Année 2000 boursière
Si l'année 2000 s'est terminée pour le secteur français de la restauration sur fond de crise de l'ESB exacerbant une tendance sous-jacente plus durable et marquée, la sécurité alimentaire, elle, ne peut se résumer à l'épizootie de la vache folle, qui a atteint un pic, en termes de couverture médiatique, en novembre dernier, alors que Noël se profilait à l'horizon avec force ripailles et victuailles. D'autres faits et tendances ont marqué cette année qui, somme toute, aura été douce et amère dans la tonalité d'une nouvelle de Maupassant.
Débat ajourné sur la baisse de la TVA, adoption en cours de négociation des 39 heures puis des 35 heures, crise de l'ESB, épidémie de fièvre aphteuse, méfiance du consommateur, profits warnings de plusieurs chaînes de restauration cotées en Bourse, changements d'axes stratégiques pour d'autres, hausse du prix du carburant, difficile gestion des approvisionnements... L'exercice 2000 fut globalement difficile pour la restauration mais source d'enseignements. Si le tableau peut paraître noir, parallèlement, d'autres éléments favorables ont permis à certains acteurs de tirer leur épingle du jeu : les grands chefs, les sandwicheries à la française, etc.
TVA et baisse du temps de travail
Deux débats, encore en discussion, que la baisse de la TVA et de la durée hebdomadaire
du temps de travail, étroitement liés aussi, l'un 'devant' faire passer l'autre. Martine
Aubry ne s'y était d'ailleurs pas trompé proposant, de concert, baisse de l'un et
adoption de l'autre dans un secteur très tributaire des taxations de l'Etat et
utilisateur en main-d'uvre. Pour l'heure, la profession, derrière ses
représentants, s'est mobilisée pour négocier au mieux une RTT, sachant que bon nombre
de chaînes commerciales a déjà adopté les 39 heures alors qu'elles n'ont pas encore
été votées. Quant à l'harmonisation de la TVA à l'échelle européenne, elle pourrait
donner un coup d'accélérateur au débat, sans oublier la récente décision de Bruxelles
à l'encontre de la France sur la taxation envisagée du service.
ESB et fièvre aphteuse
Parallèlement, la crise de la vache folle et son corollaire - la baisse de fréquentation
des restaurants et des grills notamment -, si elle a pu être considérée par certains
comme temporaire, a mis en lumière une exigence durablement accrue du consommateur en
termes de sécurité alimentaire et de traçabilité. Dès lors, l'Etat français et
l'Union européenne ont interdit l'utilisation des farines animales, décision qui, a elle
seule, pouvait calmer la crise. Si l'activité des restaurateurs a été pénalisée en
novembre et décembre, et semble limiter son recul au premier trimestre 2001, la
reconquête du consommateur sera longue. Ajoutons à cela - la cerise sur le gâteau -
l'épidémie de fièvre aphteuse qui n'a pas apaisé les esprits, au contraire.
Les conséquences économiques sont lourdes entre la destruction d'une partie du cheptel
européen, la hausse du prix de la viande, la difficulté de s'approvisionner en quantité
en matières carnées, etc. Dès lors, l'inflation des matières premières, comme le
recours à l'importation de viandes sud-américaines notamment, impacteront la marge brute
des restaurateurs, sauf à envisager, ce que la majorité d'entre eux fit, une hausse de
leurs tarifs à la carte. Ajoutons également la mise à jour des cartes (suppression des
viandes à os, etc.) et les campagnes de communication, en vue de rassurer le
consommateur, qui pèseront sur la marge opérationnelle.
In fine, la croissance de la restauration commerciale s'est ralentie.
Bilan des courses, le rythme de progression de la restauration commerciale s'est ralenti
en 2000, passant de 11,4 % en 1999 à 6,7 % (source Gira Sic Conseil), soit 30,4 milliards
d'euros. Le fléchissement de la croissance est le fait des chaînes (20 % de l'activité)
dont la progression des recettes s'est établie à 6,7 % en 2000 contre 11,4 % en 1999,
sachant que celle des indépendants à atteint 6,7 % en 2000 contre 6,9 % en 1999.
