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Savoir séduire la clientèle gay

Hôtellerie - ALORS QUE LE MARCHÉ GAY REPRÉSENTE UN RÉEL POTENTIEL, LES HOTELIERS FRANÇAIS, CONTRAIREMENT AUX ANGLO-SAXONS, N'ONT AUCUNE DÉMARCHE MARKETING CIBLÉE ENVERS CETTE CLIENTELE.


Jacques Caradec a publié en 2000 une brochure destinée à persuader que la France est Gay Friendly.

Même si les priorités nécessaires ont tendance à porter les actions promotionnelles vers les cibles grasses, toute personne est un client potentiel pour l'homme de marketing hôtelier. Ainsi, les campagnes de communication destinées à promouvoir le tourisme en France ne cessent d'afficher de bons vieux clichés : les jeunes, la famille, l'homme d'affaires restent des valeurs sûres. Pour solidifier les fonds de clientèle, mais aussi avec les menaces de récession dans la demande touristique, les stratégies actuelles consistent à chercher de nouvelles cibles de clientèle. Parmi elles, le marché des homosexuels, femmes et hommes, englobés sous le terme presque générique de gays, devient petit à petit une niche de clientèle en émergence. Une enquête réalisée par la société d'études BSP révèle que les gays sont globalement dans la moyenne haute des revenus disponibles.
Mais aussi, à ressources identiques, ils consomment plus de loisirs que le reste de la population. Alors, sans pour autant vouloir détrôner les incontournables Mykonos, Ibiza et autres sites réputés gay, la France, du bout des lèvres, annonce s'intéresser à cette clientèle jusqu'ici très ignorée. Jacques Caradec, directeur de Maison de la France à Los Angeles, a d'ailleurs publié en 2000 une brochure destinée à persuader que la France est Gay Friendly. Même si, globalement, la démarche a fait peu d'émules, il existe pourtant quelques hôteliers qui se sont déjà positionnés sur ce marché.  

Une niche riche
Le marché des gays en France n'est pas le même qu'en Grande-Bretagne ou qu'aux Etats-Unis. Outre-Atlantique, la force des lobbies homosexuels a encouragé les grandes marques à s'investir sur ce secteur et à ne pas les laisser pour compte. La Grande-Bretagne a également compris qu'ils représentaient une puissance économique et une manne non négligeables. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Depuis que les professionnels du tourisme et les collectivités ont décidé de faire la cour aux homos américains, ceux-ci génèrent 10 % des revenus du tourisme total de Londres. En France, la prudence est de mise : on communique en général peu sur le sujet. Côté tourisme, une seule agence de voyages spécialisée semble exercer sur le secteur : Eurogays. "Nous travaillons peu sur le réceptif par manque de temps. Mais le potentiel est énorme", explique Basilio, qui co-anime l'agence. La clientèle étrangère est d'ailleurs stupéfaite par ce désintérêt manifeste. "Nous sommes le seul hôtel sur Paris à être spécialisé dans l'accueil des homosexuels qui représentent 98 % de notre clientèle", déclare Fabrice Laurens de l'Hôtel Central Marais. "Nos 7 chambres ne désemplissent pas ; et cela dure depuis près de 10 ans." Clientèle dynamique, le magazine Têtu le confirmait et révélait que 68 % des gays et 42 % des lesbiennes étaient partis en voyage en 1997. Et ces chiffres sont en constante augmentation. De même, d'autres enquêtes annoncent que la population gay dépense beaucoup dans les extras et les achats spontanés. "Un hôtel qui n'accueille que des homos peut doubler son chiffre d'affaires", renchérit-on.
Cependant, on constate qu'il existe deux attitudes de la part de la clientèle homosexuelle. L'une cherchera à se retrouver en communauté. C'est notamment le cas de l'homosexuel américain qui convoite principalement des lieux fréquentés essentiellement par ses homologues. D'autres, comme le Français, se montrent plus individualistes. "Nous proposons surtout des voyages à la carte. Les groupes ne marchent pas en France", commente Basilio d'Eurogays. En fait, la clientèle homosexuelle française est assez timide ; elle n'a qu'une seule exigence : celle d'être bien accueillie. Elle redoute le regard des réceptionnistes d'hôtel à leur égard. "Il n'y a rien de plus désagréable que d'avoir une employée qui vous tend les clés avec un certain dédain", confie un client. "Car le stéréotype de l'homo avec le boa rose autour du cou et le string en cuir est malheureusement encore présent dans les esprits", poursuit-il. Et il existe encore des hôteliers fiers de dire "ici, nous hébergeons des gens sains : ni chiens, ni pédés", explique un gay qui a déjà vécu de mauvaises expériences hôtelières.

Des hôtel 'Gay Friendly'

En France, il existe très peu d'hôtels 'spécialisés' dans l'accueil de la clientèle homosexuelle. Déjà parce que la loi interdit toute ségrégation. Ensuite parce que le marché n'en est qu'à ses balbutiements. Pour pallier ce manque, en province notamment, de nombreux gîtes et chambres d'hôte ne cachent pas leur préférence. Mais côté hôtel, on fait appel aux établissements dits 'gay friendly' pour assurer la relève. Ces hôtels, "accueillants pour les homosexuels", connaissent les quelques exigences de ce type de clientèle. "Une chambre avec un lit double et non une twin sera préparée même si figure le nom de deux messieurs sur le voucher", raconte Anne à la réception d'un hôtel sympathisant. Ces établissements se sont fait connaître auprès des principaux prescripteurs comme les guides et magazines spécialisés, même si c'est le bouche à oreille qui fonctionne le mieux. Eric Charpentier, de l'hôtel Le Guilhem à Montpellier, est satisfait des retombées de son intérêt pour le marché des gays. "Ils sont encore peu nombreux, mais c'est une clientèle comme les autres et très agréable à recevoir", confie-t-il. L'hôtel Kyriad Nation, quant à lui, n'a pas fait la démarche spontanément. "C'est un réceptif parisien avec lequel nous travaillons qui a décidé de se rapprocher d'une agence homosexuelle canadienne. Je suis commerçant, et si on peut développer ce créneau-là, je n'ai aucune raison de me priver", dévoile Franck Altruie, le directeur. "On se rend compte que les prestataires viennent dorénavant nous solliciter, notamment certaines compagnies aériennes. C'est déjà bien", explique Basilio. Le plus important est que les mentalités changent. Le Club Méditerranée a fait un premier pas. Quelques semaines par an sont entièrement allotées et réservées à des agences gay pour leur clientèle. Cependant, par crainte d'une mauvaise réaction de la part de leurs GM habituels, voire de la presse, le Club Med reste très discret sur ces négociations et n'en parle que par phrases détournées. Mais c'est déjà ça. Ainsi le tourisme français ne serait-il pas tout doucement en train d'évoluer dans les mentalités ? L'avenir nous le révélera.
M.-L. Estienne zzz36v

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A Londres, les homosexuels américains génèrent 10 % des revenus du tourisme

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L'Hôtellerie n° 2743 L'Hôtellerie Économie 8 Novembre 2001

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