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Machines à sous illicites

Loi bafouée, cafetiers pris au piège

Pour contrer le développement des machines à sous illicites dans les bars et le caractère criminogène qui l'entoure, de nombreux observateurs se disent une nouvelle fois favorables, sous certaines conditions, à la légalisation de bandits manchots récréatifs au coin du zinc. Plusieurs propositions ont été faites dans ce sens, notamment par l'Umih et le sénateur-maire Nicolas About. L'Etat va-t-il encore pouvoir camper longtemps sur ses positions ? Celui-ci s'étant jusqu'ici opposé à toute évolution de la loi.

En 1999, Xavier Raufer et Stéphane Quéré, du Centre universitaire et juridique de recherche sur les menaces criminelles contemporaines de l'université Paris II - Panthéon-Assas (MCC), ont établi un rapport détaillé sur les machines à sous illicites et les dangers qu'elles représentaient. De nouvelles observations faites par ces deux chercheurs ont été rendues publiques en février dernier, mettant en lumière une nette aggravation du phénomène et des dérives criminelles qu'il engendre. Selon eux, en 2000, la mort de 11 'gros calibres' du milieu serait directement liée à une 'guerre d'extermination' pour le contrôle des machines à sous illégales dont la répartition géographique se situe désormais entre le Triangle de la Mort * et la région parisienne. A ces chiffres s'ajoute "l'impressionnante ascension d'une nouvelle génération de gangsters" issus "des bandes de banlieue" ou des "clans gitans sédentarisés quasi impénétrables de l'est de l'Ile-de-France (...) dépourvus de tout frein moral...". Le tableau est loin d'être optimiste. Dans une logique de 'prévention du crime', la note du MCC préconise désormais la légalisation de certaines machines associée à "un contrôle administratif serré". "Il est temps que la France se dote d'une politique des jeux claire et applicable", ajoute-t-on.

Etat gagnant ?
Récemment, l'Umih a élaboré une proposition de réglementation visant la légalisation de machines récréatives à gains limités. "La réflexion, explique Jean Biron, vice-président de l'Umih et chargé du dossier, est partie d'un constat très simple : ce phénomène pourrit la vie de nombreux cafetiers qui se retrouvent dans l'illégalité, alors que partout en Europe, à l'exception de la France (le Portugal est en train de les légaliser), des machines douces sont autorisées dans les pubs et les bars. Notre volonté n'est pas de concurrencer qui que ce soit en matière de jeux en France, mais de donner à la clientèle des cafés un loisir supplémentaire." Jean Biron évoque également l'euro et une nécessaire harmonisation européenne. "Il existe plusieurs bonnes raisons pour aller vers la légalisation de machines douces. La sécurité d'abord, mais aussi fiscalement, tant au niveau du chiffre d'affaires des établissements que des circuits d'exploitation. Je crois qu'il est important de prendre en compte l'arrivée de l'euro. Les gens vont se déplacer encore plus, et il nous paraît logique que les touristes puissent s'amuser en France comme ils le font chez eux. En ce qui concerne les cafés, cette légalisation serait pour eux la création d'une activité complémentaire et rémunératrice. Quant aux recettes fiscales, elles sont estimées entre 3 et 5 milliards de francs. L'Etat a tout à gagner ici, d'autant plus que cette autorisation serait créatrice d'emplois. Je pense au secteur des placiers notamment."
La proposition de réglementation faite par l'Umih porte sur des "machines classe B dites machines récréatives à mises et gains limités" destinés aux cafés (licence IV). Leur homologation serait obligatoire et "les programmes sources de ces machines pourraient être remis à l'organisme de contrôle et d'homologation à tout moment", insiste Jean Biron qui parle aussi d'une boîte noire installée à l'intérieur de chaque machine. L'Umih souhaite que la mise par jeu ne soit pas supérieure à 1 ou 2 euros, mais qu'elle accepte des mises inférieures avec un gain maximal situé à 300 fois le montant de la mise (avec un retour sur la totalité des sommes pariées qui ne soit pas inférieure à 75 %). La proposition de loi comporte un volet détaillé sur l'encadrement administratif de l'exploitation des machines. Elle prévoit la limitation de 1 à 3 machines maximum par établissement agréé. "Le partage du produit brut des jeux entre les exploitants et les établissements autorisés se faisant sur la base de 70/30 après le paiement de la TVA et de la vignette."
Nicolas About, sénateur-maire UDF de Montigny-le-Bretonneux, a quant à lui défendu un projet similaire le 16 janvier dernier devant le Sénat, mettant lui aussi l'accent sur la nécessité d'une loi nouvelle destinée aux débits de boissons "à la condition expresse que ces derniers acceptent de se soumettre à un contrôle administratif et fiscal strict".

