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Le Café de Paris à Valenciennes

n Plus actuel que traditionnel  

Derrière une conception très carrée et ancrée dans la tradition du beau bistrot du nord de la France, les investisseurs ont interprété deux partitions bien d'aujourd'hui, au rez-de-chaussée et à l'étage, qui expliquent la bonne fortune de l'établissement.

Alain Simoneau

Le Café de Paris est à présent la première affaire de la place d'Armes de Valenciennes, le cœur de l'agglomération. C'est un poste à bières de premier ordre, une vraie usine à limonade, ce qui devient rare dans la région. Les cafés sont devenus de plus en plus des restaurants, comme si la bière ne coulait plus seule. Le Café de Paris veut aussi être un lieu sinon bourgeois, du moins où l'on entre par volonté des patrons et du gérant que propre sur soi. Pas de jogging, pas de baskets. Ce sont deux sites en un avec deux styles très différents au rez-de-chaussée et à l'étage, bistrot d'un classicisme reconstitué en bas, une inspiration pub à ambiance musicale jeune en haut. Tout en longueur et sur deux niveaux, le café ne laisse pas facilement deviner ses 320 places assises. C'est aussi un café qui reflète bien l'histoire récente et la nature de la ville. Valenciennes est une petite ville de moins de 40 000 habitants au centre d'une puissante agglomération industrielle, marchande, universitaire et polynucléaire de 350 000 personnes. Cette dualité se ressent dans l'atmosphère et l'architecture de la ville. Le centre de Valenciennes et les alentours tiennent plutôt de la petite ville provinciale, avec toutefois certains attributs de grande ville. Un hôtel de ville majestueux, au centre d'une place d'Armes rectangulaire, tient une place un peu disproportionnée avec le centre qui l'entoure.
En mai 1940, la place d'Armes et l'hôtel de ville ont été quasiment détruits. La reconstruction, souvent décriée en France, n'est pas si mal réussie en l'occurrence. Le résultat est qu'elle attire le chaland comme un aimant, d'autant que les possibilités de stationnement y sont importantes. Elle est donc bien une adresse incontournable.


Le service en salle ou au bar par des anciens et des confirmés est hyperclassique sans être guindé. Rémunération au pourcentage individuelle. Près de 800 hl de bière par an.

Après la crise, la renaissance
Peu après guerre et jusqu'aux années 60, Valenciennes connaît ses glorieuses. Glorieuses années pour les bistrots aussi, en rang d'oignons place d'Armes face au beffroi. Mais quand viennent les grandes restructurations, simultanément aux changements des mœurs et à la montée de la télévision, vient aussi le crépuscule du café traditionnel. L'ancien bistrot à l'emplacement actuel du Café de Paris devient un magasin avec diverses fortunes. Dans les années 70, il retrouve sa licence IV et un certain lustre, contesté par ses voisins. Il change plusieurs fois de main.
Ces 20 dernières années, Valenciennes revit, au moins en partie. la reconversion s'appuie sur l'université, particulièrement sur des spécialités ingénieur, chaîne de l'image et création audiovisuelle et sur l'automobile avec Peugeot SA et Fiat, Toyota, et tout récemment Chrysler. Les activités traditionnelles qui ont survécu (sidérurgie, ferroviaire) ne se portent pas mal. Les services respirent, la ville se rééquipe. Voici 3 ans, les propriétaires actuels du Café de Paris, (vivons heureux, vivons cachés) décident d'en faire le leader de la place. Ils analysent la demande, et investissent près de 500 000 euros en bas, et 300 000 euros en haut. En bas, c'est l'idée même de la brasserie rénovée. Rien d'extraordinaire dans le décor, mais la propreté systématique de la salle et des toilettes (6 heures de ménage par jour 7/7 jours, précise le gérant Bruno Messiaen, 42 ans), la climatisation qui efface la fumée, le côté précis sinon authentique de l'ambiance suffisent à attirer une clientèle à la recherche de prestations simples dans le confort et la sécurité.
Ce n'est pas un repère de mâles qui viennent s'y abstraire de leurs problèmes conjugaux. Pas de grands coups de gueule au programme, ni de cendre à terre baignant dans la bière. Au rez-de-chaussée, à la fin du coup de feu de midi en milieu de semaine cette mi-janvier, les femmes dominaient largement les présents. Pas d'âge précis non plus, quelques vieilles dames et messieurs discrets côtoyant des jeunes lycéens ou étudiants, une tranche 25-35 ans très présente. Manifestement c'est un lieu de rendez-vous. Affaires pourquoi pas, heure du repos entre femmes de bureaux, copains copines discrets. En haut, c'est le repaire des jeunes de la ville. Un pub avec animation musicale, disc-jokey le soir. Des tables rondes pour la petite bande. L'insonorisation entre les deux mondes est garantie, mais les jeunes passent de l'un à l'autre.
En commun, on trouve la surveillance à l'entrée, et les deux sources de cash fondamentales : la bière et le café. Avec quelques nuances, les jeunes boivent la même chose que leurs aînés. Le Café de Paris est une maison Kronenbourg, avec un contrat respecté de quelque 700 à 800 hl/an. Ce deuxième étage a remplacé une salle de billard classique qui n'apportait guère de consommations. La carte jeune, c'est le coup de génie des patrons, une augmentation de près d'un tiers du chiffre d'affaires. Au total environ 6 000 euros de CA par jour, pour une activité dite en perte de vitesse, c'est un résultat respectable. n zzz24


