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Marché

Le day-use

Un marché très discret

Comme tout le monde le sait, les chambres d'hôtel ne servent pas exclusivement la nuit. La clientèle diurne est même loin d'être négligeable dans certains hôtels. Or, le day-use, bien qu'escamoté dans les discours, est une réalité économique qui, paradoxalement, n'a jamais fait l'objet d'aucune étude de marché.

Soucieux de leur image, les groupes hôteliers préfèrent rester discrets sur les chiffres relatifs aux day-uses (il faut comprendre la location des chambres durant la journée, pour une ou plusieurs heures). C'est que la fréquentation des hôtels en journée, selon la première idée qui vient à l'esprit, demeure avant tout à l'usage des couples illégitimes. On préfère donc citer les employés nocturnes, les automobilistes qui conduisent de nuit, les équipages des compagnies aériennes ou les voyageurs en transit dans les aéroports pour parler des day-uses. Dans certains hôtels, ils représentent d'ailleurs une part importante de la clientèle, même si ce n'est le lot que d'une minorité d'établissements, dont les chaînes n'ont pas le monopole. Il est fréquent que l'on trouve jusqu'à une quinzaine de clients par après-midi de semaine dans certains hôtels à la localisation discrète, ce qui transforme l'expression day-use en 'quick' ou en 'tac-tac' dans le langage amusé des hôteliers. Selon Agnès Rabanit, administratrice des ventes au Sofitel de Roissy, "les voyageurs en transit occupant les chambres de jour représentent en moyenne environ 10 % par jour". Fait curieux, hormis la clientèle des voyageurs de nuit, il est quasiment impossible de trouver une étude de marché pour l'implantation d'un hôtel qui développe ouvertement l'apport de clientèle durant les demi-journées.

Un phénomène social
"Il ne s'agit pas de choquer un investisseur ou un banquier, alors que ce marché représente un chiffre d'affaires additionnel parfois important", explique un spécialiste des études. La fréquentation des couples en day-uses est une réalité économique. Nettement plus généralisée, elle s'avère même parfois être une véritable manne pour certains hôtels situés en périphérie des grandes villes... "Ils prennent une chambre pour quelques heures, en général au moment de la pause déjeuner, n'ont pas de bagages et payent généralement cash", explique un réceptionniste. Guillaume Playoust, directeur du Campanile de Gennevilliers, révèle sans complexe l'intérêt de ce phénomène : "Ça permet de mettre du beurre dans les épinards ; les day-uses représentent plus d'une quinzaine de chambres par semaine avec des pointes le jeudi où l'on fait en moyenne 7 ou 8 chambres." Au dire des hôteliers qui acceptent d'en parler, le p.-d.g. et sa secrétaire sont toujours d'actualité. Anonymat et discrétion apparaissent alors comme le principal critère de sélection, ce qui explique en partie le succès des hôtels économiques auprès de cette clientèle, notamment lorsque l'on peut régler par appareil automatique. La disposition architecturale de l'hôtel peut aussi être un atout considérable : "Au Campanile de Gennevilliers, on n'est pas obligé de passer par la réception pour accéder aux chambres. On voit seulement les messieurs qui viennent payer mais pas les dames ; et elles apprécient cette discrétion." Toutefois, le phénomène ne concerne pas uniquement les hôtels économiques, comme le signale Céline Jeantet, responsable relations presse chez Formule 1, Ibis et Etap Hôtel : "Le day-use existe dans toutes les enseignes, quelle que soit leur catégorie ; cela dépend uniquement du porte-monnaie du client." Son homologue de Mercure considère toutefois que le phénomène est moins répandu dans les hôtels haut de gamme et ajoute en riant : "Un couple qui descend pour l'après-midi dans un Mercure ou un Sofitel, on n'appelle plus cela un day-use..."

Une organisation de l'hôtel réadaptée
Ce type de fréquentation nécessite une organisation différente au sein de l'équipe d'exploitation. Dans les hôtels d'aéroports, comme au Sofitel de Roissy, "la restauration est disponible de 5 heures à 2 heures du matin, on a des équipes qui tournent pour que le ménage soit fait en continu". Ce système amène parfois le personnel des compagnies aériennes, en pleine récupération des décalages horaires, à se plaindre du bruit des aspirateurs pendant leur temps de repos. Les hôtels économiques s'adaptent au mieux pour que la réorganisation n'augmente pas les coûts : "On a formé les employés du restaurant pour qu'ils s'occupent des lits et les jours de pointe, le responsable de l'hôtel se retrousse les manches pour refaire les chambres."

Un système avantageux
Officiellement, les tarifs proposés sont identiques à ceux des nuitées. Seuls les établissements dont la clientèle est bien spécifique, tels que les hôtels d'aéroports internationaux, peuvent déclarer ouvertement diminuer leurs tarifs de 60 % en journée. Les autres, notamment les hôtels économiques, sont apparemment moins flexibles. "Certains essayent de négocier, mais même s'ils ne viennent que pour 1 heure, on fait la chambre au même prix", indique Guillaume Playoust. Après réflexion, il ajoute : "On fait quand même exception avec un de nos habitués qui vient régulièrement deux fois par semaine." La réduction semble s'appliquer plus couramment dans les hôtels haut de gamme, mais reste au bon vouloir des directeurs.
Précisons que certains hôteliers, craignant une mauvaise image ou même la prostitution, n'acceptent pas les day-uses. Pourtant, les chaînes ne font aucune recommandation aux directeurs et préfèrent fermer les yeux avec bienveillance. Ce type de fréquentation présente en effet l'avantage non négligeable de pouvoir louer les chambres au moins deux fois par jour. C'est pourquoi certains hôtels réussissent parfois à obtenir des taux d'occupation supérieurs à 100 %
C. Lerenard


Le day-use s'avère être une véritable manne pour certains hôtels.

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L'HÔTELLERIE n° 2722 L'Hôtellerie Économie 14 Juin 2001


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