Cafés dans la tourmente
L'abrogation de la loi du 21 mai 1838 portant la prohibition des loteries en France est-elle au bout du tunnel pour les cafés ? Il est malheureusement impossible de répondre à cette question. Seule certitude, côté bistrotier, beaucoup d'établissements à l'heure actuelle survivent uniquement grâce à la mise en place de machines à sous illicites. Combien en existe-t-il ? Les chiffres varient du simple au double. En 1999, les chercheurs du MCC parlaient de 6 000 machines. Le parc a bien sûr évolué depuis. Combien rapportent-elles ? Xavier Raufer et Stéphane Quéré estiment qu'une machine rapporte entre 30 000 et 50 000 F par mois. Sous couvert, certains cafetiers vont jusqu'à 90 000 F par machine, sachant que ces sommes sont généralement réparties à 50/50 entre le placier et le cafetier. Quels types de machines sont concernés ? Poker, bingo, quilles, flippers... Tout ce qui peut servir de support à un pari en fait. Ces machines sont "trafiquées de manière à recevoir autant de gains (à coup de pièce de 10 F généralement) que le joueur a envie de parier. Les joueurs sont des habitués. J'ai vu un jour quelqu'un parier 12 000 F dans la journée...", témoigne un possesseur d'une machine illicite en région parisienne. "Oh, ce n'est pas de bon cœur qu'on a pris une machine ! Tous les établissements autour du mien en avaient, et j'ai dû m'y mettre sinon la clientèle ne venait plus chez moi, commente-t-il. Et puis, quand on en a pris une, c'est quasiment impossible de faire marche arrière." Cercle vicieux.
S. Soubes

* Le Triangle de la Mort, appelé ainsi par des policiers méridionaux, s'étend sur "tout le Grand Sud, de Grenoble à la frontière italienne et de là jusqu'en Espagne".


De nombreuses machines à sous servent aujourd'hui de support aux paris.

Tour d'horizon du marché européen des machines à sous

Allemagne
w 226 900 machines recensées en 1998
w Recettes fiscales équivalentes à plus de 1,68 MdF
w Mise maximum : 0,40 DM
w Gain maximum : 4 DM
w Homologation préalable obligatoire
w Les associations veulent changer la loi pour réduire le temps d'une partie de 16 à 3 secondes

Autriche
w 5 000 machines recensées
w Recettes fiscales équivalentes à 27 MF

Belgique
w Le nombre de machines en vigueur n'est pas encore connu, le système de licence prévu n'étant pas encore opérationnel.
La loi date du 7 mai 1999. Dans l'immédiat, les taxes sont calculées sur la base d'impôts sur les machines automatiques (dites de classe A) et varie selon la région (144 000 FB pour la Flandre, 55 000 FB pour la Wallonie, 72 000 FB pour la région de Bruxelles). La loi doit permettre la mise en place de 1 à 2 machines à sous par débits de boissons. (Selon le sénateur Nicolas About, il y aurait 88 000 machines en activité générant une recette fiscale équivalente à 293 MF.)

Espagne
w Les machines de type B, destinées aux bars et aux salles de jeux, étaient au nombre de 234 203 au 31 décembre 1999 (recette fiscale équivalente à 5,5 MdF)
w Mise maximum : 25 pesetas (parties doubles autorisées, soit 50 pesetas)
w Gain maximum : 10 000 pesetas (15 000 pesetas pour une partie double)
w Homologation préalable obligatoire
w La vignette fiscale est en moyenne de 515 164 pesetas/an et par machine. Il n'y a pas de TVA sur les recettes.

Hollande
w 38 900 machines recensées en 1999
w Mise maximum : 0,25 florin
w Gain maximum : 50 florins
w Homologation préalable obligatoire

w La TVA (19 %) porte sur les gains nets par machine. Ces machines sont soumises à une nouvelle loi en date du 1er juin 2000 (qui entrera en vigueur l'année prochaine). Les établissements pour les adultes (bars et salles de jeux ne recevant pas de mineurs) pourront exploiter 1 à 2 machines à sous maximum. Les machines devront en outre être adaptées aux nouvelles directives visant à diminuer l'addiction des joueurs.

Royaume-Uni
w 250 400 machines recensées en 1999
Il existe 3 types de machines :
- les All Cash qu'on trouve dans les pubs et salles de jeux : gains allant de 5 à 15 livres
- Les Club/Jackpot autorisés dans les clubs, les casinos et les bingos : gains allant de 250 à 1 000 livres en fonction du lieu
- Les Trivial AWPS (Amusement Whith Price) : gains de 5 livres en cash ou de 8 livres en jetons
w Recettes fiscales équivalentes à près de 2 MdF
w La législation date de 1968 et est en cours de révision

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L'HÔTELLERIE n° 2720 Hebdo 31 Mai 2001


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