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L'ÉVÉNEMENT

Extension de l'accord sur la RTT en CHR

GUIGOU SOUS PRESSION

Alors que les rumeurs vont bon train sur le possible refus d'Elisabeth Guigou d'étendre l'accord sur la RTT signé par le SFH et le SNRLH, pour le collège patronal, et par la CFDT et la CGT, pour les salariés, la ministre n'a toujours pas fait part de sa décision.

Jeudi 2 octobre, la sous-commission des conventions et accords collectifs a rendu pour la seconde fois un avis négatif quant à l'extension de l'accord sur la réduction du temps de travail dans les CHR. L'extension de ce texte aurait pour conséquence de le rendre applicable à toute la profession. Suite à ces deux refus, la balle est dans le camp du ministre du Travail et de l'Emploi, Elisabeth Guigou, qui a le pouvoir de passer outre le refus de ces commissions et de décider malgré tout de l'extension.
Dès le jeudi soir, le ministère du Travail envoyait un communiqué de presse dans lequel la ministre précisait qu'elle prenait acte du second refus de la commission. Et qu'après avoir examiné attentivement les débats de cette sous-commission, elle ferait connaître sa décision en début de semaine suivante, soit le lundi 8 octobre. Suspens... Depuis, plus de nouvelles...
Pourtant, ce lundi-là, des représentants du cabinet de la ministre recevaient les deux syndicats salariés signataires de l'accord, la CFDT et la CGT. Ces derniers voulaient faire entendre leur volonté de voir cet accord étendu, et espéraient que la ministre leur ferait part de sa position. A la sortie de leur rendez-vous, Johanny Ramos, pour la CFDT, et Jean-Claude Tufferi, pour la CGT, étaient satisfaits de leur entretien, et avaient même l'impression que la ministre était pour l'extension de l'accord, même si celle-ci n'avait pas fait de déclaration. A ce moment-là, on parlait d'une intervention d'Elisabeth Guigou pour la fin de la semaine, voire même pour le début de la semaine suivante, soit le lundi 15 octobre.

L'Umih et le GNC, enfin reçus...
Jeudi 11 octobre, c'est une délégation des opposants à cet accord, en les personnes d'André Daguin, président de l'Umih, Jean-Marc Espalioux, président du directoire du groupe Accor, accompagnés de conseillers techniques, que recevait la ministre du Travail.
A la sortie de cet entretien, André Daguin se félicitait du dialogue ouvert avec la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. "Cet entretien nous a permis d'exposer les spécificités du secteur, et en particulier, les conséquences immédiates des attentats du 11 septembre 2001 à New York, qui ont eu des répercussions sur l'activité de nos établissements, précise André Daguin. Le gouvernement sait maintenant qu'il existe un front uni d'opposition constitué par la CPIH, la Fagiht, le GNC et l'Umih. Un bloc d'opposition qui représente la totalité des branches de notre profession. Si nos adhérents s'imaginent que nous refusons toute réduction du temps de travail, ils se trompent. Nous sommes d'accord, comme nous l'avions annoncé lors de notre congrès l'année dernière, pour une réduction du temps de travail à 39 heures, et ensuite, on voit pour le droit commun." André Daguin se dit très optimiste et pense que la ministre ne va pas étendre cet accord, même s'il précise qu'il s'agit d'une impression et qu'il ne veut rien dire qui puisse la gêner.

