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du 18 décembre 2003
FOCUS

A PARIS, RUE DE VAUGIRARD

Trois restaurants, trois réalités

La Grande Rue
* Ouverture : Le 11 septembre 2001
* Coût du fonds de commerce : 114 336,76 e
* Loyer : 1 671 e
* Investissement total : 178 365,35 e
* CA 2002 : 175 316 e
* Capacité : 34 couverts
* Nombre de couverts par jour 20
* Equilibre : 27 couverts par jour
* Ticket moyen : 35 e sans les vins
* Effectif : 4 personnes dont 1 mi-temps 
L'Astuce
* Ouverture : Septembre 2003
* Coût du fonds de commerce : 137 205,76 e
* Loyer : NC
* Investissement total : 200 000 e
* CA prévisionnel : 200 000 e HT
* Capacité : 34 couverts
* Nombre de couverts par jour 35
* Equilibre : 35 couverts par jour
* Ticket moyen : 30 e le soir
* Effectif : 4 personnes 
Au Gourmand
* Ouverture : Septembre 2003
* Coût du fonds de commerce : 92 500 e
* Loyer : NC
* Investissement total : 170 000 e
* CA prévisionnel : NC
* Capacité : 30 couverts
* Nombre de couverts par jour 50 à 60
* Equilibre : 49 couverts par jour
* Ticket moyen : de 35 à 40 e le soir
* Effectif : 6 personnes

Un soir, presque 2 mois après l'ouverture, le seul four qui n'avait pas été changé a lâché. En plein service. La salle du restaurant Au Gourmand était pleine. Mais les deux patrons, le chef Christophe Courgeau et Hervé de Libouton qui dirige la salle, ont préféré arrêter là la soirée. "Je n'avais pas envie d'envoyer des plats froids et de laisser les clients partir sur une mauvaise impression", explique le chef. Son associé poursuit : "On a expliqué aux gens que nous ne pouvions pas assurer la prestation aussi bien que nous l'aurions souhaité et ils ont très bien compris." Et tous sont repartis avec une invitation pour le jour de leur choix. Les ouvertures réservent toutes leur lot de surprises. Pour Emmanuel Billaud, 32 ans, chef patron de La Grande Rue, un restaurant de cuisine traditionnelle française, situé dans le XVe arrondissement à Paris, c'est l'actualité qui lui a fait un pied de nez. Il se rappelle sans mal la date de l'ouverture le 11 septembre 2001...

30 couverts
Passion, folie, inconscience. Chacun d'entre eux en a au moins une petite dose. Pourquoi devenir chef d'entreprise quand on pourrait couler des jours heureux et rémunérateurs chez un patron ? Oui, il faut être inconscient. Du moins, au moment de la signature. "Heureusement que l'on ne pense pas à toutes les difficultés financières", commente Emmanuel Billaud. Aujourd'hui, selon lui, il se trouve en permanence sur le fil du rasoir, à la merci de n'importe quel événement
- grèves, attentats, météo... -. "D'un seul coup, on peut couler", ajoute-t-il, avant de confier que si c'était à refaire, il ne se lancerait pas forcément. "Moralement, parfois, c'est l'horreur. On se pose des questions et on se dit que, finalement, c'est peut-être préférable d'être salarié." Pourtant, son restaurant, il l'a voulu. Pour que les clients viennent manger chez lui, pour travailler pour lui après 16 ans passés chez des patrons. Pour le duo Courgeau-de Libouton, la réponse se trouve dans la salle. "C'est très gratifiant d'être remercié pour votre travail au moment où les gens vous paient", expliquent-ils, peu habitués à ce genre de manifestations de contentement dans leur vie professionnelle antérieure. Le restaurant, c'est un tournant dans leur vie que l'ex-directeur financier en télécommunication (le chef) et l'ex-journaliste œnologique ont mûrement préparé. Pourtant, le banquier de ces deux-là s'est un peu fait tirer l'oreille. Motif : vous n'êtes pas du métier. Et le financement par prêt bancaire à 75 % s'est réduit à 50 %. Depuis, le conseiller financier est venu manger et il est reparti satisfait. Au numéro 22 de la rue de Vaugirard, les maîtres de maison ont déboursé 92 500 e pour le fonds de commerce, tandis qu'Aurélie Tourrette et Nicolas Messian ont investi 137 205,76 e pour celui de L'Astuce, situé au 138, et, juste en face, Emmanuel Billaud qui a dépensé 114 336,76 e pour le sien. Des travaux, des rénovations et des mises aux normes plus tard, l'investissement global moyen est de 200 000 e. Détail amusant : tous les trois ont visé une salle d'une trentaine de couverts, pas plus.
Chez les jeunes, la cuisine française traditionnelle est de mise, vendue, 2 fois sur 3, au travers d'une formule, la rendant du coup très abordable, sans incidence sur la qualité. 14 e pour l'entrée et le plat ou le plat et le dessert, tous du jour, à L'Astuce ; 22 e Au Gourmand pour une entrée et un plat ou un plat et un dessert, ou 29 e pour les trois, au déjeuner ou au dîner. Leur explication : leur connaissance des fournisseurs et le travail de négociation entrepris auprès d'eux. De bons rapports qualité-prix qui boostent les tickets moyens. Au Gourmand, l'écart est estimé à 2 e par couvert au déjeuner et à 3,50 e le soir. Les 'responsables', ce sont les apéritifs, les demi-bouteilles de vin, le vin au verre et les desserts, dont la carte est habilement proposée avec celle des cafés.

