Une ou deux étoiles
Un immense bonheur et des larmes de joie : c'est ainsi que les étoilés vivent leur promotion chez Michelin. S'ils y voient une certaine garantie pour l'avenir, ils n'entendent pas s'endormir sur des lauriers fraîchement coupés.
Propos recueillis par Jean-François Mesplède
Au bout du fil, la voix est encombrée de
larmes. L'Hôtellerie vient d'apprendre à Gilles Goujon qu'il entrait dans le clan
très fermé des restaurants 2 étoiles et le chef de Fonjoncouse s'étrangle d'émotion :
"C'est super ! On ne fait que chialer. C'est une vraie bombe ! Lorsque quelques
rumeurs ont filtré, on ne disait rien sur nous. J'ai dit à mes gars : c'est foutu. Je
n'y croyais plus."
Le 12 juin 1992 à l'âge de 30 ans, Gilles et Marie-Christine Goujon se sont
installés à Fonjoucouse, bourgade audoise d'une centaine d'âmes à 30 kilomètres de
Narbonne. "C'était une auberge rurale rachetée après une triple faillite, dont
les murs appartiennent à la mairie et dans laquelle nous avons investi 250 000 francs.
Les trois premières années ont été dures et nous avons dû attendre pour embaucher du
personnel. J'ai un sommelier depuis cinq ans, un second depuis trois ans, un maître
d'hôtel depuis 18 mois et nous sommes une dizaine et une quinzaine l'été", dit
Gilles.
La deuxième étoile est perçue comme une bouffée d'oxygène et démontre, si besoin
était, que Michelin ne dédaigne pas la restauration rurale ! "Si nous
n'avions pas décroché la première étoile, nous serions morts. C'est beaucoup de
travail et de passion. C'est animer une équipe et la passionner : ici il n'y a rien et
tout le monde se sacrifie pour l'entreprise. Les gars partent au bout de deux mois ou
restent des années ! Cette étoile est un retour formidable."
Après la première étoile, Gilles Goujon s'était promis de doubler la mise pour
devenir le 2 étoiles le moins cher de France : avec un premier menu à 190 francs servi
en semaine midi et soir, gageons qu'il a gagné son pari...
Et une en 1999. Et deux en 2001 pour Laurent
Tarridec, 'l'enfant terrible' de Leï Mouscardins à Saint-Tropez. "C'était un
objectif, mais il arrive très rapidement puisque nous sommes installés depuis deux ans
et demi. Il a fallu forcer la machine pour gagner du temps. Avec un petit restaurant d'une
cinquantaine de couverts et des recettes bien au point, ça simplifie les choses."
La joie de 1 étoile, Tarridec l'avait déjà connue. Mais là, l'émotion est
différente et le laisse pratiquement sans voix. "Nous avons fait pas mal de
travaux pendant l'hiver pour nous préparer pour la saison."
Ce n'est cependant pas une 'première' pour Leï Mouscardins : jadis, Louis Lions avait
obtenu la même distinction. Mais le temps a passé, tout a changé, et c'est désormais
Laurent Tarridec qui est à la barre. "Lorsque je suis arrivé, je n'avais pas
d'argent, mais le propriétaire m'a consenti un crédit-vendeur. Il y a sans doute un
miracle dans mon aventure : on m'a fait confiance, j'ai signé un chèque de 80 000 francs
et j'étais dans la place. Ensuite, 2 ou 3 mois après, les banques ont accepté un prêt
qu'elles m'avaient jusqu'alors refusé." Le talent de Laurent Tarridec a fait le
reste avec cette progression qui lui permet, aux beaux jours, d'enregistrer 130
couverts/jour avec un ticket moyen à 650 francs. La deuxième étoile devrait amener
encore davantage de régularité dans la fréquentation.
'Manu' Renaud connaît bien Marc Veyrat.
Béret vissé sur la tête, il a longtemps côtoyé l'homme au chapeau dans la cuisine de
l'Auberge de l'Eridan et vécu, directement concerné, l'arrivée de la troisième étoile
à Veyrier-du-Lac. En 1997 pourtant, le fidèle second et son épouse Kristine, qui le
seconde le soir, ont eu envie de changer d'air : l'aventure des Flocons de Sel débutait
à Megève où, curieux caprice du destin, l'ancien patron vient de décrocher les 3
étoiles ! Il investit alors un peu moins de 2 MF pour se rendre acquéreur des murs et du
fonds.
L'étoile de Manu ? "Ce n'était pas une fin en soi puisque les clients
étaient déjà contents, mais il est évident que pour tout cuisinier c'est un grand
bonheur. La politique de la maison est d'aller toujours plus loin. Alors 1 étoile, c'est
magique et surtout intéressant pour la régularité dans le travail de l'année."
Comme pour tout restaurant en station, l'intersaison est plutôt difficile : sans
problème en juillet et en août, plus délicat le reste du temps. "Nous sommes 12
à travailler et je ne peux garder tout le monde à l'année. Là, je pense que ce sera
possible. C'est une récompense pour tout le monde : pour moi qui avais vécu le
couronnement de Marc Veyrat, c'est bien sûr fabuleux, mais c'est aussi le meilleur moyen
de dynamiser une équipe."
Les nouvelles étoiles*** ** Paris (VIe) : Relais Louis XIII (Martinez) * Paris (VIIe) : Petrossian A noter les établissements qui perdent leur étoile parce que fermés : Truie qui File à Chartres (28), Poutrière à Orléans (45), Opéra-Grand Hôtel à Paris IXe, Maison Prunier à Paris XVIe, Auberge de l'Arrivée à Montfort-l'Amaury (78) et Chamade à Toulon (83). |
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L'HÔTELLERIE n° 2707 Hebdo 1er Mars 2001