Groupe Flo | Buffalo Grill | Léon de Bruxelles | Bernard Loiseau | |
Cours actuel en E | 23,5 | 9,86 |
2,77 | 6,02 |
---|---|---|---|---|
VE en ME | 287,5 | 253,6 | 62,4 | 10,7 |
VE/CA 2000 | 0,8 | 1,0 | 1,2 | 1,0 |
VE/Rex 2000 | 18,2 | 9,3 | 62,4 | 6,2 |
VE/RN 2000 | 56,4 | 41,4 |
124,8 | 11,8 |
VE : valeur d'entreprise Rex : résultat d'exploitation |
RN : résultat net corrigé des survaleurs et de l'exceptionnel |
Le succès de plusieurs concepts
McDonald's (qui génère un tiers de l'activité des chaînes) et les grills expliquent en
grande partie ce ralentissement, alors que les sandwicheries à la française ont
surperformé le marché avec 20,3 % de progression. Concept prometteur, les sandwicheries
à la française (comme Brioche Dorée, Pomme de Pain, Class'Croûte, etc.) ont été les
bons élèves de cet exercice 2000, inspirant même le géant McDonald's en France, qui a
lui étoffé sa carte, la complétant de sandwichs plus classiques, de croque-monsieur,
etc. Dans une autre veine, la restauration d'ambiance (comme les Bouddha Bar, Asian, Man
Ray, Barrio Latino situés à Paris) a également tiré son épingle du jeu. Alliant
divertissements, musique, mode, cadre cosy, dynamisant les bars et salons de certains
grands hôtels ou fonctionnant de manière autonome, elle prouve qu'une sortie au
restaurant doit être divertissante, dépaysante. Quant aux grands chefs français, ils se
portent bien, sur fond de croissance économique et de confiance des ménages et des
entreprises. Certains même étant particulièrement actifs, comme Georges Blanc,
Jean-Paul Lacombe en région Rhône-Alpes ou encore Marc Veyrat, qui envisage, après
Veyrier-du-Lac et Megève, de prendre pied à Paris, capitale qui sera pour lui un
tremplin en vue d'une ouverture outre-Atlantique.
Un secteur en voie de concentration
Aussi difficile que fut le contexte 2000, les acteurs français de la restauration n'ont
pas pour autant baissé les bras et ont même fait preuve de créativité, d'innovation et
de dynamisme. Pour preuve, les rachats récents de Bistro Romain par le Groupe Flo et
celui de Courtepaille (groupe Accor) par un financier britannique agissant pour le compte
de la Barclays. Ces deux opérations prouvent que les enjeux sont là, que le mouvement de
concentration amorcé dans le secteur (rachats des chaînes Batifol, L'Amanguier, etc.)
n'en est qu'à ses débuts. Quant aux financiers, britanniques notamment, qui
s'intéressent au marché français de la restauration, ce phénomène n'est pas nouveau ;
rappelons la prise de participation de Fidelity dans Léon de Bruxelles ou celle
d'Anderson Group dans Buffalo Grill.
