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du 23 octobre 2003
L'ÉVÉNEMENT

Du jamais vu

PRÈS DE 95 % DES BURALISTES ONT FAIT GRÈVE

Lundi 20 octobre, l'appel à la grève lancé par la Confédération des débitants de tabac de France a été suivi par près de 95 % des buralistes. Une journée 'noire', mais surtout 'historique' pour la profession prise à la gorge entre les hausses du prix du tabac et la montée de la contrebande.

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Nicolas Miege, buraliste parisien en grève, témoigne.

Les buralistes se lèvent tôt. Pour une poignée d'entre eux, lundi dernier, jour de grève, le réveil a sonné encore plus tôt. Leur objectif : bloquer les centres de livraison d'Altadis de Paris-Nord et de Paris-Est. Ils étaient une quarantaine à La Plaine Saint-Denis et presque autant à Lognes, vers 4 h 30, au volant de leur automobile, laissant entrer le personnel, s'opposant à toute sortie de véhicule. Geste symbolique, expression d'une profonde amertume. Nicolas Miege fait partie des troupes. 15 ans de cuisine et depuis 4 ans, il est patron du bar-tabac Le Liège, dans le VIIIe arrondissement de Paris. Un établissement qu'il a entièrement rénové. Investissements, crédits... L'affaire tourne avec 4 salariés, lui compris. Cette journée, il la veut "historique", comme ses collègues. Chez lui, le tabac représente un tiers du chiffre d'affaires total de l'entreprise. Depuis 2 ans, il enregistre une chute régulière de 5 % du chiffre tabac. "Ce que nous voulons ? Une politique cohérente de la part de l'Etat et non cette fuite en avant sous couvert de santé publique, martèle-t-il. Comme ses collègues encore, Nicolas Miege réclame une hausse significative de la remise et l'harmonisation des taxes sur le tabac. "Un buraliste touche 6 % nets des ventes réalisées. Lorsqu'on enlève les charges, les coûts d'exploitation, il reste à peine 3 %. Nous voulons 8 % nets pour tout le monde et non une augmentation, comme c'est le cas, à plusieurs vitesses. L'Etat doit aussi cesser de pratiquer des hausses importantes aussi rapprochées. Elles n'apportent rien en matière de santé publique et n'ont pour effet que de déstabiliser le marché." Il ajoute : "Si nos gouvernants veulent être crédibles en matière de santé publique, ils doivent se battre autrement. Il faut une harmonisation des taxes en Europe comme en France. Trouvez-vous normal qu'un même paquet de cigarettes soit vendu 2,70 e en Corse et 3,90 e sur le continent ?"

L'aide d'urgence

Lors du congrès national des débitants, qui s'est tenu les 8 et 9 octobre derniers au Cnit-La Défense, Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux PME, a présenté aux buralistes un plan d'aide dont l'enveloppe globale se situerait entre 120 et 150 Me. Le plan prévoit le relèvement de la remise de 2 % jusqu'à 152 500 e de chiffre d'affaires et de 0,7 % jusqu'à 300 000 e. Des compensations exceptionnelles sont prévues pour les débits les plus touchés. 50 % de la perte de remise nette pour une chute de CA de 5 à 10 %, 70 % de la perte pour un chiffre de - 10 à - 25 %, et 80 % de la perte pour une chute allant au-delà de 25 %, avec un palier maximum de 10 000 e. Ces mesures ont été jugées très insuffisantes par la Confédération.

Mémo : Un débitant de tabac est rémunéré au moyen d'une remise brute égale à 8 % des ventes réalisées. En pratique, une remise directe de 6 % lui est versée sur facture par le fournisseur (source : la douane).

