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L'ÉVÉNEMENT

Baisse de la TVA en restauration

LA RÉPONSE EST À BRUXELLES, LE MÉPRIS À PARIS

Le coup de force de l'Umih vis-à-vis des politiques a été, incontestablement, un succès médiatique auquel les restaurateurs n'ont pas été insensibles. Si sur sa forme, le mouvement ne fait pas l'unanimité, sur le fond, tous les professionnels sont d'accord pour demander une baisse de la TVA sur la restauration. Quelle chance ont-ils de se faire entendre ?

Tva.jpg (4521 octets)C'est en automne 1995 que la crise a éclaté et que les restaurateurs sont descendus pour la première fois dans la rue manifester leur colère à Paris au Champ de Mars et demander une baisse de la TVA. Alors taxée à 18,6 %, la prestation de restauration prenait en août 1995, comme toutes les autres activités se voyant appliquer le taux normal, deux points de TVA en plus. Pour les restaurateurs, la goutte d'eau faisait déborder le vase... En effet, cette majoration intervenait à une période où la restauration prenait conscience du renforcement de la concurrence, de la réglementation, des charges... Crise économique oblige, le facteur prix était de plus en plus déterminant, et nombre de restaurateurs avait dû établir des formules à des tarifs très attractifs pour conserver leur activité. Si commercialement ils sauvaient la mise, ils passaient difficilement sur le plan financier, d'autant que nombre d'entre eux était très endetté, et ce, à des taux d'intérêt élevés. Les plans de financement avaient été établis sur des bases d'activités qu'ils n'atteignaient plus et leur marge était de plus en plus fragile. Les dépôts de bilan étaient nombreux. Deux points de TVA qui pouvaient difficilement être répercutés, comme il se doit, sur la facture du client sans prendre le risque de ne plus offrir une prestation dans le prix du marché... Mais deux points qui, assumés par les restaurateurs, ne permettaient plus d'honorer leurs engagements vis-à-vis des banques. Inquiets, déstabilisés, les restaurateurs considérèrent que la TVA était la cause de toutes leurs difficultés et c'est alors qu'ils poussèrent leurs organisations patronales à intervenir.
Depuis 1997, ils sont, sur ce dossier, 'menés en bateau' par tous les politiques, qu'ils soient au gouvernement ou dans l'opposition. Pour gagner du temps, certains leur promirent des états généraux, d'autres des tables rondes, ils eurent droit à des rapports, des consultations se succédèrent, on leur demanda très officiellement de faire des propositions, ils en firent... tous les politiques cherchèrent à gagner du temps. Sept années au cours desquelles ils durent, tout en supportant ce niveau élevé de TVA, mettre en place la nouvelle réglementation sur l'hygiène, appliquer la convention collective, et aujourd'hui, mettre en place la réduction du temps de travail. Et tout ça, dans des conditions particulièrement difficiles : au nom de la réglementation européenne, on leur supprima l'exonération de TVA sur le service dont ils bénéficiaient... Depuis le 1er janvier, ils ont réduit le temps de travail dans leur entreprise, mais le gouvernement, près de 2 mois après cette date, n'a toujours pas publié le décret qui leur permettra de bénéficier des allégements de charges auxquels ils ont droit... N'aurait-on pas 'poussé le bouchon' un peu trop loin avec eux ? Si aujourd'hui leur action peut sembler, dans la forme, excessive parce qu'elle est hors-la-loi et met en danger individuellement tous ceux qui vont y souscrire, elle est, sur le fond, particulièrement fondée. Elle n'est que le résultat du mépris dont ont fait preuve envers eux tous les politiques qui se sont succédé aux affaires depuis 7 ans... Aussi est-il temps de poser le problème dans toute sa complexité et de le resituer dans sa réalité européenne.

Le gouvernement français peut-il décider d'un taux réduit pour la restauration ?
Non, la France ne peut pas, seule, décider d'appliquer le taux réduit à la restauration, dans la mesure où la directive 92/77 du 19 octobre 1992 modifiant la sixième directive TVA ne permet pas d'appliquer un taux de TVA autre que le taux normal aux ventes à consommer sur place. On ne peut d'ailleurs que dénoncer les positions que prennent aujourd'hui les politiques, campagne électorale oblige, quand ils se disent tous favorables à une baisse de la TVA. On appréciera le discours du maire de Bordeaux la semaine dernière, face aux restaurateurs qu'il soutenait dans leur demande, lui qui, quand il était Premier ministre, avait majoré de deux points le taux de TVA... Si les urnes le faisaient revenir aux affaires, c'est, lui aussi derrière la réglementation européenne, qu'il s'abriterait pour justifier de son 'impossibilité' à baisser le taux de TVA sur la restauration. Il est important que tous les restaurateurs sachent mesurer la crédibilité des promesses des politiques...

