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A la loupe
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Alain Martin

Cuisinier et fier de l'être

Aux fourneaux depuis l'âge de 14 ans, Alain Martin, cuisinier parmi tant d'autres, aime son métier. "Il faut savoir s'amuser en cuisine", lâche-t-il trois décennies plus tard. Coup de projecteur.

ALaLoupe.JPG (6569 octets)Drôle de profession, méconnue, mal connue, même lorsque l'on s'efforce de lui rendre hommage de l'intérieur. Chaque cuistot donne sa version, toujours plus personnelle, toujours plus étonnante. L'homme ou la femme à l'abri des fourneaux, des heures durant, crée. Bien sûr, il y a répétition. Mais chaque note se joue différemment et le plus discret d'entre eux porte en lui une incomparable richesse. Alain Martin appartient à cette caste. Non, il ne s'est pas lancé dans la charge exorbitante d'une affaire. Il s'est contenté d'un parcours classique, dans lequel certains se reconnaîtront et que d'autres envieront. Attention toutefois au terme classique, qui devient ici synonyme de savoir-faire et de passion tranquille... Un oncle cuisinier, longtemps responsable des cuisines d'Air France à l'international, guide ses premiers pas. Alain démarre son apprentissage à 14 ans près de Montargis. 3 ans plus tard, son CAP de cuisinier en poche, il monte à Paris. Le président de la société des cuisiniers de la capitale, Auguste Guyet, lui donne alors sa chance au Flamberge. Il y reste 3 ans en tant que commis saucier, avant d'embarquer à bord du Jeanne d'Arc, service militaire oblige. Au terme d'un voyage qui en "valait la peine", Alain revient dans la capitale.

De retour à Paris

Nous sommes en 1974. Joël Robuchon inaugure le restaurant du Concorde Lafayette. Alain est dans l'équipe : "C'était à la fois rigide et très intéressant. Il fallait être à cheval sur les exigences du chef mais nous étions heureux de travailler avec lui. Il nous motivait, nous poussait à participer à des concours."

D'abord commis, Alain gravit les échelons. Son territoire : le chaud et les sauces durant 23 ans. "C'était une importante brigade qui allait jusqu'à 100 personnes. Nous vivions de la gastro à des banquets très importants. Le plus difficile, c'est qu'il fallait envoyer les banquets comme la gastro." Quel relationnel entreteniez-vous avec les jeunes lorsque vous étiez sous-chef à cette époque ? "Comme je viens de vous le dire, il y avait beaucoup de monde. Avec le recul, je crois que j'étais devenu assez autoritaire." L'êtes-vous toujours ? Alain réfléchit, puis sourit : "Nous sommes à un tournant certain de la profession. Les mentalités changent par la force des choses. Nous ne pouvons plus demander tout et n'importe quoi aux jeunes. Ils attendent de nous qu'on leur transmette un savoir-faire. A côté de ça, ils veulent pouvoir vivre et sortir."

Au Rendez-vous des Quais

Alain a ensuite intégré les fourneaux du Rendez-vous des Quais, toujours à Paris, qu'il vient de quitter pour une nouvelle aventure dans un grand groupe de restauration. Le midi, au Rendez-vous des Quais, celui-ci devait répondre à une clientèle de bureau âgée entre 25 et 40 ans. Le plat du jour tenait une place importante. "C'était 40 % des ventes. Nous avions beaucoup d'habitués et il fallait sans cesse les surprendre." Rascasse au thé citron, Saumon beurre blanc et purée de pois... "Quand on a le feu vert, il faut savoir s'amuser en cuisine." Alain, comme beaucoup d'autres cuisiniers, travaille les jus de cuisson et les saveurs naturelles des produits. "Avant, on mettait de la crème partout et on utilisait beaucoup de farine. Ce temps est révolu. Personnellement, je sais que je trouve mon inspiration dans les épices. J'aime associer des arômes exotiques à des aliments de terroir." Etes-vous pour la cuisine d'assemblage ? Alain hésite, soupire : "Je crois que nous devons, nous cuisiniers, nous adapter à de nouvelles méthodes de travail, à de nouveaux matériels, si nous voulons conserver une certaine rentabilité. Il faut, en parallèle, que l'ensemble des fournisseurs réfléchisse à l'évolution de l'offre. Puisque nous sommes confrontés à des problèmes d'horaires et de personnel, nous devons nous recentrer sur notre métier. Est-ce que désosser un poulet ou lever un poisson fait partie de notre métier ? Dans certains cas oui, dans d'autres non. Et ce n'est pas une question de qualité." Alain Martin défend, en outre, les produits de saison. "Les gens ont besoin d'être rassuré. Revenir au rythme naturel des produits me semble important, pour tout le monde." Dans le cadre de son activité, Alain s'essaie également aux sandwiches. Avec succès. "Pendant trop longtemps, on a considéré le sandwich comme un produit sans âme. Or, il faut lui apporter un goût, une personnalité. Vous savez, un bon sandwich, comme une bonne salade d'ailleurs, c'est très recherché par les consommateurs." A 48 ans, Alain Martin n'estime pas encore avoir fait le tour de son métier, même s'il en connaît la lourde charge. "Vous savez, le plus dur, c'est cette impression de surplace. Tout le monde parle de la cuisine, mais il y a peu de mise en valeur individuelle en fait. Cela devient frustrant à la longue et le seul moyen d'échapper à cette usure, c'est soit prendre son affaire, soit se remettre en cause en cherchant de nouvelles saveurs, de nouvelles idées. Personnellement, j'ai opté pour cette seconde voie." Sans regret ? "Des regrets ? Moi ? Non. J'aime mon métier."
S. Soubes zzz18p

Alain Martin : "Nous sommes à un tournant certain de la profession. Les mentalités changent par la force des choses."

En dates

20 août 1953 Naissance

1967
Apprentissage

1974
Entre au Concorde Lafayette

1989 Participe
à la décade culinaire pour le roi du Maroc

1998
En cuisine au Stade de France
lors de la Coupe du Monde de Football

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L'Hôtellerie n° 2731 Hebdo 16 Août 2001

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