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A la loupe
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Pascal Piette

Le franc parleur

Propriétaire du Piano Blanc à Rennes, Pascal Piette est à son affaire depuis 12 ans. Autant dire qu'il connaît bien le monde de la gastronomie bretonne. Parti prenant dans de nombreuses manifestations, il nous livre sa vision du métier et de ses acteurs... sans concession.

On aime ou pas Pascal Piette, mais en tout cas il ne laisse pas indifférent, signe d'une personnalité bien marquée. Exigent et maniaque, il se reconnaît également en cuisine, coléreux mais pas rancunier. "Chez moi, la colère n'est pas à rallonge, mais positive." Physiquement, aussi, il en impose. L'homme est robuste, en verve, la voix rauque, la blague latente à chaque bout de phrase. Ce samedi matin sur le marché des Lices, en compagnie de Herman, le second, et Xavier, le premier commis, il semble tout bousculer. Les producteurs le voient arriver de loin, et déjà un rictus se lit sur leur visage. Il vient respirer les produits, même si son établissement reste portes closes le week-end, une originalité sur la place.
Installé depuis 1988, le chef du Piano Blanc n'a de cesse de défendre la gastronomie. Il est de toutes les manifestations, de toutes les associations. Dans cette optique, il participe étroitement à la mise sur pied du prochain grand rendez-vous de la gastronomie bretonne, Margho, qui devrait voir le jour fin 2001. Un salon "pour que Rennes soit reconnue comme une ville gastronomique à part entière." A l'origine du concours des Apprentis de la foire internationale de Rennes, il s'implique également, aux côtés d'autres chefs, dans la foire aux Chapons de Janzé. Et comment évoquer cet engagement sans citer le Club des restaurateurs du bassin rennais ou encore les Tables Gourmandes du pays rennais, association au sein de laquelle il officie en qualité de vice-président. "Une bonne idée, mais qu'il faudrait vivre avec un peu plus de simplicité", remarque-t-il. Quant au syndicat, le chef n'y a cotisé qu'une année. "C'est obligatoire, voire indispensable, mais je ne partage pas leur point de vue. Pour moi, la manifestation de Paris n'a pas donné une bonne image de la profession."

"La tête plus grosse que la toque"
Homme engagé, Pascal Piette sort volontiers de son établissement. Pour autant, aujourd'hui il semble quelque peu désabusé. "On a connu l'euphorie d'avant la guerre du Golfe. Puis la consternation et la liquidation pour certains. Aujourd'hui, on est en plein boum économique..., mais cela ne rend pas les gens intelligents pour autant. Certains ont encore la tête plus grosse que la toque. Je ne dis pas que ceux d'avant ne l'avaient pas, mais ils étaient très bons. Aujourd'hui, même les moyens y arrivent. Et d'ajouter : Lorsque tout le monde est dans la mouise, on boit le café ensemble. Quand tout le monde gagne sa vie, c'est conflictuel." Faisant partie aujourd'hui 'des plus vieux sur Rennes', il a assisté à l'installation de nombreux jeunes. "On les a aidés, car la cuisine, c'est paternel. Aujourd'hui ils ont oublié, alors c'est fini, je ne ferai plus de cadeaux." En fin observateur de la gastronomie rennaise, il regrette que sa ville ne soit pas davantage considérée. Une seule étoile sur la place ? "On a toujours été boudé parce que Rennes n'est pas une ville touristique. Peu importe, ce n'est pas d'étoile dont nous avons besoin, mais de restaurants où l'on mange bien. Les étoiles ne changent rien, sauf à démolir les cuisiniers lorsqu'ils la perdent ! Et pour moi, Marc Tizon et Marc Angelle, les deux derniers grands, que nous avons connus sur Rennes, méritaient un second macaron, qui les aurait certainement sauvés." Et lorsque le microcosme lui déplaît, il enfile sa veste noire, "parce que la blanche est synonyme de chef et que je n'aime pas ce mot", et retourne devant la cheminée conviviale de son Piano Blanc acheté aux enchères.

Le virage de la cheminée
Pour une clientèle essentiellement d'affaires (plus de 80 %), il concocte une cuisine de saison. Une cuisine conjoncturelle même. "Avant la guerre du Golfe, je faisais comme tout le monde, de la gastronomie haut de gamme. C'était une époque où l'on vendait plus de homards que de filets de bœuf. Il y avait du cristal sur les tables, de l'argenterie... Ces affaires étaient faites pour les poètes !" La situation économique change, le Piano Blanc avec. De 32, il passe à 80 couverts, s'entiche d'une cheminée, et offre une cuisine de meilleur rapport qualité/prix. Cette attitude permet à Pascal Piette d'éviter le couperet du dépôt de bilan. Aujourd'hui encore, ce parti pris lui réussit et l'âtre tire mieux que jamais. Sur la carte (carte-menu à 160 et 230 F), l'entrecôte, la selle d'agneau, le pigeonneau ou le filet de bœuf sont grillés à la cheminée. "Ma spécialité est de faire à manger. J'aime les champignons, et je déteste les desserts. Je n'en mange pas et je ne les fais pas." Le Piano Blanc marche fort, et son propriétaire vient d'ailleurs d'acquérir une autre affaire, le Manoir des Hortensias. Situé à quelques encablures de la capitale bretonne, cet établissement (deux salles de 80 et 240 personnes), va accueillir "le show- room, les affaires la semaine, les mariages le week-end." A 43 ans, l'homme à la veste noire se lance un nouveau défi. Dire qu'il n'avait déjà plus le temps d'aller à la pêche, sa grande passion avec le poker ! Aujourd'hui, il n'y pense même plus. Reste un moment capital auquel il ne renoncera jamais. La réunion du 'Club des 3 chefs sans enfants', plus connus sous les noms de Jacques Thorel et Gérard Le Guehennec, les vrais complices. Deux épicuriens aux caractères bien trempés..., à l'image du troisième.
O. Marie

En dates

1988 :
Rachat aux enchères du Piano Blanc
1994 : Agrandissement et réorientation du Piano Blanc

Octobre 2000 : Rachat du Manoir des Hortensias

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L'Hôtellerie n° 2726 Hebdo 12 Juillet 2001


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