Pourquoi et comment l'Europe décide-t-elle des taux de TVA ?
Si la Commission fait des propositions, il est important de savoir que ce n'est pas elle qui décide. C'est dans le cadre du conseil des ministres européen que les décisions se prennent. En matière de TVA, le calendrier ne cesse d'être modifié et l'harmonisation prend beaucoup plus de temps que prévu. Des listes de produits et services ont été établies pour déterminer ceux qui pourraient, à la date de l'harmonisation, être autorisés à appliquer le taux réduit. Tous les produits et services qui ne sont pas sur cette liste se verront appliquer le taux normal. L'hébergement a très longtemps été inscrit sur la liste des produits bénéficiant du taux réduit, il ne l'est plus aujourd'hui... ce qui laisse donc supposer qu'au moment de l'harmonisation, le taux en hôtellerie augmentera. Quant à la restauration, elle ne fait pas partie de la liste des produits relevant des taux réduits.

Le gouvernement français peut-il faire inscrire la restauration sur la liste des biens et services bénéficiant du taux réduit ?
Absolument pas. L'inscription sur cette liste ne résulte pas de la demande des gouvernements des Etats membres, mais traduit la volonté des Etats de réserver l'application du taux réduit aux produits de première nécessité ainsi qu'aux biens et services répondant à un objectif de politique sociale ou culturelle. La restauration n'a jamais été inscrite sur cette liste. Une opportunité a été donnée en 2000, à chacun des pays, donc à la France, d'instaurer à titre expérimental des taux allégés sur certains services pour une période limitée à 3 années. Une décision qui avait été prise pour tenter d'endiguer la progression du chômage en Europe. Aucune unanimité ne s'est faite au niveau européen pour que le secteur de la restauration fasse partie de cette liste. Qui plus est, sur le plan national, la France n'a pas proposé le secteur de la restauration pour bénéficier de cette mesure et la profession n'a malheureusement pas eu une action de lobbying très forte pour faire entendre sa revendication. En conclusion, c'est la rénovation, les services de soins à domicile qui bénéficient aujourd'hui de cet avantage fiscal.

Pourquoi certains Etats membres, aujourd'hui, permettent-ils à la restauration d'appliquer le taux réduit ?
Parce que seuls les Etats membres qui, au 1er janvier 1991, appliquaient à la restauration le taux réduit sont autorisés à le maintenir à titre transitoire. Or, au 1er janvier 1991, la France appliquait le taux normal sur la restauration, elle n'a donc pas le droit d'appliquer aujourd'hui un taux réduit.

Pourquoi la restauration rapide bénéficie-t-elle du taux réduit ?
La restauration rapide ne bénéficie pas du taux réduit, c'est la vente à emporter qui en bénéficie. Il est vrai que, par sa nature, la restauration rapide réalise beaucoup plus de ventes à emporter que la restauration classique. Mais dans les grandes villes, nombreux sont les cafés à avoir un stand extérieur de vente de crêpes, de sandwiches, de boissons. Eux aussi bénéficient du taux réduit. Quant à supposer que les grands groupes de restauration rapide fraudent pour déclarer davantage de ventes à emporter qu'ils n'en réalisent pour bénéficier, sur une base plus importante, du taux réduit, c'est de toute évidence mal connaître les systèmes de gestion et de contrôle de ces groupes...  

