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À LA LOUPE

Philippe Gauffre, Les Plaisirs d'Ausone à Bordeaux

TIRER LES LEÇONS DE SES ERREURS

Prononcée par le tribunal de commerce le 20 février dernier, la liquidation judiciaire des Plaisirs d'Ausone à Bordeaux a conduit à la fermeture immédiate de l'établissement ouvert en 1988. Entre soulagement et regrets, Philippe Gauffre, le chef-propriétaire, analyse sans complaisance ses erreurs et compte bien rebondir ici ou ailleurs.

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Dans son établissement aujourd'hui fermé, Philippe Gauffre refuse de broyer du noir. Les épreuves n'ont pas affecté son plaisir de cuisiner.

Soulagement et regrets. Dans l'épreuve, Philippe Gauffre conserve néanmoins une force tranquille. Après avoir consacré en non-stop 14 années de sa vie à son entreprise, connu les plus grands bonheurs, mais aussi des privations et combien de soucis, à l'heure des bilans, le chef artisan analyse ses erreurs sans complaisance. Car à 46 ans, pas question de raccrocher.
Ses erreurs ? D'entrée, il y a eu le loyer, trop lourd : 2 744,08 e par mois. En outre, à cette époque, la taxe professionnelle (divisée par deux depuis) atteignait les 13 720,41 e. Pas évident lorsque l'on démarre en empruntant la totalité de la somme nécessaire à l'achat du fonds de commerce (57 930,63 e) remboursable en 5 ans. Pourtant, le challenge ne paraissait pas impossible vu la capacité de l'immeuble. Les 400 m2 sur deux niveaux pouvaient accueillir une centaine de couverts, 45 dans la salle principale, 15 dans un petit salon, 40 dans la pièce à l'étage.
Trois mois après son ouverture, en avril 1988, le restaurant Les Plaisirs d'Ausone fait le plein. Comme l'explique Philippe Gauffre, "à l'époque, GaultMillau éditait un mensuel sur Bordeaux, puis un excellent article dans Sud Ouest Dimanche a suivi. On s'est pris au jeu. Sortant de belles maisons, j'ai d'emblée réalisé une cuisine haut de gamme avec un décor et un service dans le style. Mais au niveau des prix, on s'est montré prudent. D'ailleurs, on avait la réputation d'être le meilleur rapport qualité/prix de Bordeaux !"
Face au succès, l'effectif est passé en 2 ans de 4 à 14 personnes. Mais les prix n'ont pas été augmentés. "J'ai eu peur de perdre de la clientèle, ce qui était une grossière erreur. Très vite on a bu la tasse." La banque qui le soutient est aussi impressionnée par son talent que la clientèle. Résultat, elle autorise un découvert de 22 867,35 e, ceci malgré un bilan désastreux de moins 45 735 e pour un chiffre d'affaires de 533 571 e. "On est entré dans une spirale infernale." L'inéluctable s'est produit fin 1999 : dépôt de bilan mais autorisation de poursuivre. "On sentait que l'on n'allait pas s'en sortir avec un passif de 198183,72 e pour un chiffre d'affaires de 701 265 e."
Des mesures draconiennes ont alors été prises : compression de personnel, il passe de 14 à 8 personnes (sans toutefois de licenciements secs, les départs s'étant fait naturellement). Puis légère augmentation des prix avec un menu à 22,87 e midi et soir, une formule à 25,92 e. L'année 2000, année sans l'apport de Vinexpo, tient pourtant ses promesses. "Le fait d'avoir conservé l'étoile au Guide Rouge m'a sauvé, même les représentants des créanciers étaient sensibles à cette distinction. Bref, c'était bien parti, avec un chiffre d'affaires de 701 265 e", explique Philippe Gauffre.

Une année 2001 désastreuse
Puis 2001, l'année noire. Les travaux du tramway découragent quiconque de se rendre dans le centre de Bordeaux. Et comme fait exprès, les contractuels redoublent de zèle ; ils passent deux à trois fois dans la rue en soirée. Les attentats du 11 septembre conduisent au coup de grâce : chute de 20 % de chiffre d'affaires. "On n'a jamais été un restaurant du midi, mais tomber à zéro, voire au mieux à 5 couverts pour le déjeuner, c'est décourageant. Nous nous sommes résolus à demander la liquidation judiciaire."
Non, Philippe Gauffre ne cherche pas à rejeter ses erreurs sur d'autres. Tout juste regrette-t-il de ne pas avoir été mieux conseillé, ou de n'avoir pu être épaulé, encadré par un partenaire financier plus doué pour la gestion. Il ne s'en cache pas : "Les chiffres ne sont pas mon truc, ni ceux de mon épouse."
Aujourd'hui deux solutions se dessinent : la reprise du restaurant par un financier, avec Philippe Gauffre aux fourneaux, ou un nouveau départ. Une délicieuse maison sur la rive droite du fleuve à Cénac a conquis le couple. "Je ferai un lieu plus convivial, moins solennel qu'ici. Et si je continue à faire cette cuisine qui colle à ma personnalité, avec des épices, des parfums, j'opterai pour une formule à deux vitesses. Le midi, des propositions simples, car les gens viennent manger pour manger, et le soir une cuisine qui correspond à ce que j'ai toujours fait. Mon souci majeur maintenant, c'est de gagner un peu d'argent, car jusqu'ici, j'en ai plus perdu que gagné !"
B. Ducasse zzz18p zzz22v

En chiffres

Avril 1988
Ouverture des Plaisirs d'Ausone
1994
1 étoile au guide Michelin

1999
Dépôt de bilan avec autorisation de poursuivre
2001

Chute de 20 % du CA, et demande de liquidation judiciaire

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