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Jacques Jond

Face aux assauts des partisans de la RTT, le recul constant de la plupart des syndicats patronaux de l'industrie hôtelière est à déplorer


Président de la Fagiht

Au titre de la Fagiht, et dans le cadre des relations sociales nationales, je négocie depuis plus de 20 ans des protocoles d'accord, des projets de conventions collectives et de nombreux avenants.
Ces négociations ont été l'occasion de multiples péripéties et elles n'aboutissaient pas, en général, aux signatures de l'ensemble des 2 collèges : patronat et salariat. Cependant, une constante a pu se dégager en permanence : les responsables des salariés défendaient les intérêts de leurs ressortissants, tandis que les responsables des syndicats patronaux tentaient de sauvegarder la vie de la gamme des entreprises qu'ils représentent, aussi bien à court qu'à moyen terme.
Pour ce faire, il est indispensable de rédiger des textes de convention qui correspondent au plus petit dénominateur commun de l'ensemble des entreprises appelées à supporter de nouvelles réformes. Or, aujourd'hui, une curieuse dérive s'opère et semble se confirmer du côté patronal.
Nous nous trouvons dans le contexte exceptionnel de lois Aubry qui imposent unilatéralement aux entreprises des charges salariales nouvelles sans précédent, en même temps qu'elles désorganisent gravement le fonctionnement des activités de main-d'œuvre. Et plus l'entreprise est seulement moyenne et a fortiori petite, plus les effets nocifs, voire désastreux des mesures décidées, sont notoires.
Une telle situation devrait engendrer 'un front commun' inébranlable des syndicats patronaux pour n'accepter que la réduction de 43 heures à 39 heures dans l'industrie hôtelière dans le cadre du parallélisme des formes avec le régime général passant de 39 heures à 35 heures.
L'effort serait ainsi non seulement le même pour les entreprises de l'industrie hôtelière que pour toutes les autres, mais supérieur puisque la convention collective nationale, en application complète depuis décembre 1997 seulement, réduisait déjà de 2 heures la durée hebdomadaire du travail, la faisant passer de 45 heures à 43 heures.
Le 13 juillet 2000, la Fagiht, la CPIH et le SNRLH présentaient un projet en ce sens avec réduction de 4 heures en 3 années dans les entreprises de moins de 20 salariés, y compris celles qui volontairement appliquaient déjà les 39 heures : c'est-à-dire un effort de 4 heures de réduction pour tous avec compensation par des allégements de charges sociales.
Aucun syndicat de salariés n'accepta de signer, la plupart exigeant l'engagement écrit des syndicats patronaux vis-à-vis des 'inéluctables' 35 heures pour l'ensemble des entreprises.
Le 7 septembre dernier, l'Umih présentait un autre projet introduisant la notion de Très Petites Entreprises de moins de 8 salariés, et préconisait un palier au terme de la mise en œuvre des 39 heures avec mise en place d'un observatoire pour juger alors de la possibilité ou non d'une nouvelle réduction allant à 35 heures.
Le 9 novembre, l'Umih aménageait diverses dispositions dans le sens réclamé par les salariés. Mais les syndicats de salariés accentuaient la pression, refusant le palier et réclamant l'application à terme à l'industrie hôtelière du régime général commun : c'est-à-dire, en clair, la suppression à toute référence à des équivalences et l'application des 35 heures à tous les établissements de l'hôtellerie, de la restauration et des débits de boissons. Soit à court ou moyen terme, selon l'importance des entreprises, une réduction du temps de travail de près de 25 %.
On pourrait croire, face à de telles prétentions à généraliser, que l'ensemble des syndicats patronaux formerait un front commun, s'unirait là de manière concrète et solidaire et non dans des discours démagogiques inutiles... sans doute seulement virtuelle !
Eh bien, il n'en est rien et il faut que les professionnels le sachent.
Le 2 décembre 2000, le SFH et le SNRLH, tous deux syndicats de l'industrie hôtelière essentiellement de Paris et d'Ile-de-France, présentaient une proposition conduisant toute la profession 'au droit commun' avec une durée du temps de travail ramenée à 35 heures.
'Droit commun' particulièrement généreux puisque ne tenant aucun compte des spécificités d'une activité de main-d'œuvre telle l'industrie hôtelière, et garantissant le maintien du bénéfice des 2 jours de repos hebdomadaire de la convention collective, alors que le Code du travail ne prévoit qu'une journée.
Mais il est vrai qu'à la clé de cette proposition des aides très importantes pour le passage aux 35 heures étaient demandées en faveur des entreprises.
Dans la semaine du 11 au 15 décembre, le cabinet de Mme Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, recevait séparément chacune des organisations patronales représentatives.
En ce qui concerne la délégation de la Fagiht, nous considérons avoir trouvé un interlocuteur lucide avec lequel nous nous sommes entretenus longuement, entretien dont il ressort que le ministère préférait un accord collectif négocié, et qu'il patienterait encore un peu. A défaut d'accord collectif, un décret fixerait très vraisemblablement l'horaire de base hebdomadaire de l'industrie hôtelière à 39 heures.
Et si un calendrier pour arriver à ce but pouvait obtenir une signature paritaire, les aides prévues pour la réduction générale du temps de travail de 39 heures à 35 heures seraient applicables à la réduction du temps de travail de 43 heures à 39 heures dans l'industrie hôtelière.
Nous en arrivons à la réunion mixte sociale du 18 décembre 2000 où nous apprenions à la fois que le SNRLH et le SFH maintenaient leur projet de RTT à 35 heures, alors même que leurs propositions chiffrées d'aides au passage à 35 heures n'étaient pas retenues par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
La sagesse populaire fait dire qu'un mauvais accord vaut mieux qu'un procès... La Fagiht a démontré dans le passé qu'elle préférait un accord négocié à un décret.

De là préférer, sous prétexte d'aides aléatoires, un accord paritaire fondamentalement destructeur de l'organisation de l'industrie hôtelière à un décret logique par rapport aux exigences contenues dans les lois Aubry, il y a un pas suicidaire pour l'avenir de l'hôtellerie et de la restauration traditionnelle que tout syndicat patronal responsable ne saurait franchir.

Jacques Jond


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L'HÔTELLERIE n° 2700 Hebdo 11 Janvier 2001


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