons sont encore trop rares pour répondre à la demande d'une clientèle en quête de haute-couture dans le prêt-à-boire.

Vous êtes revenu aux sources même du travail de sommelier, tel qu'on l'entendait dans les grandes maisons autrefois ?
Nous réalisons, Jean Bardet et moi-même, un vrai travail de sélection. Nous choisissons des barriques chez une trentaine de viticulteurs et nous leur demandons d'élever le vin et de le vinifier comme nous l'entendons. C'est pour cette raison que notre carte des vins correspond bien à la philosophie du restaurant. Ce que recherche en priorité Monsieur Bardet ce sont des vins non filtrés, mis en bouteilles manuellement, sans adjonction de SO2. J'assiste d'ailleurs à la mise en bouteille chez chaque viticulteur. Nous vendons ainsi des vins qui portent l'étiquette du vigneron, mais sur lesquels nous avons veillé, et notre carte des vins de Loire reflète bien cette homogénéité. On pourrait comparer ce travail à celui des cavistes des grands restaurants d'il y a un siècle, qui marquaient d'une croix les barriques dégustées et réalisaient eux-mêmes la mise. Mon activité de sommelier est ainsi poussée à l'extrême et grâce à elle, j'ai acquis une bonne connaissance dans les vinifications.

Parlons-en justement. Le sommelier Thierry Nerisson, est donc devenu viticulteur ?
Je me qualifierais plutôt de négociant, car je n'ai malheureusement pas les moyens de posséder un domaine viticole. Par contre, effectivement, j'achète du raisin, ce qui me permet d'élaborer mes propres vins. Je choisis dès le mois de juillet des parcelles que j'achète sur pieds et je m'engage auprès du viticulteur à acheter la récolte sur environ 1 hectare. Ceci me permet d'aller plus loin que le simple négociant. Je maîtrise ainsi totalement la vigne et peux décider des vendanges en vert, de l'effeuillage ou autres techniques qui améliorent la qualité du raisin.

Vous avez étendu cette activité sur plusieurs appellations et plusieurs domaines viticoles ?
Oui, j'ai choisi plusieurs domaines viticoles. Je tiens tout de même à préciser également que je m'occupe totalement des vendanges -- je choisis moi-même l'équipe de vendangeurs -- puis de la vinification. Je fais trois vins : bourgueil, saumur et vouvray et quelquefois un peu de touraine, lorsque j'arrive à trouver les parcelles.

Cette activité qui s'éloigne tout de même du négoce pur, doit être très prenante ?
J'y consacre tout mon temps libre, toutes les heures creuses de la journée en dehors du service et toutes mes vacances. La vie du vin correspond bien à celle du sommelier. Les périodes calmes dans la restauration sont justement les périodes de travail intensif dans le vin. N'ayant pas à assumer le travail de la vigne proprement dit, je suis comme tout vigneron, dans mes caves plusieurs fois par semaine.

La production du « négoce » Thierry Nerisson est-elle importante et dans quel circuit est-elle écoulée ?
Je produis environ 10 000 bouteilles en vouvray et 5000 cols répartis sur les appellations en rouge. Pour l'instant, 90% de la production est vendue à l'export. J'ai voulu bien différencier mon activité de sommelier chez Jean Bardet de mon activité personnelle. Très peu de clients du restaurant sont au courant de ma production. Seul mon vouvray est proposé sur la carte. Je n'ai pas non plus envie de concurrencer des amis viticulteurs qui m'ont soutenu et encouragé. C'est la raison pour laquelle pas un seul de mes vins n'est en vente dans la restauration locale.

En imaginant cette nouvelle activité, avez-vous cherché à créer une complémentarité entre vos deux métiers ?
Je crois que tous les métiers du vin se complètent, mais il était important pour moi d'ouvrir d'autres horizons. Le métier de sommelier a quelque chose d'immuable. Nous sommes là, principalement pour aider le client en le faisant profiter de notre savoir. Celui que j'entreprends parallèlement aujourd'hui me permet de m'intéresser à la création et sûrement de mieux comprendre les difficultés rencontrées sur le terrain pour faire un bon vin.

Pourrait-on définir vos vins comme des vins de « garage », des vins issus de micro-cuvées ?
Non, d'autant que je déteste le terme « vin de garage » ! Je crée des vins de plaisir et surtout des vins réfléchis. J'insiste beaucoup sur l'importance que j'accorde à l'élaboration : pas de collage, pas de soufre pour les rouges, pas de remontage à la pompe. On pourrait dire des vins qui sont le moins possible traumatisés. zzz46o


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L'HÔTELLERIE n° 2717 La Cave 10 Mai 2001

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