Affaire Esnault
"On est content de la décision, car on est rétabli dans notre honneur, bien que le montant de l'indemnité soit insuffisant par rapport à 20 ans de travail de 14 à 16 heures par jour", déclarent les époux Esnault.
L'établissement des époux Esnault, qui avait été déclaré en ruine.
En effet, le tribunal de
grande instance de Rennes, dans un jugement du 27 novembre, vient de condamner l'Etat à
verser 1,2 million de francs à titre de dommages et intérêts aux époux Esnault en
raison "d'un fonctionnement défectueux de la justice qui procède d'une faute
lourde". L'Etat, qui a malgré tout un mois pour faire appel, a été cependant
condamné à verser 800 000 francs à titre d'exécution provisoire, c'est-à-dire
immédiatement. "Le fait que le tribunal ait ordonné qu'une partie de la somme
soit versée à titre d'exécution provisoire montre le bien-fondé de cette affaire et
que le dossier est clair", précise Yves Darel, l'avocat pontoisien des époux
Esnault. C'est une première qui risque de faire jurisprudence, à savoir la condamnation
de l'Etat pour le mauvais fonctionnement de ses services judiciaires. Mais cette
condamnation n'a pu être possible que parce qu'Alain Le Caignec, président de la 4e
chambre civile, qui avait déclaré en état de ruine l'hôtel-restaurant des Esnault,
avait reconnu par la suite dans un courrier son erreur due à une surcharge de travail. "Les
conséquences de cette énorme surcharge de travail ont été de faire vite, très vite,
au risque de faire trop vite. Que le réexamen des pièces lui laissait une impression
désagréable d'arrêt plus ou moins loupé."
Cette qualification de ruine avait permis aux propriétaires du fonds de ne pas faire
les travaux de rénovation qui leur incombaient, conduisant de ce fait les époux Esnault
au dépôt de bilan.
A ceux qui s'étonnent d'une telle prise de position d'un magistrat toujours en exercice,
Yves Darel rétorque : "Un magistrat n'a pas d'obligation de réserve, mais il
doit être loyal en tout." C'est la loyauté qui a prévalu pour cet homme de
droit.
Si le couple Esnault est satisfait de la décision quant à son principe, ils trouvent le
montant insuffisant par rapport au 5,5 millions de francs qu'ils réclamaient en
réparation du préjudice subi. Le tribunal ne leur ayant accordé que 50 % de ce à quoi
ils pouvaient prétendre. Les époux n'excluent pas de faire appel de cette décision pour
obtenir une juste réparation.
P. Carbillet
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L'HÔTELLERIE n° 2694 Hebdo 30 Novembre 2000