On fait référence à l'Espagne et à la Grèce qui, en 1994 et 1995, ont choisi d'appliquer le taux réduit à la restauration sans que la Commission européenne n'y trouve à redire. On évoque également le cas du Portugal qui de 17 % est passé à 12 %. Pourquoi la France ne peut-elle pas en faire autant ?
Parce que la référence à l'Espagne et à la Grèce n'est pas tout à fait exacte. Ces deux pays avaient dissocié la restauration haut de gamme du reste de la restauration pour appliquer à ses prestations un taux de TVA normal, alors que le reste du secteur, au 1er janvier 1991, bénéficiait du taux réduit. En 1994 et 1995, la Grèce et l'Espagne ont décidé de ne plus faire de différenciation, et les quelques établissements (peu nombreux) qui étaient taxés au taux normal se sont vus bénéficier du taux réduit. Mais dans les deux cas, plus de 95 % de la restauration au 1er janvier 1991 étaient bien taxés au taux réduit, ces deux pays respectaient donc bien la règle du régime dérogatif. Quant au Portugal, lui aussi, avant le 1er janvier 1991, appliquait le taux réduit à la restauration. Le gouvernement portugais, après cette date, a remonté le taux de TVA pour le rebaisser par la suite. La France n'est absolument pas dans le même cas, la restauration commerciale était intégralement au 1er janvier 1991 au taux normal, aussi l'Europe lui impose de continuer à appliquer ce taux.

La France peut-elle demander une modification de la liste des produits bénéficiant du taux réduit et y inscrire la restauration ?
Elle peut toujours essayer mais normalement en matière de fiscalité, toute modification de la directive impose que la demande officielle soit faite à l'initiative de la Commission et requiert l'unanimité des Etats membres. D'où la difficulté. Il paraît aujourd'hui difficile qu'un accord se fasse sur ce sujet, car l'Allemagne s'y opposera sûrement ; elle ne veut pas entendre parler de taux réduit, le manque à gagner étant trop important pour les caisses de l'Etat fédéral. Mais, si la volonté politique existe vraiment, comme veulent le faire croire de plus en plus les politiques français, tout peut se négocier... Il suffit de convaincre les membres de la Commission de la nécessité de proposer la mesure aux votes des Etats membres et de négocier contre autre chose, avec l'Allemagne, son vote afin d'obtenir l'unanimité. Il faut également tenir compte du fait qu'à Bruxelles, face aux revendications des restaurateurs français, le commissaire chargé de la fiscalité, Frits Bolkstein, a immédiatement fait savoir qu'aucun pays ne pourrait obtenir de nouveau taux de TVA réduit avant 2003. Mais tout ceci reste très théorique et technique : en France, au-delà des déclarations des uns et des autres, est-on sûr qu'il y ait une réelle volonté politique sur le sujet ? Mais qui ne tente rien n'a rien...  

Quel espoir a-t-on aujourd'hui de voir la TVA sur la restauration baisser ?
Difficile de répondre... Il faudrait travailler à convaincre les Etats membres avant la mise en place du régime définitif de la nécessité de protéger un secteur aussi important en matière d'emploi, afin de permettre à la restauration de bénéficier du taux réduit. Mais là, ne rêvons pas trop, l'harmonisation a déjà pris beaucoup de retard, la situation économique n'est pas des plus prometteuses, les Etats ont eu à encaisser le coût du passage à l'euro et risquent fort d'être peu enclins à opter facilement pour le taux réduit pour la restauration. Côté français, la RTT coûte très cher, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse, et Bercy met en avant le coût de la baisse de la TVA qui, même si le montant est contesté par les restaurateurs, est un élément à prendre en compte par les politiques.

Pourquoi l'Umih a-t-elle lancé une opération d'une telle envergure mettant en danger les professionnels qui y souscrivent si ses dirigeants n'ont pas de réelles assurances ?
Parce que l'Umih part du principe qu'un texte dérogatoire peut être obtenu et espère aboutir à une modification de la sixième directive. Mettant en avant le principe de l'équité devant l'impôt, l'Umih conteste le taux normal pour la restauration servie à table puisque la vente à emporter bénéficie du taux réduit.
PLN zzz20a zzz74v zzz16 zzz22v zzz66f

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Côté politique

Laurent Fabius menace

C'est par un communiqué de presse en date du 19 février, soit le jour même de l'opération coup de force à l'Arc de triomphe, que le ministre des Finances a prévenu des risques encourus par les restaurateurs "en grève de TVA".

