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La Cigale à Nantes

n Elle chante sa joie de vivre

Dans l'Ouest, nulle brasserie ne souffre de la comparaison. Classée Monument historique, La Cigale a retrouvé depuis 1982 sa philosophie première : donner de la joie de vivre à ses clients. Dans un décor somptueux, cet établissement plus que centenaire accompagne la vie culturelle et le quotidien de toute la cité des Ducs de Bretagne.

Olivier Marie

"La Cigale est un véritable phénomène ici, et pas un Nantais n'est insensible à cette brasserie, leur brasserie. Lors d'un récent sondage de notoriété, La Cigale arrivait en troisième position des sites les plus connus des Nantais qui se font un plaisir de la faire visiter à leurs invités. C'est un passage obligé", souligne Yannick Curty, propriétaire depuis 1982 de la célèbre brasserie plus que centenaire. La Cigale fait en effet partie intégrante du patrimoine nantais et ce, depuis 1895, date de sa création par messieurs Vivien, Pion et surtout Le Gouriérec. L'ancien magasin de vêtement, 'Pont Neuf', situé au 4 de la place Graslin, face au théâtre du même nom, devient alors ce café somptueux entièrement dédié à la gaieté et à l'épicurisme. Un thème auquel s'attache d'ailleurs l'architecte-céramiste, Emile Libaudière, à qui est confiée la conception du site. Ce dernier s'alloue les services du sculpteur Emile Gaucher et du peintre Georges Levreau. Ensemble, les trois hommes s'inspirent des Mucha et autre Victor Horta, chantre de l'art nouveau dont les plus belles créations embellissent les avenues bruxelloises. Sur cinq salles en enfilade, La Cigale dévoile ses mosaïques, faïences, peintures et autres sculptures ici de gourmands repus, là de grappes de raisin, de champagne moussant à souhait, de fleurs stylisées, de blé fauché... le tout sous l'œil bienveillant et omniprésent de l'espiègle cigale en jupon, mandoline en bandoulière. La brasserie attire à cette belle époque tout le gratin, la belle bourgeoisie, où, selon Geneviève Dormann, "un Nantais bien né n'emmenait jamais sa femme, il n'y avait que des artistes et toutes sortes de gourgandines..."

Politique du personnel innovante

Digne de l'environnement où il évolue, le personnel arbore en salle la tenue traditionnelle : veste (arborant le blason de La Cigale), nœud papillon, boléro noir et grand tablier blanc. "C'est une tenue incontournable de la brasserie que nous avons souhaité conserver", dixit Christophe Couturier-Vigot, directeur marketing de l'établissement. La Cigale compte cinquante collaborateurs, répartis pratiquement à nombre égal entre la cuisine et la salle, les services administratifs employant 4 personnes. L'établissement ne fait appel qu'exceptionnellement à des extras. Ici, peu de turn-over, mais plutôt un personnel fidèle à l'image des 3 responsables de salle évoluant dans cette enceinte depuis plus de 10 ans.
On reste à la Cigale certainement pour un cadre hors pairs, mais surtout du fait d'une politique sociale innovante puisque les 39 heures sont appliquées ici depuis 2 ans. "Nous ne voulons pas être à la traîne", précise Christophe Couturier-Vigot, alors que Yannick Curty précise, "nous avons travaillé plus d'un an pour amener La Cigale aux 39 heures, avec un vrai dialogue et des idées".

Au cours de son histoire, La Cigale fut doublement épargnée, tout d'abord par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, puis, par un arrêté ministériel de 1964 qui ordonne d'urgence le classement en Monument historique. "Ce classement, La Cigale le doit à des étudiants des Beaux Arts qui se sont mobilisés afin que le propriétaire de l'époque ne transforme la brasserie en formica." Malgré tout, dans les années soixante, la célèbre brasserie devient un self et le superbe bar ne résiste pas aux modes d'alors, faisant place à un présentoir en... formica. Aujourd'hui, rien ne transparaît de cette douloureuse époque et l'établissement le doit à son propriétaire actuel, Yannick Curty. Lorsqu'il reprend en effet cette affaire en 1982 avec Michel Pavageau, il décide de redonner ses lettres de noblesses à cette brasserie qui renoue avec ses origines 1900. Outre son magnifique décor, la Cigale redevient ce poumon de la vie artistique nantaise. "Tout ce qui se passe à Nantes passe par La Cigale", insiste Yannick Curty. Elle rouvre ses portes aux cinéastes le temps d'un tournage comme elle l'avait fait pour le Lola de Jacques Demy en 1961, les plus grandes célébrités s'y succèdent à l'image d'un Jean Marais se déclarant "toujours heureux d'être à La Cigale", d'un Jean-Louis Trintignant qui la considère comme "peut-être la plus belle brasserie du monde", etc.
Avec Yannick Curty, La Cigale a, par ailleurs, retrouvé son amplitude horaire qui fait d'elle une brasserie dans la plus pure tradition, servant ses clients jusqu'après minuit. Il a fallu pour cela lui redonner une équipe digne de ce nom composée d'une cinquantaine de personnes et proposant un large éventail de prestations allant de la limonade au salon de thé, en passant surtout par une belle restauration déclinée à toute heure de la journée. Avec ses quelque 130 places assises, La Cigale, ouverte 20 heures sur 24, réjouit quotidiennement plus de 500 personnes. Nécessitant un investissement moyen de plus de 76 000 e par an, l'établissement réalise un chiffre d'affaires de quelque 4,5 millions d'euros.
Malgré une déco ancienne, La Cigale vit à son époque. Elle ne cesse d'innover proposant depuis déjà deux ans les 39 heures à son personnel. "Nous essayons de penser différemment et d'accompagner cette entreprise avec son temps. Il faut sans cesse mettre le produit en avant et communiquer afin que La Cigale devienne incontournable, explique Yannick Curty qui poursuit, nous devons toujours provoquer du rêve et de la gaieté." n zzz24