En haut, on se trouve bien chez les jeunes, mais c'est une vraie licence IV. Avec quelques soft-drinks et menthes à l'eau, la bière domine encore. C'est le Nord...

q Les prestations
Avec 9 tirages (Kronenbourg, Maes, Wilford, 1664, Carlsberg, Grimbergen, Blanche de Bruges, Kilkenny, Guiness) et une bière de Noël ou de Mars en supplément, le Café de Paris est d'abord un grand poste à bières. On ne peut y oublier que le nordiste boit 3 fois la moyenne nationale, vieilles dames y compris. La 1664 tient la corde avant les bières belges. La blanche est le second tirage. Le week-end, beaucoup de bouteilles sont demandées, et le whisky fait son apparition. Peu de softs drinks, beaucoup de café. Le soir, le bar propose ses cocktails. 300 bouteilles de champagne par mois, quand même, deux qualités haut et moyenne gammes proposées...
Le service bistrot dîneur très limité et classique fonctionne le midi, à raison de 100 à 150 couverts à une dizaine d'euros (8,5 e le plat du jour). Pas plus de 10 à 30 couverts le soir, mais le café sert à manger à toute heure.

q Les hommes
Le café emploie 31 personnes. La RTT est en place, mais très individualisée. En bas, des garçons impeccables et dynamiques en chemisette blanche et gilet, pantalon noir et nœud papillon proposent un service traditionnel et assez souriant. L'éventail des âges est large, comme en clientèle. Ils sont payés au pourcentage individuel. En haut, changement d'ambiance, on reste propre, mais en tee-shirt jaune, et le contact est différent. Salaire au pourcentage aussi mais en pot commun.

q Les décors
Deux ambiances radicalement différentes. En bas, un long bar classique dominante bois, des tables et chaises bistrot bois et fer forgé, un sol carrelé et des estrades de bois à niveaux et balustrades. Le plafond est vert d'eau, l'éclairage à hallogène corrigé par les couleurs vitraux des plafonniers. Aux murs et au fond, une verrière de bonne facture et des fresques, que l'on dira naïves, vont de l'inspiration Crépax à l'inévitable référence parisienne 1900. A l'étage, bois sombre et gracieuses courbes du balustre en fausse mezzanine entourent le vaste domaine du bar. Les places assises privilégient les petits groupes. Lumière tamisée propice à une drague en douceur.

q La clientèle
En bas, très diverse. Hommes et femmes, jeunes et vieux, travailleurs et étudiants le midi, une autre faune le soir. Peut-être un tropisme pour les jeunes actifs et les étudiants confirmés. Tenue correcte exigée, un minimum de revenus donc, mais les prix sont loin des terrasses parisiennes (moins de la moitié pour les consommations courantes). En haut, lycéens plutôt de bonne famille, un certain côté mode.

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