Ventes parallèles
Nicolas Miege s'inquiète aussi des ventes parallèles. "A l'heure actuelle, on vient même nous proposer des ventes sous le manteau. Ils rentrent carrément dans l'établissement. Une cartouche que nous vendons 39 e, ils la font à 25 e..." Lundi, le débit du Liège était bâché. Pas de vente possible. Même les bons clients de la brasserie n'ont pu obtenir de passe-droit. Dans le quartier, que ce soit vers Pigalle, Clichy ou Saint-Lazare, pas de buraliste ouvert. Le Havane, le seul débit de la capitale traditionnellement ouvert 24 h /24, avait baissé son rideau. Un sac noir recouvrait la carotte.
Le mouvement de grève, lancé par la Confédération des débitants de tabac de France, a été très largement suivi. Les buralistes ont marqué le coup de plusieurs façons. Certains ont purement et simplement fermé leur établissement durant toute la journée, d'autres n'ont fermé que la caisse tabac, d'autres ont rejoint le mouvement en cessant toute activité l'après-midi. La Confédération parle de 95 % de grévistes. Pas un seul débit n'était ouvert à Amiens, Lisieux, Bayeux, Cherbourg, Bernay, Epernay, Belfort, Montélimar, Biarritz, Bandol, Strasbourg ou dans les Côtes d'Armor. Des manifestations ont eu lieu à Metz, Bordeaux, Bayonne, Toulouse, Rennes... Des groupes de buralistes ont même brûlé leur traité de gérance devant des préfectures, d'autres ont déchiré leur carte d'électeur. "Du jamais vu", comme l'avait promis quelques jours plus tôt René Le Pape, président de la centrale syndicale. Un coup de semonce qui prend des allures de tremblement de terre. La semaine dernière, René Le Pape a lancé un appel officiel au chef de l'Etat. "Il y a 2 ans, vous étiez le premier à féliciter publiquement les buralistes pour leur implication dans la réussite du passage à l'euro. (...) Que pensez-vous de la façon dont est traité notre dossier, ballotté d'un ministère à l'autre, poussé par des promesses jamais tenues ?" Le 20 octobre, les paquets de cigarettes ont augmenté en France de 0,70 e en moyenne, faisant passer le prix moyen du paquet à 4,60 e (il est de 3,70 e en Belgique, de 3,30 e en Suisse, de 1,85 e en Espagne). Une mesure qui vise à décourager les fumeurs et sert à renflouer les caisses de la Sécurité sociale. Une autre hausse est prévue en janvier. Devant l'ampleur de la grève, René Le Pape se montre confiant, même si la manifestation prévue courant novembre à Paris reste dans les tablettes. "Le gouvernement ne peut rester sourd à ce mouvement de contestation. Nous attendons des réponses à nos propositions. En tout cas, nous avons le soutien de nos clients car ceux-ci comprennent particulièrement, aujourd'hui, ce que signifierait la disparition du commerce de proximité que nous représentons", a-t-il déclaré. La pétition lancée en début de mois par les buralistes en faveur de la défense de leur commerce a recueilli près de 6 millions de signatures. "Notre ras-le-bol, c'est aussi celui de plein de gens qui en ont marre qu'on veuille leur dicter leur conduite à tout bout de champ et surtout n'importe comment", soupire un débitant gréviste de la banlieue parisienne qui revient, perplexe, sur la loi (d'actualité) interdisant la vente de tabac aux moins de 16 ans et parue au JO du 3 août 2003. "C'est une bonne loi sur le principe, mais je ne sais pas du tout comment on va pouvoir l'appliquer. Le décret d'application n'est toujours pas sorti et on ne peut pas demander aux jeunes leur papier d'identité. Je crains, en outre, qu'elle accélère le phénomène de contrebande autour des établissements scolaires." Complexe. zzz32 zzz74v
S. Soubes

Etat des lieux

= Selon la Confédération, le marché est sur une tendance à la baisse en volume de - 9 % et la baisse globale de chiffre d'affaires pour l'ensemble du réseau des buralistes de - 2 % (il est de - 10 à - 20 % dans les départements frontaliers).
D'après l'Insee, le taux de marge brute des buralistes a diminué de près de 16 % entre 1996 et 2000. La Confédération note une baisse de la fréquentation de - 5 à - 10 % depuis le début de l'année, et de - 25 % dans les établissements frontaliers. Selon une étude, ajoute la centrale syndicale, 11 % des fumeurs de blondes se procurent déjà des cigarettes au moins une fois par mois dans un pays frontalier.
= La Confédération réclame l'abandon de la hausse des prix du tabac annoncée pour janvier 2004, l'ouverture de nouvelles négociations afin de porter la remise additionnelle à 2 % quel que soit le niveau de chiffre d'affaires, la mise en application immédiate de la procédure de compensation pour les buralistes les plus touchés, l'implication active de la France pour accélérer au niveau européen une harmonisation des taxes sur le tabac, et l'instauration d'un plan d'urgence prioritaire contre la contrebande sur tout le territoire.

Au moment où nous mettons sous presse, le mardi 21 octobre, les députés ont voté la nouvelle augmentation du prix du tabac de janvier.

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