Equilibre
Les patrons de L'Astuce et ceux du Gourmand indiquent qu'ils ont atteint leur point d'équilibre : 35 couverts par jour pour les premiers, 49 pour les seconds. Un chiffre que ces derniers ont d'ailleurs revu à la hausse, l'estimation initiale de 39 couverts quotidiens ayant été remise en cause par un dérapage des coûts au cours du 1er mois et par l'embauche d'une personne supplémentaire en cuisine. Du côté de La Grande Rue, il lui manque 7 couverts par jour pour atteindre son point d'équilibre de 23 000 e mensuels, soit 27 couverts par jour (657 clients par mois) contre 20 actuellement. Son loyer lui coûte 1 671 e par mois pour une superficie de 105 m2. Emmanuel Billaud est sûr qu'il tient le bon bout : "En 2 ans, tout a changé dans le quartier, sauf nous." Pourquoi vendre alors que les premiers effets de la fidélisation commencent à se faire sentir ? Et qu'il y croit forcément puisqu'en juillet, il a embauché un chef de partie qui lui permet de prendre davantage de couverts et le libère quelques minutes qu'il consacre à une tournée en salle. Relationnel oblige.
"Paris, c'est la ville où l'on a des clients rapidement, mais ce ne sont pas forcément des clients qui reviendront. En province, on travaille moins vite mais les clients sont fidèles", constate le chef patron de La Grande Rue. Même constat Au Gourmand : la clientèle parisienne n'est pas captive. Pas question pour eux de s'installer ailleurs : "Il faut être soutenu quand on se lance dans une telle aventure, et notre entourage à nous est à Paris." Au Gourmand et à L'Astuce, on mise sur la communication et cela rapporte. Le premier, qui a investi dans les conseils d'une agence, a été très bien suivi par les médias. Plus modeste, et ne jouant pas sur le même créneau, le second fonde sa communication sur le fax et In-
ternet. Tous les jours, 100 fax quotidiens informant de l'entrée, du plat et du dessert du jour arrivent directement dans les entreprises du quartier. Des informations également disponibles sur la page d'accueil du site www.lastuce.fr
L. Anastassion zzz22v 

Le pari de la formule
14
e à L'Astuce

* Entrée, plat ou plat, dessert du jour
* Œufs brouillés au foie gras
* Suprême de dinde, coulis de tomates et de basilic
* Nage de mandarine, sorbet raisin-muscat  
20 e à La Grande Rue
* Entrée, plat ou plat, dessert à choisir dans la carte. 25 e pour les 3, à choisir dans le menu de saison
* Tian d'épinards et de tomates au lard croustillant
* Filets de daurade royale grillés, poêlée de légumes au beurre
* Macaron moelleux au café, glace tiramisu  
22 e Au Gourmand
* Entrée, plat ou plat, dessert du jour. 29 e pour les 3 au déjeuner, 33 e au dîner
* Cappuccino de potimarron et sorbet moutarde, dés de gorgonzola
* Filets de merlan de ligne aux écrevisses et poires à l'estragon, grosses frites de céleri
* Crème brûlée de thé vert Matcha, raisins poêlés
Un parcours, des parcours
A La Grande Rue, le chef cuisine depuis 16 ans. Emmanuel Billaud travaille avec sa compagne Nathalie, 29 ans, qui s'occupe de la salle. Il a fait ses classes chez Robuchon et Jacques Sénéchal. Au Gourmand, Christophe Courgeau est un ex-cadre financier dans le secteur des télécommunications. A 32 ans, il est enfin en cuisine, après une formation accélérée de 7 mois à l'Institut national de formation des adultes de la chambre de commerce de l'Oise d'où il est sorti major de sa promotion. Un stage de gestion spécifique à la restauration a clôturé sa formation professionnelle, ainsi que ses stages au restaurant Canard, l'Arpège, les Ormes, le Café des Délices et la pâtisserie de Christophe Felder au Crillon. En salle, Hervé de Libouton, 38 ans, est intarissable sur sa carte des vins. Cet ex-journaliste a été, pendant 2 ans, rédacteur en chef de La revue vinicole internationale. Aurélie Tourrette et Nicolas Messian, sortis de l'Ecole de Lausanne, forment un couple à la salle et dans la vie. La fille de l'ex-président des Brasseurs de France et le petit-fils d'un directeur du Ritz ont embauché en cuisine Thierry Cannot. 

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L'Hôtellerie Restauration n° 2852 Hebdo 18 décembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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