"A l'appel d'une organisation professionnelle, certains chefs d'entreprise de la restauration et de l'hôtellerie auraient décidé de faire une grève de la TVA. Ils continueraient de faire payer à leurs clients le taux de 19,6 % mais n'acquitteraient la TVA qu'à hauteur de 5,5 %. Il est normal que les revendications catégorielles puissent s'exprimer paisiblement dans le débat public. En revanche, il est inacceptable dans un Etat de droit qu'une catégorie de contribuables prétende dicter sa propre loi à l'ensemble de la communauté nationale qui en supporterait le coût. Seul le Parlement, dans le respect de nos engagements internationaux, a le pouvoir de modifier les règles en vigueur. Le ministre de l'Economie et le secrétaire d'Etat au Budget en appellent donc au sens de la responsabilité de chacun, et rappellent qu'en cas de manquements volontaires à leurs obligations fiscales, les contrevenants s'exposeront immédiatement aux sanctions et contrôles prévus par la loi."

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Lionel Jospin désapprouve

"C'est un mouvement que je désapprouve fortement", a déclaré Lionel Jospin, lundi 25 février dernier, au sujet du mouvement de grève lancé par les restaurateurs. C'est dans le cadre d'un point de presse qu'il s'est exprimé : "L'idée de dire 'moi, je ne paie plus la TVA', nous ne l'acceptons pas, et d'ailleurs, certains le constateront. On ne peut pas demander aux Français de respecter les règles et s'abstraire soi-même de ces règles." Concernant le fond du problème, le Premier ministre s'est montré plus conciliant : "Je comprends les revendications, mais il faut voir si c'est possible dans la mesure où le coût d'une telle mesure est très élevé", tout en se déclarant "peu certain" des retombées sur les prix des restaurants que pourrait avoir une mesure dont il n'est "pas sûr que la Commission européenne donne son accord".

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Souvenons-nous...

TVA : le coup bas de Charasse

"Alors que l'hôtellerie et la restauration faisaient partie la liste des secteurs proposés pour le taux réduit, le ministre du Budget, face aux pertes budgétaires qu'une telle mesure entraînerait, n'a pas hésité à intervenir pour que des modifications soient apportées au projet. Il a ainsi pu obtenir, pour la période transitoire, que l'hôtellerie reste sur la liste facultative du taux réduit mais que la restauration en soit retirée, laissant toutefois aux Etats membres appliquant à cette date le taux réduit la possibilité de le maintenir jusqu'à la fin de cette période transitoire."
Source : L'Hôtellerie du 4 juillet 1991

Tableau des taux de TVA dans l'hôtellerie-restauration des 15 pays de l'Union européenne en octobre 2001

  Taux   Cas général Hôtellerie     Restauration     Bar-Café     Alimentaire
    Taux Taux   Sur A Livrée Boissons Bars   Disco- Boissons Nourriture Boissons Boissons
    normal réduit   place emporter à domicile alcoolisées et cafés   thèques alcoolisées   sans alcool alcoolisées
  Danemark 25 - 25 25 25 25 25 25   25 25 25 25 25
  Suède 25 6/12 12 25 12 12 25 25   25 25 12 12 25
  Finlande 22 17/8 8 22 17 17 22 22   22 22 17 17 22
  Belgique 21 6/12 6 21 6 6 21 21   21 21 6/12/21 21 21
  France 19,6 5,5 5,5 19,6 5,5 5,5 19,6 19,6   19,6 19,6 5,5 5,5 19,6
  Royaume-Uni 17,5 0 17,5 17,5 0/17,5 17,5 17,5 17,5   17,5 17,5 0* 17,5 17,5
  Allemagne 16 7 16 16 7 7/16* 16 16   16 16 7 16 16
  Irlande 20 0/12,5 12,5 12,5 12,5 12,5 20 12,5   20 20 0/12,5/20 20 20
  Portugal 17 5/12 5 12 12/17* 12 12 12   12 12 5/12/17 5/12 5/17
  Autriche 20 10 10 10* 10* 10* 20 10*   10* 20 10 20 20
  Italie 20 4/10 10 10 10 10 10 10   20 10 4/10 20 20
  Pays-Bas 19 6 6 6 6 6 19 6   6 19 6 6 19
  Grèce* 18 8 8 8 8 8 18 8   18 18 8 8 18
  Espagne 16 7 7 7 7 7 7 7   7 7 7 7 16
  Luxembourg 5 3/6/12 3 3 3 3 3 3   3 3 3 3 12/15

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L'Hôtellerie n° 2758 Hebdo 28 Février 2002 Copyright ©

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