C'est une constante, les
restaurateurs vivent mal la médiatisation de certains d'entre eux. En 1995, quand
quelques-uns des plus célèbres, les 'étoilés', s'étaient mêlés à la manifestation
demandant une baisse de la TVA en restauration, nombreux avaient été les restaurateurs
à leur reprocher une présence somme toute trop voyante, les caméras de télévision
n'en avaient eu que pour eux, et les anonymes s'étaient sentis lésés, oubliés, les
micros ne leur avaient pas été tendus alors qu'ils avaient justement beaucoup de choses
à dire sur un quotidien de plus en plus dur. Pour eux, la présence de ceux qui ont une
image de luxe ne pouvait que dévier le message qu'ils voulaient faire passer auprès des
pouvoirs publics, et ils ne reconnaissaient, dans le discours de ceux qui facturent un
repas à 1 000 francs, aucune légitimité pour évoquer les difficultés de gestion de la
restauration, les charges trop lourdes et insupportables, les difficultés de recrutement.
Cinq années se sont écoulées et le dossier en la matière n'a pas évolué, pire, le
vote de la loi Aubry a renforcé l'inquiétude des restaurateurs dans leur capacité à
assurer la pérennité de leurs entreprises. Parfaitement conscients des dangers, voici
bientôt deux ans, les restaurateurs les plus connus, les étoilés, se sont retrouvés au
sein de leurs associations pour mener à bien une étude chiffrée très claire, très
complète, destinée à alerter les pouvoirs publics des conséquences désastreuses
qu'allaient avoir les mesures de la RTT, combinées à un taux de TVA élevé, sur leurs
exploitations en particulier et sur l'ensemble de la profession en général. Aujourd'hui,
c'est sur le plan européen qu'ils ont entamé un combat auprès du commissaire européen
chargé de la fiscalité pour que soit accordé à la restauration le statut de secteur à
haute intensité de main-d'uvre et que lui soit octroyé un taux de TVA réduit.
Si leur présence lors de la première manifestation n'avait pas été appréciée, c'est
aujourd'hui, semble-t-il, leur absence à celle du 16 octobre qui leur est reprochée...
Et de les soupçonner d'être des nantis, peu concernés par les problèmes de la
restauration populaire. Des positions injustes et extrémistes qui ne font que
décrédibiliser le combat de l'ensemble des restaurateurs auprès des pouvoirs publics.
Parce qu'ils offrent une prestation de haut niveau, ils supportent justement des
investissements et des charges très lourds, d'autant que la plupart ont pris des risques
financiers incroyables pour arriver à fournir un confort de prestation très élevé. Il
suffit de découvrir leur parcours pour mesurer l'audace, le courage et le talent dont ils
ont dû faire preuve, simples détenteurs pour la plupart d'un CAP de cuisine, pour
arriver à créer les affaires qu'ils ont aujourd'hui. C'est de leur image prestigieuse,
de leur notoriété que la cuisine française en général, et donc indirectement les
bistrots, les autres restaurants anonymes, tirent chaque jour parti. C'est eux qui
attirent autant d'étrangers, c'est eux qui sont à la base de l'évolution des goûts, de
l'enrichissement de la palette gastronomique, mais c'est aussi eux qui font rêver
quelques jeunes qui veulent à leur tour tenter leur chance dans les métiers de la
cuisine, et s'investissent avec passion dans la restauration. Toutes les professions ont
besoin de chefs de file et matière d'image, certaines savent heureusement mieux en tirer
parti que d'autres, la gastronomie française, la personnalité de ses leaders, sont
autant d'atouts exceptionnels pour l'ensemble de la profession, bien des pays nous les
envient. Quel dommage que tous les restaurateurs français ne l'aient pas encore
compris...
PAF
Vos commentaires : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
L'HÔTELLERIE n° 2689 Hebdo 26 Octobre 2000