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Tribune libre
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Réduction du temps de travail

Divergences patronales sur la signature d'un accord

C'est le 30 mars prochain que, dans le cadre de la commission plénière des CHR, syndicats patronaux et syndicats salariés devront prendre position vis-à-vis de la signature d'un accord de branche pour la réduction du temps de travail dans les entreprises du secteur. Un sujet sur lequel les syndicats patronaux se divisent en deux groupes : d'un côté l'Umih, le GNC et la Fagiht, qui refusent de signer l'accord retenu par les syndicats salariés, de l'autre, la CPIH, le SNRLH et le SFH, qui eux, ont choisi de signer pour ne pas voir le gouvernement leur imposer un texte non négocié. Le débat engage bien sûr l'image et l'avenir du secteur. Il est normal que des prises de positions divergentes s'expriment dans nos colonnes.

La position de Jacques Mathivat, président du SNRLH

Le 30 mars prochain se réunira la commission plénière des CHR au cours de laquelle l'ensemble des partenaires sociaux prendra la lourde responsabilité de signer ou non un accord sur la réduction du temps de travail présenté par le SNRLH, le SFH et la CPIH, la proposition de l'Umih ayant été rejetée par les centrales syndicales de salariés. Je signerai au nom du SNRLH cet accord selon le mandat qui m'a été donné par mon comité directeur.
Par méconnaissance de son contenu ou du contexte des négociations ou par stratégies politiques, beaucoup de contrevérités ont été formulées sur ce texte qui réduit le temps de travail en deux étapes :
w Une première étape avec un passage à 39 heures accompagné des allégements de charges sociales patronales prévues par les lois Aubry et d'une réduction totale des avantages en nature nourriture.
w Une seconde étape conditionnelle avec un passage à 35 heures en 2005 ou 2007, selon la taille des entreprises, sous réserve que le gouvernement accorde à notre profession des compensations financières de même valeur que pour la première étape.
Ne pas signer cet accord, ce serait laisser l'Etat légiférer à notre place en croyant qu'un gouvernement prochain reviendrait sur la loi dite des 35 heures, alors que chacun sait que les droits acquis sont difficilement remis en cause dans notre pays.
De ce fait, les grandes entreprises structurées qui en auraient les moyens pourraient négocier (certaines l'ont déjà fait) des accords d'entreprise à 35 heures pour bénéficier des allégements de charges tout en attirant chez elles le personnel très motivé de nos jours par un emploi qui offre du temps libre. Les petites entreprises - soit près de 97 % du secteur - devront réduire la durée du temps de travail sans aucune compensation financière, sans bénéficier de temps pour s'adapter, ni de souplesses pour s'organiser, souplesses pourtant indispensables à notre secteur qui par essence connaît des fluctuations saisonnières et des variations d'activité.
En revanche, signer l'accord que nous proposons, c'est assurer un délai de 4 à 6 ans aux entreprises pour s'adapter à la réduction du temps de travail grâce à un échéancier mis en place dans l'accord. C'est prévoir, à chaque étape de la réduction, des allégements de charges sociales permettant la mise en œuvre économique de la RTT tout en dispensant les petites entreprises de réaliser leur propre accord qui relève souvent de la gageure en leur offrant tous les moyens d'adaptation, que ce soit par le biais de la saisonnalisation, du cycle ou par toute autre modalité. Cet accord permet également de trouver les règles applicables au temps partiel face à une loi inapplicable dans notre secteur. Enfin, il sera un élément important pour rendre plus attractive notre profession.
Il me serait plus facile de dire que je suis contre les 35 heures en faisant abstraction de la loi et de m'abstenir de toutes actions en laissant l'Etat prendre une décision mettant au pilori les petites entreprises. Il me serait aussi possible de vous dire combien je souhaite amener notre profession vers la modernité en prenant en considération l'évolution des mentalités tout en vous rappelant combien il faisait bon travailler au XIX siècle, et vous certifiant que la pénurie de main-d'œuvre qualifiée s'arrangera par un coup de baguette magique !
Il me paraît plus sérieux de mettre en œuvre un accord prenant en considération nos spécificités et donnant les mêmes droits et les mêmes devoirs à toutes les entreprises composant notre profession afin de maintenir une saine concurrence. Il me paraît relever de ma responsabilité de trouver avec les pouvoirs publics les mesures d'accompagnement nécessaires à cette réduction de la durée du temps de travail et d'obtenir les allégements de charges sociales qui pèsent tant sur nos entreprises de main-d'œuvre.
Il est temps que l'industrie hôtelière montre la maturité dont elle sait faire preuve pour être autonome sans attendre toujours que la loi change pour s'adapter !
Avec le SFH et la CPIH, nous avançons d'un même pas, et nous souhaitons que, débarrassée de dogmatisme et d'ambitions personnelles, toute la profession s'unisse le 30 mars pour assurer son avenir.

