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du 25 mars 2004
ACTUALITÉ JURIDIQUE

Vente d'un fonds de commerce

ATTENTION AUX DÉLAIS DE SÉQUESTRE

Dès qu'elle est conclue, la vente du fonds de commerce doit être publiée pour ouvrir le droit, aux créanciers du vendeur, de faire opposition au paiement du prix. Ce n'est qu'en l'absence de l'intervention des créanciers que l'acheteur peut verser l'argent au vendeur. La publicité faite autour de la vente du fonds doit se faire
dans un certain délai pour donner à chacun le temps de réagir.

Aucune disposition légale n'impose à proprement parler de séquestrer ou consigner le prix de vente en matière de cession de fonds de commerce.
Cependant, l'usage de séquestrer le prix de vente du fonds de commerce a été consacré depuis fort longtemps par les professionnels du droit, rédacteurs d'actes, dans le but de préserver les intérêts de l'acquéreur du fonds à l'égard des créanciers (ordinaires ou privilégiés) de l'ancien propriétaire.
En effet, des dispositions légales permettent à ses créanciers d'être garantis sur le prix de cession. Ainsi, si le prix de la vente n'a pas été séquestré et a été indisponible pendant un certain délai, l'acheteur prend le risque de supporter les dettes du vendeur, en plus du prix de vente qu'il aurait versé trop tôt entre les mains du vendeur.  

La publication : point de départ des délais
Selon l'article L. 141-12 du Code de commerce, toute vente de fonds de commerce doit faire l'objet d'une publicité dans la quinzaine de sa date, dans un journal d'annonces légales et au Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
L'article L. 141-13 du même code précise que l'annonce légale doit contenir les références de l'enregistrement de l'acte de cession auprès de la Recette des Impôts.
La publication au Bodacc marque le point de départ de différents délais ouverts aux créanciers du vendeur pour se manifester.
En pratique, si la publicité dans un journal d'annonces légales peut intervenir sans difficulté dans les 15 jours, en revanche, l'annonce dans le Bodacc ne peut intervenir que sous un délai de 3 semaines à 1 mois, compte tenu de la multiplicité des annonces regroupées sur ce support unique.

Le délai d'opposition
L'article L. 141-14 du Code de commerce prévoit que dans les 10 jours de la publication au Bodacc, tout créancier du vendeur peut faire opposition au paiement du prix, en indiquant le montant et la nature de sa créance.
L'opposition doit être faite par acte extrajudiciaire, c'est-à-dire par exploit d'huissier. Elle a pour effet de rendre indisponible la totalité du prix de vente. En conséquence, le règlement du prix de vente avant l'expiration du délai d'opposition ou fait au mépris d'une opposition déjà reçue est inopposable au créancier opposant.

Surenchère du 6e pour les créanciers
L'article L.141-19 du Code de commerce prévoit la surenchère du 6e qui doit intervenir dans les 20 jours, suivant la publication au Bodacc. Il s'agit de la faculté offerte à tous les créanciers ayant fait opposition (dans le délai de 10 jours) et à tous les créanciers inscrits sur le fonds de surenchérir (par acte d'huissier) d'1/6e sur le prix de vente mentionné dans l'acte pour les éléments incorporels (clientèle, droit au bail... à l'exclusion du matériel et des marchandises).
Les créanciers inscrits sont ceux qui apparaissent sur l'état des inscriptions et privilèges délivré par le greffe du tribunal de commerce et notamment :
- Le créancier titulaire du privilège de vendeur et d'action résolutoire ;
- Le créancier titulaire du privilège de nantissement du fonds de commerce.
Il s'agit donc le plus souvent d'une banque qui a prêté pour l'achat du fonds ou la réalisation de travaux et d'aménagements, ou du précédent vendeur du fonds de commerce lorsque le prix est payable à terme.

La responsabilité en matière fiscale
L'article 1684 du Code général des impôts rend l'acheteur d'un fonds de commerce solidairement responsable avec le vendeur du paiement de certains impôts dus par ce dernier : impôt sur le revenu (bénéfices industriels et commerciaux), impôt sur les sociétés et taxe d'apprentissage, et ce, jusqu'à concurrence du prix de cession. Cette responsabilité solidaire peut être mise en cause pendant un délai de 3 mois qui court à compter de la notification prévue à l'article 201-1 du Code général des impôts. L'article 201-1 du Code général des impôts prévoit que la déclaration de la cession totale ou partielle de l'entreprise doit intervenir dans un délai maximum de 60 jours à compter de la publicité au Bodacc.
A défaut d'être déclarée, le délai de responsabilité solidaire de 3 mois pesant sur l'acquéreur commencera à courir à compter de l'expiration du délai de 60 jours (soit un délai total de 5 mois à compter de la publicité au Bodacc).
Afin d'écourter ce délai, dont dispose l'administration fiscale, il est de l'intérêt du vendeur de notifier, le plus rapidement possible, la cession auprès du centre des impôts dont il dépend, par voie de lettre recommandée avec accusé de réception (joindre, dans la mesure du possible, le bilan après cession, établi par l'expert-comptable, de façon à mettre l'administration fiscale en mesure de déterminer rapidement toutes les impositions dues à raison de la vente).
Bien que cet article ne concerne que les impôts énumérés, l'administration fiscale dispose par ailleurs pour les autres impositions (TVA, plus values, taxe professionnelle, etc.) d'autres voies de recouvrement privilégiées sur le prix de vente au moyen : soit de l'opposition ouverte à tous les créanciers, soit d'un avis à tiers détenteur (le tiers détenteur étant, en l'occurrence, le séquestre). Pratiquement, et dans la mesure où la durée de blocage du prix dépend de la réaction de l'administration fiscale, il est donc de l'intérêt du vendeur de s'adresser, et au besoin, de se déplacer auprès des services des impôts dont il dépend pour obtenir :
- Auprès de son centre des impôts, service fiscalité des entreprises, un certificat n° 760 attestant que la cession a été déclarée en application de l'article 201-1 et que les différents impôts (bénéfices industriels et commerciaux, impôt sur les sociétés, plus-values, taxe d'apprentissage, taxe professionnelle) soit ne sont pas dus, soit ont été payés, soit sont fixés à X francs avec indication de leur montant respectif, suite à la cession intervenue.
- Auprès de la Recette des Impôts : un bordereau de situation fiscale P 237 attestant que l'entreprise est à jour dans le dépôt de ses déclarations de TVA et pour son paiement et qu'elle est à jour dans le paiement de ses autres impôts, ou qu'elle doit x francs au titre de telle ou telle catégorie d'imposition.
E. Duroux
(Avocat au barreau de Paris) zzz66d
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Schéma général des délais de séquestre

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L'Hôtellerie Restauration n° 2865 Hebdo 25 mars 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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