Elisabeth Guigou n'étendrait plus...
Mais lundi 15 octobre, la rumeur allait bon train : Elisabeth Guigou n'étendrait pas l'accord. Rumeur prise très au sérieux par les signataires, qui décident de réagir en adressant une lettre commune à Elisabeth Guigou et Lionel Jospin pour rappeler la nécessité d'un tel accord dans la profession, et le soutien apporté par 3 ministres à ce texte (lire encadré ci-contre).
Le président du SNRLH, Jacques Mathivat, signataire de l'accord, réagit vivement aux événements des derniers jours, et fait savoir qu'il "déplore l'attitude d'opposition d'André Daguin", qu'il qualifie "d'irresponsable". Et de préciser : "Il faut analyser les conséquences de ces prises de position si cet accord n'est pas étendu. Trois scénarios sont possibles. La première hypothèse serait que de nouvelles négociations s'ouvrent. Mais dans ce cas, cela prendrait du temps, et de toutes les façons, si des négociations recommencent, il ne faut pas se leurrer... on repartirait sur la base de l'accord déjà négocié. Les salariés ont toujours clairement annoncé qu'ils ne voulaient pas négocier sur un texte autre que celui qui prévoit une RTT à 35 heures. Cette hypothèse est peu sérieuse et peu probable."
Quant à la deuxième hypothèse, qu'il juge "plus réaliste, mais aussi plus inquiétante pour la profession", il évoque la publication d'un décret qui ramènerait la durée du temps de travail à 39 heures dans la profession (contre 43 heures aujourd'hui). "Ce décret ne règlerait pas tous les problèmes de modulation ou d'annualisation du temps de travail qui sont nécessaires pour la profession dont l'activité est très fluctuante. Mais surtout, il nous imposerait une réduction du temps de travail sans pouvoir bénéficier des réductions de charges sociales prévues par la loi Aubry. Dans cette hypothèse, il faudrait qu'André Daguin m'explique ce que la profession y gagnerait, à part certaines chaînes hôtelières qui sont déjà à 39 heures et qui, du coup, n'auraient pas à réduire le temps de travail."
Quant à la troisième hypothèse, "la pire" à ses yeux et "la plus catastrophique pour la profession", ce serait que le gouvernement ne fasse rien, c'est-à-dire, qu'il n'étende pas l'accord, mais qu'il ne publie pas non plus de décret à 39 heures. "Dans ce cas, on prendrait de gros risques de voir naître des conflits devant les tribunaux. Les syndicats ne nous ont jamais caché qu'en cas d'échec des négociations, ils iraient devant les tribunaux pour demander l'application pure et simple de la loi Aubry. Il faut rappeler quand même que le secteur des CHR n'a jamais été exclu de cette loi. Qu'en outre, le plus grand flou juridique règne quant à la validité du décret d'avril 1999 sur le maintien de nos horaires à 43 heures. Nous prenons le risque de voir les salariés réclamer le paiement d'heures supplémentaires, pour toutes les heures qu'ils auraient effectuées au-delà de la durée légale, c'est-à-dire 35 heures pour les entreprises de plus de 20 salariés depuis le 1er janvier 2000, et pour les petites entreprises, les 35 heures seraient applicables dans quelques mois, soit le 1er janvier 2002."
Mais ce qui inquiète le plus Jacques Mathivat, c'est que la ministre ne fasse rien. "Car je ne vois pas Elisabeth Guigou prendre un décret à 39 heures qui donnerait satisfaction uniquement aux employeurs."

Un accord pour la profession
"Il faut rappeler que nous ne sommes pas pour la loi des 35 heures, que nous ne l'avons jamais votée. Mais elle existe, et il faut faire avec. C'est la raison pour laquelle nous avons négocié pour pouvoir organiser une souplesse du temps de travail dans nos entreprises, et surtout pouvoir bénéficier de réductions de charges sociales qui nous aident à supporter la mise en place de cette RTT", conclut Jacques Mathivat.
Pour Alain-Philippe Feutré, président du SFH (Syndicat français de l'hôtellerie), "André Daguin s'est trompé de débat en faisant de la politique politicienne. Je déplore ce débat qui est très politisé et loin des préoccupations des entreprises qui risquent de se voir appliquer purement et simplement la loi sur les 35 heures. Le débat, à l'heure actuelle, n'est plus syndicaliste, il s'agit purement et simplement d'une opposition politique contre le gouvernement. Je ne suis pas pour cette loi, mais elle est là, et il faut faire avec dans les meilleures conditions.
Il est vrai que les attentats terroristes du 11 septembre ont modifié la donne en ayant des répercussions économiques sur l'activité touristique. Mais les établissements qui sont très touchés sont les hôtels 4 étoiles et 4 étoiles luxe qui voient leurs chiffres d'affaires chuter de 25 à 30 %. Mais le marché des 1 à 3 étoiles est aujourd'hui moins concerné, et peut même espérer un développement de la clientèle nationale, qui a peur de prendre l'avion et ne veut plus voyager à l'étranger pour l'instant. L'argument de ces événements doit être relativisé et ne peut justifier la marche en arrière du gouvernement. Ma plus grande crainte est que le gouvernement n'étende pas cet accord, mais surtout, qu'il ne fasse rien. Ce qui rendrait au 1er janvier 2002 la loi Aubry applicable à tous."
On le voit, les différents groupes jouent la montre... La question de la décision d'Elisabeth Guigou reste en suspens.
Mardi 16 octobre au soir, la ministre du Travail doit rencontrer Lionel Jospin pour évoquer le dossier. Selon nos sources, elle n'a toujours pas pris de décision. Quand la fera-t-elle connaître ? Telle est la question...
P. Carbillet zzz60t