La position de Jacques Jond, président de la Fagiht

Le 11 janvier 2001, la délégation de la Fagiht quittait la réunion de commission mixte sociale en cours en même temps que les représentants de l'Umih. Devant l'évolution des négociations, et tout spécialement devant les propositions de réduction du temps de travail à 35 heures faites par le SFH, le SNRLH et apparemment quelques dirigeants de la CPIH, j'avais, avant de quitter la salle, déclaré : "Les propositions des syndicats patronaux précités créent une situation très grave qui pourrait conduire à la déstabilisation de la plupart des entreprises et à la remise en cause fondamentale du fonctionnement de l'industrie hôtelière française."
Pour que ces syndicats en arrivent à vouloir faire passer toutes les entreprises du secteur dans le régime commun avec réduction de 45 heures à 35 heures en moins de 10 ans, des collusions semblent apparaître, à l'évidence. Il est vrai que les syndicats patronaux (que je respecte toutefois, comme je respecte les syndicats salariés) signataires du projet représentent des entreprises implantées essentiellement à Paris et dans quelques départements, souvent à faible densité hôtelière. En particulier 90 % de l'industrie hôtelière saisonnière ne sont pas représentés par les signataires ainsi que plus des 3/4 du territoire français. La Fagiht se dissocie donc de cette démarche dont elle avise sans délai ses ressortissants. Et l'accueil favorable, voire très favorable, des syndicats salariés à ce projet devrait donner à réfléchir aux responsables patronaux auteurs de ce texte.
Hélas, depuis 2 mois la réflexion s'est traduite par un entêtement étonnant, s'appuyant sur des arguties de plus en plus discutables, malgré la contestation interne permanente qui s'est installée à ce sujet dans la seule composante à implantation provinciale significative. Tout est devenu bon pour justifier l'injustifiable, et pour excuser des syndicats patronaux de s'engager dans une voie qui réduirait de près de 25 % en 9 ans la durée du temps de travail dans l'industrie hôtelière. On rejoindrait ainsi le régime commun contraire à toutes les spécificités de la profession. Mais tous les prétextes sont avancés, tels que le manque de main-d'œuvre qualifiée, comme si l'industrie hôtelière était la seule branche d'activité concernée par ce phénomène, et comme si ledit phénomène était dû seulement à l'image de marque de la profession... et non aussi à une certaine culture du non-travail et aux rythmes professionnels à contretemps de l'évolution de la société de loisirs.
Que les entreprises qui en ont les moyens (et il y en a) réduisent donc le temps de travail, augmentent les salaires et passent des accords comme la loi Aubry le leur permet afin de percevoir les fameuses primes qui risquent de n'avoir souvent qu'un caractère virtuel.
Autre prétexte tout à fait stupéfiant pour faire admettre l'inadmissible : un projet de décret est en préparation pour rendre enfin effectif au 1er juillet 2001 la suppression des charges sociales sur les avantages en nature nourriture.
Et nos trois syndicats patronaux, en compétition pour le progrès social, d'essayer de présenter à leurs ressortissants et aux chefs d'entreprise de la profession en général ce projet de décret comme un cadeau du gouvernement en échange de la signature en faveur des 35 heures ! De qui se moque-t-on ?
Le 30 avril 1997, la Fagiht, la FNIH, le GNC, le SFH et le SNRLH avaient précisé très officiellement au Premier ministre que la convention collective n'était signée et extensible que sous condition formelle de la suppression desdites charges patronales. Ceci en échange du passage de la durée du temps de travail de 45 heures à 43 heures. La convention collective est en application pour toutes les entreprises : or, seulement 25 % de l'abattement convenu sont en vigueur. Les syndicats patronaux ont donc été dupés et le projet de décret évoqué plus haut ne fait que réparer un abus de confiance. Alors de grâce, que cette mesure de restitution d'un dû ne soit pas présentée comme une monnaie d'échange nouvelle. Enfin, les syndicats patronaux, auteurs du projet d'alignement sur les 35 heures, semblent mesurer le problème de représentativité qui peut les concerner pour une extension de leur texte. Aussi n'hésitent-ils plus à affirmer qu'ils représentent 50 % ou davantage des salariés des entreprises syndiquées. Comme d'autres syndicats affirment représenter de 80 à 90 % des entreprises, il y a longtemps que les 150 % sont dépassés, en dehors même de la Fagiht bien sûr, et il y a tout aussi longtemps que le manque de sérieux, le manque d'un minimum d'objectivité pour appuyer un argumentaire, affaiblissent les syndicats patronaux de l'industrie hôtelière française. L'enjeu pour l'avenir de nos professions est trop grand pour que nous nous taisions.
Le gouvernement est dans son rôle (comme tout gouvernement) quand il tente de faire appliquer le plus largement possible les orientations et décisions économiques ou politiques qu'il a prises.
Les syndicats salariés sont dans leur rôle quand ils pratiquent la surenchère pour tenter d'arracher le maximum en faveur des salariés, et cela vis-à-vis de l'ensemble des entreprises, sans se rendre compte qu'ils condamnent à court terme la majorité d'entre elles, trop vulnérables pour supporter de telles réformes.
Mais les syndicats patronaux dérivent complètement quand ils ne savent que céder de mois en mois et de trimestre en trimestre devant les pressions d'où qu'elles viennent.
Et le gouvernement et les syndicats salariés seraient avisés de s'interroger sur la portée qu'aurait un éventuel accord signé par tel ou tel responsable non représentatif de la majorité de ses mandants...


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L'HÔTELLERIE n° 2710 Hebdo 22 Mars 2001


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