D. Henriet
Buffalo GrillLe chiffre d'affaires 2000 de Buffalo Grill a atteint 261,8 ME (+ 6,8 %). Cette progression de l'activité intègre l'ouverture de 26 restaurants (soit un parc de 217 unités au 31 décembre 2000) et l'impact de la crise de l'ESB sur les mois de novembre et de décembre, soit un repli de respectivement 23 % et 12 %. A parc constant de restaurants, la baisse de l'activité est de 2,4 %. L'EBITDA ressort à 43,4 ME, stable par rapport à l'exercice 1999, soit 42,5 ME. Le résultat d'exploitation a atteint 28,1 ME, en repli de 6 % par rapport à 1999. La marge d'exploitation ressort, dès lors, à 10,7 % contre 12,2 % l'année dernière (- 1,5 point). Le résultat publié est de 2,7 ME soit 7,4 ME corrigé des survaleurs et de l'exceptionnel. Cette année, Buffalo Grill prévoit l'ouverture de 28 unités, dont 17 franchises, l'utilisation du levier de croissance que constituent la publicité, la rentabilité des restaurants espagnols, la cession de 12 restaurants Bistro d'Augustin et la transformation en Buffalo des 3 derniers et l'optimisation de la gestion de Victoria Pub. L'action s'échangeait récemment à 9,86 E, oscillant dans un canal compris entre 9,5 et 11 E. L'action s'échangeait récemment à 9,86 E, oscillant dans un canal compris entre 9,5 et 11 E. |
Groupe FloLa société, qui a publié ses résultats le 24 avril, a réalisé un chiffre d'affaires 2000 de 351,3 ME (+ 26 %). La croissance organique est de 13,1 %, celle liée à l'intégration sur six mois de Bistro Romain de 12,2 %, la croissance à parc constant de restaurants est de 0,3 % et l'effet de change contribue à hauteur de 0,4 %. Notons que 2 restaurants londoniens Café Flo ont été cédés sur la période, et que 15 Bistro Romain n'ont pas été consolidés. Si le résultat net est en repli de 29,1 % à 5,6 ME (5,1 ME corrigé de 0,5 ME de résultat exceptionnel), l'EBITDA progresse plus vite que le chiffre d'affaires (+ 40,2 %) comme l'EBIT, qui est en hausse de 27,4 % (marge opérationnelle de 4,5 % contre 4,4 % en 1999). En 2001, le rythme d'ouvertures devrait être ralenti, cet exercice étant consacré à la consolidation du nouveau périmètre (intégration de Bistro Romain) et à l'amélioration de la rentabilité opérationnelle. Le titre Groupe Flo valait 23,5 E contre un plus haut de 36,4 E en début d'année. |
* Profits warnings : révision à la baisse des
bénéfices.
* Croissance organique : croissance à parc constant de
restaurants.
* EBITDA : excédent brut d'exploitation.
* EBIT : résultat d'exploitation.
Bernard Loiseau© C. Palluau
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Léon de BruxellesDepuis la fin de l'année 1998, la vie boursière de l'action Léon de Bruxelles (cotée au Second marché de la Bourse de Paris) est rythmée par les différents profits warnings de la société, qui avait encore émis (en avril) un nouvel avertissement sur ses comptes 2000. Alors que la société tablait, dans son dernier communiqué, sur une perte de 3,81 ME (25 MF), elle a annoncé un déficit "nettement supérieur à ce montant compte tenu de la restructuration en cours". In fine, le chiffre d'affaires 2000 a atteint 51,2 ME contre 50,2 ME en 1999. Le résultat d'exploitation s'établit à 1 ME contre 6,3 ME en 1999, soit une marge opérationnelle qui passe de 12,5 % à 1,95 %. Le résultat net publié ressort à - 12,1 ME, intégrant un résultat exceptionnel négatif de - 12,6 ME (prime de non conversion des obligations convertibles, provisions pour cession d'actifs, etc.). Quant à la situation bilantielle du groupe, elle est également en forte dégradation avec des fonds propres négatifs de - 2,2 ME (contre 9,9 ME en 1999). L'endettement net du groupe atteint 52,1 ME, si le groupe prévoit la mise en place d'un plan de restructuration de deux ans (équilibre prévu fin 2002/début 2003) intégrant les fermetures de plusieurs restaurants, des actions de reconquête de clientèle... "Léon de Bruxelles avec ses moyens actuels ne peut à l'évidence financer seul son redressement. Sa situation nette revient à constater que les pertes du groupe exigent une restructuration du passif. Sa survie dépend donc de sa capacité à réduire son endettement, d'autant que le CA au premier trimestre a baissé d'environ 6 %." Outre l'aspect spéculatif du dossier (Léon de Bruxelles pouvant être racheté par un groupe du secteur ou un financier), la viabilité du groupe s'amenuise au fil du temps. L'action s'échangeait récemment à 2,77 E contre un plus haut en 2000 de 35,5 E. |
La France n'est pas le mauvais élève européen, ses voisins sont également affectés par une conjoncture sectorielle difficile qui dure depuis plus longtemps avec, comme illustration, les parcours boursiers sur deux ans des groupes britanniques cotés à Londres, comme Pizza Express, Groupe Chez Gérard. Même outre-Atlantique, Lone Star et Outback Steakhouse ont, en 2000, sousperformé. |
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L'HÔTELLERIE n° 2715 Hebdo 26 Avril 2001