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Lettre à Elisabeth Guigou et Lionel Jospin

Après deux années de négociations en commissions mixtes paritaires, souvent houleuses, toujours difficiles, à la limite de la rupture
- notamment lors de la réunion de novembre 2000 -, un accord sur l'aménagement de la réduction du temps de travail dans les hôtels, cafés, restaurants a été finalisé et signé, le 28 mai 2001, par la CFDT et la CGT, et le 15 juin par le SFH et le SNRLH.

Lors de la conférence de presse du 21 juin 2001, les ministres présents - Madame E. Guigou, Madame M. Demessine, Monsieur F. Patriat - ont bien voulu reconnaître l'importance d'un tel accord pour notre secteur d'activité - 4e employeur privé de France - et féliciter les signataires de doter la profession de moyens, tout en améliorant l'image de marque, de conduire une politique réaliste tendant à concilier les intérêts économiques des entreprises et les aspirations qu'ont fait naître les lois Aubry chez les salariés.
Car le souci des signataires de cet accord a bien été de trouver les aménagements nécessaires pour que les lieux d'animation que sont les cafés, hôtels, restaurants continuent à assurer à la France sa place de première destination touristique au monde, tout en offrant aux salariés des conditions de travail incitatives.
Il paraît invraisemblable qu'un accord aussi équilibré qui, tout en reconnaissant les 35 heures, subordonne leur application à un calendrier en fonction de la taille des entreprises et à des mesures d'accompagnement, ait fait l'objet par deux fois d'une opposition des membres de la sous-commission d'extension des conventions collectives, à moins que cette opposition n'ait été dictée par d'autres intérêts que ceux de la petite entreprise majoritaire dans le secteur.
Prendre pour prétexte les événements tragiques du 11 septembre et leurs répercussions prévisibles sur le tourisme mondial pour retarder la mise en place d'un avenant sur la réduction du temps de travail relèverait d'une méconnaissance du besoin des entreprises. D'une part, nous sommes dans une pénurie de main-d'œuvre depuis de nombreuses années. D'autre part, s'il ne fait pas de doute que l'industrie hôtelière va avoir à souffrir d'un ralentissement d'activité, il ne fait pas de doute non plus que ce sont les établissements haut de gamme qui auront le plus à souffrir. Or, ces établissements ont déjà, pour la plupart, mis en place une réduction du temps de travail.
En outre, le plan d'accompagnement négocié de la mise en place des 35 heures prévoit des temps de formations tant pour les employés que pour les chefs d'entreprise, formations qui pourraient pallier le chômage technique, voire, dans certains cas, le licenciement de personnel.
Il semblait, Monsieur le Premier ministre, que les pouvoirs publics avaient parfaitement compris que l'objectif des signataires de l'accord sur la réduction du temps de travail dans les HCR était de faire entrer en douceur la profession dans le XXIe siècle, en évitant les amalgames entre des revendications peut-être justifiées et le statut social des salariés.
Les signataires de la présente demandent solennellement l'extension de l'accord sur l'aménagement de la réduction du temps de travail, et sollicitent votre soutien pour que cette extension intervienne rapidement, afin que le malaise qui s'est installé chez leurs mandants respectifs et dans toute la profession puisse être dissipé au plus vite.
Alain-Philippe Feutré (pour le SFH), Jacques Mathivat (pour le SNRLH),
Johanny Ramos (pour la CFDT), et Jean-Claude Tufferi (pour la CGT)

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