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interview

chef de cave en Champagne

Dominique Foulon est le chef de cave de Moët & Chandon. Depuis vingt-cinq ans, il met sa passion de l'œnologie au service d'une des plus prestigieuses maisons de Champagne. Il fait le point sur son métier et sur ce vin « pas comme les autres » auquel il a consacré tout son talent.

Expliquez-nous le rôle du chef de cave
Vous savez, le rôle du chef de cave a considérablement évolué durant ces trente dernières années. L'ancienne génération était composée d'autodidactes. Ils avaient d'énormes responsabilités dans une maison. Ils s'occupaient de recruter le personnel, d'acheter toutes les matières premières, le raisin. Ils avaient en charge toute l'élaboration du champagne, jusqu'à l'expédition. Mon titre de chef de cave ne recouvre pas toutes ces fonctions. Je suis, comme les chefs de cave de ma génération, avant tout un œnologue.

Les œnologues ont-ils modifié le goût du champagne ?
Non, en toute modestie, je ne pense pas. D'ailleurs toutes les dégustations que nous faisons montrent que chaque maison a su conserver son style propre. Ce n'est pas l'œnologue Dominique Foulon qui fait le style de Moët & Chandon et le jour où je partirai, j'espère que ce style restera le même. Le style d'une maison, voyez-vous, c'est la composition des assemblages et une façon bien particulière de les travailler.

Accordez-vous une grande importance à la formation des jeunes qui prendront la relève ?
Vous savez, chez Moët & Chandon nous sommes en réalité une dizaine d'œnologues. Certains travaillent au laboratoire, d'autres à la production, à la recherche... Le jour où je partirai il y aura déjà des personnes compétentes auxquelles je passerai le relais.
Dans notre métier, la transmission orale est essentielle. Cependant, nous prenons conscience aujourd'hui qu'il est urgent de consigner par écrit toutes les étapes de notre travail. Nous avons mis en place un « cahier des pratiques œnologiques », non seulement pour conserver noir sur blanc la masse de nos connaissances, mais également pour éviter toutes les déviations possibles.

On évoque bien souvent le champagne en terme générique et la notion de terroir semble gommée. Doit-on en déduire qu'il n'y a pas de terroirs en Champagne ?
Non, bien sûr. Allez planter du pinot noir sur le terroir de Cramant par exemple, et vous n'obtiendrez rien du tout. C'est le chardonnay qui lui convient. Mais il faut comprendre que ce sont les négociants qui sont les principaux acteurs en matière de communication. En toute logique, ils mettent en avant la notion d'assemblage plutôt que la notion de terroir. Mais si vous allez à la rencontre des vignerons, ils vous parleront de leur village, du cépage qu'ils ont planté sur un terrain bien précis. Celui qui a ses vignes dans un cru déterminé va mettre en avant son terroir.

Pendant bien longtemps, les amateurs n'ont juré que par les champagnes de marques. Aujourd'hui, il semble qu'ils découvrent les vignerons. Pensez-vous que nous assistions à la naissance d'une nouvelle mode ?
Non, je ne le pense pas. Je crois par contre qu'il est peut-être plus difficile qu'auparavant de s'approvisionner dans les grandes maisons. De toute façon, je pense que le désir de découvrir des petits vignerons est une démarche qui a toujours passionné les vrais amateurs.

Certains vignerons ont-ils réussi à vous surprendre, à vous étonner ?
Pour vous répondre, j'ôte la casquette Moët & Chandon et je coiffe celle de l'Union des œnologues de France. Nous participons à de nombreuses dégustations à l'aveugle et une chose est certaine, ce sont presque toujours les mêmes qui ont des médailles. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils assurent un suivi qualitatif. C'est la grande force des négociants. Certains vignerons ont réussi à obtenir cette régularité dans leur vin. Ce que je critique, c'est le vigneron qui fait un vin de qualité une année, et qui vous vend un vin médiocre l'année suivante. L'irrégularité est le pire des défauts.

Quand vous faites un assemblage, imaginez-vous, un mets qui s'accorderait avec ce vin.
Absolument pas. Pour moi, le paramètre associant vin et plat n'intervient pas dans mon travail. L'assemblage que j'élabore sera mis en bouteilles, subira une deuxième fermentation, vieillira sur lie pendant cinq, huit, dix ans. Mon art est d'imaginer ce qu'il sera à ce moment-là. Transposer en vue de l'associer à un plat, c'est ajouter un paramètre qui me fera peut-être passer à côté du bon assemblage.
Vous savez le champagne n'est pas un vin comme les autres. Où que vous alliez, en Beaujolais, en Côtes du Rhône, en Alsace, on vous offre le champagne. Il est LE vin de la communication. Et ce que nous voulons c'est défendre cette image.


D. Foulon, vingt-cinq ans au service de Moët & Chandon.


L'HÔTELLERIE n° 2638 La Cave 4 Novembre 1999

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