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Restauration - ILS PROPOSAIENT UNE RESTAURATION RAPIDE, ÉCONOMIQUE ET COPIEUSE EN BORD DE ROUTE. FAUTE DE CLIENTS, TROP FRAGILES ÉCONOMIQUEMENT, ILS FERMENT.

La mort lente des restaurants routiers

© John Foxx Images
Où sont passés ces restaurants routiers qui animaient autrefois le bord des routes et offraient un rapport qualité-prix inégalé ? Tandis que beaucoup ferment leurs portes faute de clients, les chauffeurs routiers, eux, se désespèrent de ne plus trouver de restauration adaptée à leurs besoins. Où est le problème ? Créée en 1934, la chaîne des Relais Routiers répertorie les 'meilleurs' établissements dédiés aux chauffeurs routiers. Ces derniers sont aujourd'hui près de 450 000 salariés et patrons-routiers, sans compter les étrangers qui sillonnent la France. Le label attribué, associé au célèbre panonceau rouge et bleu, tient compte de la qualité de la nourriture et de l'accueil, du prix et des équipements (parking, douches...). Il est vrai que pour un prix inconcurrençable (menus de 9 à 10 e), les fameux 'routiers' ont la réputation d'offrir des repas familiaux de bonne facture, généralement boisson comprise, avec parfois le vin servi à volonté ! Mais depuis plusieurs années, le nombre de panonceaux réduit à vue d'œil. La chaîne recense aujourd'hui à peine 1 600 établissements à travers la France contre environ 3 500 il y a 20 ans. Certes, les restaurants routiers sont souvent des unités modestes, aux conditions économiques fragiles, animés fréquemment par un couple de patrons. Mais la diminution de l'offre n'est pas venue parce que la qualité des prestations se dégrade, ou encore parce que les exploitants n'ont pas su évoluer, comme cela a pu être le cas ailleurs. C'est surtout le détournement de la clientèle qui a sonné le glas au secteur.

Une suite de coups durs
La première difficulté que les restaurants routiers ont rencontrée a été le développement du réseau autoroutier, qui leur a coûté une grande partie de leur clientèle de touristes de passage, mais aussi de poids lourds. Sur la nationale 7 entre Montargis et Dordives, la simple ouverture de l'autoroute A 77 a fait perdre de 10 à 40 % de clients aux restaurants routiers. Mais ce n'est pas tout. De plus en plus fréquemment, les autorités décident d'interdire la circulation des poids lourds sur les routes nationales, principalement pour des raisons de pollution, de bruit et de sécurité. Sur la RN 7, cette interdiction est arrivée comme un coup de grâce. A l'Auberge de la Route Bleue, à La Commodité, les routiers représentaient 90 % de la clientèle de Claude et Joëlle Baudouin. Face à cette décision administrative, ils ont décidé de prendre un avocat pour tenter de défendre leur situation. Mais aujourd'hui, le problème n'est pas résolu. "On est inquiet, mais il n'y a rien d'autre à faire qu'attendre, déclare Joëlle Baudouin, résignée. De toute façon, on est trop petit pour faire changer les choses. On continue à travailler grâce à une clientèle d'habitués, mais notre activité a baissé. Avant, il nous arrivait souvent de faire 100 couverts par jour. Aujourd'hui, c'est exceptionnel." Mêmes craintes du côté de l'Alsace, où l'interdiction du transit par le col de Bussang a causé bien des soucis aux restaurants routiers. Et les difficultés ne s'arrêtent pas là. Là où ils sont encore autorisés à emprunter les routes nationales, les camions ne sont pas les bienvenus. Les poids lourds transportant des matières dangereuses, ou plus simplement trop bruyants, gênent la population, et les stationnements un peu 'sauvages' d'autrefois aux abords des restaurants ne sont plus tolérés. Les camions sont soumis à de nombreuses restrictions et l'image du routier sympa tend à se perdre dans l'opinion publique.  

Une situation paradoxale
Beaucoup de chauffeurs routiers, fatigués par ces complications, ont renoncé à s'arrêter dans les restaurants routiers. Le paradoxe de la situation est, qu'à présent, ils ne trouvent plus de restaurant dans leurs moyens : les établissements sur les autoroutes pratiquent des prix jugés trop élevés, et bien souvent, ne proposent pas le type de repas et surtout d'ambiance espéré. Alors, beaucoup finissent par se contenter d'un sandwich dans leur camion. En outre, le problème de sécurité invoqué pour justifier l'interdiction des routes nationales aux poids lourds n'est pas résolu avec l'autoroute : les structures n'y sont pas plus adaptées aux pauses des routiers. "Sur certaines aires de l'autoroute du Nord, on compte aux heures de repas 100 à 200 mètres de camions sur la bande d'arrêt d'urgence !", rapporte Patrice de Saulieu, du magazine Les Routiers. Certains restaurants routiers parviennent à survivre par diversification avec une clientèle d'automobilistes et de commerciaux. Mais dans certaines zones rurales, des établissements ne subsistent plus que médiocrement grâce à la clientèle locale.
En revanche, à l'Escale Village à Déols, l'exception confirme la règle : on y sert de 800 à 1 000 couverts par jour. Les raisons d'un tel succès ? "Ça ne s'explique pas", déclare fièrement Jean-Claude Sergent. Peut-être son immense parking, sa réputation ou sa facilité d'accès. Mais il faut dire aussi que l'établissement ne fonctionne pas uniquement avec la clientèle de routiers ; il accueille aussi des touristes, une clientèle locale, et organise même des mariages. Pour les autres, peu d'issues se proposent, surtout si le passage routier a fondu et si l'environnement local est pauvre. S'installer sur autoroute pour suivre la clientèle ? Jacques Borel avait un temps essayé d'offrir des repas à bas prix sur autoroute, mais les frais y sont tellement importants que l'activité s'est rapidement avérée peu rentable. En attendant, chauffeurs et restaurants continuent de se chercher et tous en sont frustrés.
L. C. zzz22t

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L'Hôtellerie n° 2790 L'Hôtellerie Économie 10 Octobre 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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