De la banque aux artistes

Ouverte "20 heures sur 24", dixit son directeur marketing, La Cigale brasse, on s'en doute, une population assez large du petit-déjeuner au dîner d'après spectacle. Située dans l'hypercentre de Nantes, La Cigale attire, bien entendu, une clientèle d'affaires importante aux déjeuners (80 %) ou dîners d'affaires. Les familles se déplacent également, "le mercredi et le dimanche, confirme Christophe Couturier-Vigot. L'après-midi, la clientèle est plus féminine et la moyenne d'âge plus élevée. Nous recevons également une belle clientèle artistique, écrivains, peintres, etc." Une clientèle qui se retrouve également le soir après les représentations. Selon le directeur marketing, "tout le monde trouve son bonheur ici, l'éventail des prestations étant très large. Pour autant, il est vrai que les 15/17 ans ne viennent pas". Site nantais incontournable, La Cigale attire toute l'année son lot de touristes, qu'ils soient Anglais, Italiens, Espagnols... Une clientèle assez hétéroclite et extrêmement fidèle. "Nous accueillons de nombreux parisiens par exemple qui reviennent régulièrement."

 

Des tapisseries au fromage de brie !

Spécialiste s'il en est de la décoration intérieure, le magazine Art et Décoration n'a pas hésité à qualifier La Cigale de "plus belle brasserie de France." Ce compliment revient en fait à l'architecte-céramiste Emile Libaudière, à qui l'on confia non seulement la conception de l'intérieur, mais également celle de la façade, des dessins du menu, du linge etc. dans un souci d'harmonie. Tout ici renvoie aux deux courants phares de la Belle Epoque, le modern style et l'Art Nouveau. Mosaïque à motifs polychromes, faïence de Sarreguemine, bois, tapisseries, miroiterie, fer forgé, velours... supportent des scènes gourmandes et colorées où Dame nature est reine. Paons exotiques, feuilles d'acanthes, soleils stylisés, scènes campagnardes... confèrent à l'ensemble une atmosphère de légèreté voir de frivolité avec cette peinture murale de Levreau nous montrant une femme relevant sa robe pour nous dévoiler un mollet impudique (pour l'époque). Les miroiteries et tapisseries furent confiées à la Maison Préaubert. Les couleurs des tapisseries marouflées et fixées par une colle à base de seigle sont liées avec du fromage de brie sur lesquelles on a ensuite projeté une fine poussière de laine ! L'ensemble est enfin éclairé par des suspensions torchères ou tulipes et rehaussé par des bouquets de fleurs fraîches et d'exotiques palmiers.

 

Une restauration côté mer

La Cigale propose un large éventail de prestations, notamment en restauration. Sur la carte, on hésite entre le coin des cochonnailles, celui des viandes, des pâtes fraîches, des verdures et légumes... "Mais la spécialité reste le poisson et les fruits de mer avec notre banc d'écaille à l'extérieur. Nous proposons 6 variétés d'huîtres creuses et 3 de plates. Sans oublier le homard breton etc. Nous ne travaillons que des produits frais. Tout est fabriqué et transformé sur place. La cuisine de brasserie n'empêche pas d'être attentif à la qualité des produits", selon le directeur marketing. La Cigale assure 500 couverts par jour en 2 services le midi, et 3 le soir.
Côté limonade, marginale dans le CA, la Cigale passe majoritairement des boissons chaudes. "Notre activité salon de thé reste importante. Les alcools forts sont en baisse et la majorité des gens consomme du vin." La Cigale ne compte d'ailleurs qu'un seul bec pression de Heineken. Les week-ends et jours fériés, des brunches sont proposées à la clientèle de 10 heures à 16 heures. Notons enfin les soirées spectacle de La Cigale qui se déroulent au théâtre de la Fleuriaye. Le client réserve (de 50,30 à 64,03 e) à la fois sa place de spectacle et sa table à La Cigale...

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